Pour l’enfant…

Après mûre réflexion, ce message envoyé à ma fille de onze ans qui traverse en ce moment notre séparation, je le dois à vous tous et vous le donne à lire, si vous en avez envie.

« Petit amour. Tendre et magnifique jeune fille. Lumière.

Edimbourg est magnifique et j’y suis heureux, vraiment. Content d’avoir pu finir cette histoire comme ça, sans trop de heurts. Avec toujours autant d’amour. Maintenant, il te faudra faire sans moi. Pendant un temps. Je ne supporterai pas que tu sois l’instrument de cette histoire. Parce que si tu en es le fruit, le point d’orgue, la pièce la plus belle, ce qui se passe, ici, entre un homme et une femme, un couple, ne te concerne pas. Et surtout, il n’impose en rien ton adhésion à quoi que ce soit. Reste libre. Toujours. Écoute ta voix intérieure.

Écoute celui que tu appelles Bouddha et qui parle à travers toi. Il s’agit en fait de ta voix intérieure. Comme chacun d’entre nous, tu portes bouddha ou Jésus ou Dieu même si tu préfères, dans ton cœur. Tu es bouddha. La meilleure partie de toi l’est et l’a toujours été. Ne doute jamais. N’ai jamais peur. De rien.

Tout ce qui arrive c’est toi qui le crées. C’est toi qui le fabriques. Il te suffit d’une pensée, d’un mot et hop, cela apparaît et existe. On ne subit jamais rien. On choisit tout. Même l’endroit où tu nais. Même tes parents. Même le fait qu’ils se séparent. C’est toi et toi seule qui le choisit. Et si tu as choisi ça, c’est que c’est le mieux pour toi. Pour devenir pleinement la plus belle femme que tu portes. Un être d’amour et de lumière. Un être évolué et qui refuse tout ce qui sonne faux.

Tu vas devoir traverser une épreuve difficile et je ne serai pas là, mais si tu aimes ta mère -et tu l’aimes, il n’y a aucun doute !- Tu dois être honnête tout le temps. Et savoir la laisser régler ses problèmes seule.

Elle pense que les autres peuvent l’aider, mais elle se trompe. Ce n’est ni le rôle d’un amoureux, ni celui d’un enfant. Et pourtant ce sont là les deux qui l’aimeront le plus. Il faut que tu acceptes que tu ne peux rien pour elle. À part devenir la plus belle femme possible. À part réussir ta scolarité. A part lui faire entendre que tu es là, si elle le veut, mais pas pour porter son fardeau. Ça, elle est la seule à pouvoir le faire.

Si un nouveau père entre dans votre vie, sache que comme tous les êtres humains, il porte une part de moi. Alors aime le. Ne lui fait pas payer. Sache que tous les êtres humains sont ton père et ta mère comme ils sont les miens et ceux de ta mère. S’il en manquait un seul, tu ne pourrais être et devenir celle que tu es.

Il n’est pas sûr que je t’écrive à nouveau. Mais je te lirai. Et sache que je suis tous les jours là à tes côtés. Écoute tes sensations ! Crois à tout ce qui passe par ta tête. Tout est vrai. Quand tu me sens, c’est que je suis là et alors si tu veux me faire un câlin, tu le peux. Sans retenue. Personne ne pourra jamais nous prendre ça. Que toi ! Donc fais attention à ne pas écouter les mauvaises voix qui ont peur et ne veulent pas qu’on soit si heureux, aussi simplement. Fais comme ils te disent, accepte les règles, mais ne laisse pas leurs mots entrer en toi. Respecte les lois, respecte leurs codes, mais sache que ce ne sont que des lois et des codes, pas la vérité, pas l’unique réalité.

Je t’aime d’amour et d’au delà.

Courage princesse.

Tout ce qui arrive doit arriver. À toi de comprendre pourquoi tu as fait ces choix. Comme nous devons comprendre, ta mère et moi, pourquoi nous avons choisi cela. Il n’y a pas de faute, juste un chemin.
Mille bisous.

Papa

Envoyé de mon iPad »

À bientôt.

Comme un nuage dans le ciel…

Comme un nuage dans le ciel ! Le magnifique dessin s’estompe et disparaît. Et là aussi, il faut apprendre à lâcher les formes qui rassurent.  Et là aussi, il n’y a que l’homme pour en avoir le cœur serré. Parce qu’il est le seul à avoir voulu enfermer le monde dans des mots.

Le sans forme est aussi beau que la forme. Et pire, il est le même exactement ! C’est seulement que les mots ne peuvent le définir. C’est simplement que sans les mots, l’homme n’a que la peur. Pas parce qu’elle existe, mais parce que des siècles et des siècles de culture en ont fait la seule compagne possible.
Il ne s’agit pas de la tuer ! Mais seulement de la voir, la contempler. Tout comme le reste. Elle aussi, dans le fond, comme la colère est une amie profonde et aimante. Et qui ne veut que notre bien. Du fond du cœur. 
Mais, inversement à la colère, elle est timide. Elle se cache. Elle est douce et secrète. Et il devient dur de la comprendre, de la voir même. Tant elle ne veut pas d’imposer au grand jour. Tant elle parle doucement. 
Il faut beaucoup de place pour la trouver, la rencontrer et lui parler. Beaucoup de place et de temps. Beaucoup de patience et de calme. Alors, elle sort sa tête d’entre ses genoux croisés. Elle a les larmes de toutes nos vies dans les yeux et répète sans arrêt : « Je veux mourir, je veux mourir, je veux mourir »
C’est dur de tuer quelqu’un. Combien de fois avons-nous entendu que tuer était le pire de l’homme ? Mais aujourd’hui vous le savez, le pire n’existe pas. Seul l’homme existe, dans toute sa beauté ! Alors, vous regardez cet enfant sans défense et vous le prenez dans vos bras devenus forts. Vous l’embrasser tendrement sur le front et lui demandez une dernière fois si c’est bien ce qu’il veut. Et enfin, mu par un amour incommensurable et les larmes dans les yeux, vous offrez à cet enfant le seul cadeau qu’il vous réclame : la mort !
Ça ne laisse pas indemne. Et il faut croire en soi beaucoup. Et il faut s’aimer très fort. Et il faut sentir la vie couler par tous les interstices. Ainsi, vous venez de mettre un terme à tout ce qui n’était pas vous. À tout ce que vous emportiez dans vos bottes pour tous les êtres qui vont ont fait des serments d’amour. Et l’enfant se relève : « Même pas mort ! » car personne ne peut mourir. Mais il a le sourire à présent. Et il court à travers les champs sans regarder où vont ses pieds. Il court derrière ses nuages sans forme. Il aime. De tout son coeur, de toute sa voix. Il ne parle pas, non ! Il chante. Et vous pouvez tourner les yeux, il n’a pas besoin de vous pour vivre. Il vit. Quoi que vous fassiez ! Et il reviendra vous voir. Quand il aura envie. Quand ce sera le moment. C’est tout. Et vous n’appartenez, alors, à plus personne. Même plus à vous. Juste, vous respirez ! Juste, vous respirez. Vous vivez 😉

Dieu existe… Si tu veux !

Je ne sais plus trop sur quoi je vous avais quitté la dernière fois. J’y parlais de satori, de traversée de la mort, de la vie…

 

Aujourd’hui, je suis en montagne, à plus de deux milles mètres d’altitude. Je profite de la hauteur pour lâcher les derniers liens. J’en profite pour entendre ce qui compte et bat à l’intérieur de moi, irrémédiablement ; dans mon ventre, dans mes veines. Je profite de la qualité du silence et de l’immensité. C’est si bon. Si profond. On ne peut pas avoir peur si l’on veut pouvoir plonger si profond. On ne peut pas… Malheureusement.

 

C’est drôle comme en si peu de temps -quinze jours- ma vie à changé. Ce n’est pas que je sois devenu différent, c’est juste que j’ai cessé de douter de ma réalité et que, du coup, tout vient à moi. Comme dans mes rêves les plus fous. Il s’agit juste de cela. De cesser de douter. De cesser de prouver. De cesser les questions qui ne viennent pas de soi.

 

Alors, libre, on avance, pas à pas, sur une route d’amour et de douceur. Sur une route où tous les êtres, tous les éléments vous comprennent et vous aiment. Pourquoi ? Simplement parce que vous êtes alors dans un amour véritable de vous-même et qu’il suffit de ça pour ouvrir toutes les portes.

 

Quelqu’un me demandait récemment si Dieu existe. Elle voulait vraiment savoir…

 

Qu’en pensez-vous ? Que crois-tu à l’intérieur de toi ? Si tu crois en Dieu, alors Dieu existe. Car l’homme est cela : le créateur. Chaque pensée qui passe par vos têtes existe ! Chaque mot donné prend vie ! C’est ainsi. Pour certains Dieu n’existe pas et pour d’autres si. Aucun n’a raison ou tort. Puisque le monde, l’univers est si vaste que toutes nos réalités coexistent. Toutes. Vraiment.

 

Il n’y a aucun doute là dessus. Peut-être ne pouvez-vous encore le percevoir, mais c’est ainsi. C’est comme si nous étions tous, humains, animaux, végétaux : tout ce qui comporte de la matière et du vide, le même être. Et que chaque réalité individuelle soit nécessaire pour que cet être avance, grandisse, vive. Nous sommes tous connectés et ce n’est pas quelque chose à travailler, mais juste à écouter. C’est là. Ça l’a toujours été. En vous. Et si vous prenez le temps de vous écoutez, vous le savez. C’est tout.

 

Apprenez à vivre sans peur. Apprenez à traverser tout ce qui vous fait peur pour vous en défaire. C’est simple. Douloureux certes, mais si simple et si rapide. Ne doutez pas de vous. Ne doutez pas des horreurs que vous mettez sur votre route. Si elles sont là, c’est que nous en avons besoin. Si elles sont là, c’est que vous les avez choisi pour guérir notre être. Nous avons besoin les uns des autres et plus nous serons heureux, vivants, libres et plus notre chemin sera lumineux.

 

Ayez confiance. Ayez de l’amour pour vous. Rendez-vous compte de la force magnifique qu’il faut pour avoir traversé tout ce que vous avez traversé. Soyez indulgents avec vous-même. Personne ne fait le mal volontairement. Personne.

 

Je vous aime.

 

Des bisous des montagnes et à très vite.

 

Toucher la mort et renaître

Longtemps que les mots ne sont pas venus ici… Même dans le sas entre le blog et ma tête, je veux dire.

Je viens de traverser la plus dure épreuve de ma vie ! Il y en aura d’autres, mais, à ce jour, rien n’était venu m’ébranler de la sorte. Comme un tsunami intérieur, comme un tremblement de terre, une explosion atomique. Et quand je suis sorti de la torpeur, tout était en miettes. Tout.

Il ne reste rien.

Même plus les peurs ! Et c’est là que quelque chose d’inimaginable s’est passé ! Oui, quand mes yeux se sont rouverts et que les cris qui déchiraient mes entrailles sont sortis, vomis dans des danses macabres, jetés au visage de la terre et que je suis tombé, épuisé, je me suis rendu compte que plus rien ne me retenait. Rien. J’étais libre. Libre de reconstruire ou de prendre mon sac sur l’épaule et de filer au gré des vents. Libre ! Libre comme l’air ! Libre comme une particule ! Sans peurs. Sans plus jamais à avoir a penser à hier ou à demain. Contraint de rester là, avec ce grand blessé, dans une écoute douce et juste. Dans une écoute absolue de l’instant.

Bien sûr, mon travail de méditation, ma passion pour la culture japonaise et mon glissement, toujours plus profond, dans le bouddhisme ont dû aider. C’est-à-dire que malgré le fait que je n’arrivais plus à dormir, je pouvais encore respirer. C’est-à-dire que malgré l’intolérable douleur, je savais que cette douleur n’était pas moi, mais là, en moi. Et que même si elle hurlait plus fort que tout le reste, les autres continuaient à cheminer. Du coup, parfois, il m’arrivait de les croiser, même dans les pires moments. Bien sûr, sans cela, je n’aurais certainement pas eu la force de traverser l’horreur sans devenir monstre à mon tour et je mesurais la grandeur de l’homme qui traverse cette épreuve sans aide. Comment font-ils ? Quelle force incroyable peut les pousser à survivre ?!

Mais dans mon cheminement, cette épreuve arrivait à point nommé. Comme si le ciel m’avait entendu et m’avait plongé dedans corps et âme pour que je puisse franchir la frontière qui me séparait encore des bodhisattvas. Car ce que j’ai vécu là n’est rien d’autre qu’un « Satori » , nom donné pour l’illumination dans le bouddhisme zen. Et me voilà lavé, libéré des chaînes entravantes de la vie. Me voilà dissout, presque complètement. Et bon dieu que la vie est sublime quand les voix se taisent enfin. Et mon dieu que nous sommes beaux, tous, du nazi jusqu’au poète, beaux ! Et si dignes d’amour !

Aujourd’hui je dors dans les arbres. J’ai jeté tous les livres, tous les films, tous mes écrits, toutes les traces de mon passé, tous mes objets : appareils photo, playstation, caméra… pour ne garder que l’essentiel : quelques instruments de musique, quelques affaires pour s’habiller : condition pour pouvoir continuer à passer de temps à autre dans notre monde phénoménal et un ordi. Et je sais que si demain cela me pèse, je pourrais partir nu dans la forêt. Laissant tout. Puisque tout ça n’est rien. Plus rien ne m’attache, plus rien ne me retient. Et voilà que je peux dire les choses, tout ! Sans crainte.

Quelqu’un, ici, s’est sacrifié dans sa chair pour pouvoir m’offrir ça ! Cela, je ne l’oublierai pas. Et jusqu’à ma mort, je rendrai ce cadeau à tous les êtres vivants que je croiserai.

Tous, je vous aime. Tous, n’ayez de crainte. Ce que vous vivez, traversez, est un cadeau. Quoi que ce soit. Un cadeau qui vous emmène vie après vie vers la liberté absolue. Ne regardez pas le temps de votre vie comme un tout, ce n’est qu’une goutte d’eau liée à toutes les autres qui vivent et meurent autour de vous. Vous n’êtes pas seuls. Nous sommes tous un. Tous un. Courage et persévérance !

À vite.

Le cerveau de l’homme,

 

Un cycle de silence… Un cycle au regard doux posé sur les ailes de l’instant. Et quand le silence se crève, je découvre un être que je ne connais pas ou plutôt à l’écho inconnu. Je veux dire… De moi à moi rien ne change, c’est juste comme un chemin qui jamais ne fini. Qui s’étend tous les jours un peu plus et qui devient tellement fascinant qu’on en oublie de regarder en arrière. D’ailleurs, il ne faudrait pas dire en arrière, l’arrière n’existe pas. Le temps, l’avant, les autres nous, s’étendent sur le côté. Comme une bande infinie qui se donnerait la main sur une même ligne. Le temps n’existe pas ! Mais pour l’extérieur, pour ces êtres que je découvre aujourd’hui, Alexandre n’a rien à voir avec Alexandre. C’est un autre. Et je comprends le chemin parcouru en les écoutant me raconter ce qu’ils voient.

 

Mais tout cela n’a pas d’importance. Ce qui compte c’est qu’à l’intérieur, les repères se déchirent l’un après l’autre. Ce qui compte, c’est le sourire qui ne se choisit pas. Ce qui compte c’est le silence qui gagne et cette capacité nouvelle qui ressemble à de la télépathie et qui n’est rien d’autre qu’un peu de place pour voir l’autre. Et se rendre compte qu’il est partout. Absolument partout !

 

Avez-vous déjà pris ce soin d’écouter au cœur de vous-même et de vous rendre compte que même à l’intérieur de soi, la délicatesse est un choix à faire et que chaque cellule l’appelle ? Elle attend, patiemment, le jour où vous lui demanderez si quand vous riez, vous ne la bousculez pas trop. Et je suis sûr encore que sur ce chemin, nous pouvons descendre encore et encore, jusqu’à apprendre à caresser le néant.

 

La difficulté ici est qu’il ne s’agit pas d’une performance, bien au contraire. Sur cette route, il n’y a pas de but à atteindre, juste un choix à faire. Choisir d’être Homme, à chaque instant. C’est un effort constant. Le seul qui permette de délaisser notre cerveau reptilien pour atteindre le cerveau humain. Oui, c’est ainsi que nous sommes faits. Notre cerveau, en son cœur, est archaïque. Il régit tout ce qui nous fonde. La survie, la faim, le sexe, la mémoire, etc. C’est notre vestige de temps reculés où la survie était dictée par des codes de base. Mais, au dessus de cela, nous avons un cerveau plus jeune, moins expérimenté et pourtant capable de mille prouesses. C’est le résultat de notre évolution. Et pourtant, pour la plupart d’entre nous, il reste en jachère. Une terre désertique, fantôme. C’est là que le choix opère. C’est là que commence le travail, minutieux, permanent. Créer les passerelles qui ne se feront pas d’elles-même. Choisir d’être un être d’une qualité nouvelle en faisant appel à ce terrain vierge où tout est possible. Tout ce que nous souhaitons créer peut l’être ici. Il faut du temps, de la rigueur et beaucoup d’amour. C’est tout.

 

Finalement, c’est peu quand on pense à l’immensité de ce que ça peut apporter. Nous ne sommes pas faits pour être ce que nous sommes. Nous sommes faits pour devenir ce que nous rêvons d’être, chacun. Pas ce que nos parents, nos ancêtres ont voulu pour nous. Pas ce qu’on nous a imposé comme étant la réalité. Mais ce que nous portons chacun au plus profond de nous-même. Cette graine qui attend en chacun de nous de devenir. Alors, ne soyez pas défaitistes! Ne vous en remettez pas à la fatalité. Faites un pas, même petit sur votre route. La suite viendra d’elle-même. Petit à petit. Lentement. Vraiment.

 

Bonne journée à vous.

Laisser mourir…

Heureusement qu’elle est là, juste derrière la porte. Il suffit de sortir, de s’asseoir et d’être assez calme pour ouvrir les yeux. Les amandiers en fleurs, les arbres de Judée qui bourgeonnent, les vieux pins qui ne se déparent jamais de leur vert profond, les chênes…

Il faut au moins cela pour un pauvre fou tel que moi. Et encore, il m’a fallu plus de dix ans, avec ce paysage sous les yeux tous les jours, pour comprendre la force bienfaitrice de cet environnement.

Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas perdu. Et malgré le travail, malgré la méditation, les efforts de justesse, à chaque instant, comme à chaque fois, je n’ai su laisser mourir la mort.

« Kuyô, drame nô sur la catastrophe nucléaire de Fukushima » – Montage d’éléments du travail d’écriture

Explication… Quand on écrit -mais je pense que c’est la même dans tous les domaines- arrive ce moment où ça s’arrête. Et bien, croyez-le ou non, accepter cet arrêt, cette fin est quasi surhumain ! L’effet de masse vous entraîne, malgré vous. Et dans mon cas, cela se traduit par l’attente absolue ! Devant mes mails, mon téléphone, je passe des heures, mal, inerte, rendu fou. À refuser la fin. Pourtant, si je suis toujours là, l’oeuvre est déjà loin. C’est ainsi. Elle finit toujours par s’achever et prendre sa route en solitaire. Et c’est un dur travail d’accepter ce moment. D’accepter que ce qui semblait nous faire exister, ce qui est déjà une aberration, s’arrête. Et nous ne disparaissons pas avec cette mort là, même s’il est vrai qu’une partie de nous meurt, comme à tous les instants qui passent.

Il m’est arrivé de passer des mois ainsi, des années même. Après « Nous, Traces d’un Roi Lear » par exemple. Et chaque fois que je m’assieds pour écrire, je le sais, je risque de me laisser emporter par cette folie. C’est mon lot.

« Kuyô, drame nô sur la catastrophe de fukushima » est fini. Il est parti hier pour l’Association Beaumarchais qui dépend de la SACD. Il est aussi dans quelques boîtes mails de gens importants pour moi et d’autres importants pour lui… Et bien, c’est fini. J’en crève de dire cela. Mais les mois que j’ai passé au côté d’Hirotsuné, de Shizuka et du docteur Abe sont finis. Et même si j’ai tant de mal à l’accepter, ils vivent maintenant sans moi. Et idem, je dois me convaincre que je vis sans eux. Bien plus difficile à faire qu’à dire. Ça semble dingue, dit comme cela. Et pourtant…

Heureusement, il y a dehors. Il y a toi, il y a vous et tous ces instants où la vie lance ses appels. Il suffit juste de dire : « ok, je lâche ». Alors je lâche. Idem, ce misérable texte que j’écris ce matin. « Ok, je lâche ». Idem, chaque geste, chaque moment, chaque trouvaille, chaque bêtise, chaque joie… »Ok, je lâche ». Et même si j’ai peur de la mort, je ne peux rien faire d’autre que de l’accepter… Alors « Ok, je lâche! »

Atome… ou le sourire de Dieu

Le printemps… Les arbres et le soleil qui remonte jour après jour et qui commence à lécher notre façade dès neuf heures le matin. Beaucoup d’oiseaux ont déjà repris leur route, remplacé par les pies qui montent la garde à nouveau devant le perron. Tout cela a lieu juste là, mais ces derniers jours, je n’en ai pas trop profité. Pas que je cours les théâtres comme ça a été le cas ces derniers mois -je suis en pause…- mais j’ai enfin attaqué l’écriture de « Kuyô » et il faudrait que ce soit fini pour le 11 mars. Pas seulement parce que c’est « l’anniversaire » de la catastrophe, c’est aussi la limite pour envoyer la pièce à la fondation Beaumarchais. Hasard…

 

Enlever la casquette du technicien pour reprendre celle de l’écriture devient, chaque fois, plus difficile. Pourtant, c’est pour cette raison, au départ, que j’ai fait ce choix. Alors, chaque matin, je pars à l’autre bout du monde, sur ce morceau de terre où l’homme ne peut plus aller, retrouver ces personnages au sang mêlé de réel et de fantaisie. Est-ce que quelque chose à changer dans ma façon d’écrire depuis la méditation, le taiji ? Je ne sais pas… J’essaye autant que faire se peut de les laisser parler sans trop interférer, de ne pas laisser les films dans ma tête me ramener sans cesse au succès, aux tournées innombrables, aux discours… J’essaye de laisser l’égo à côté. Peut-être aussi parce que le sujet est si grave qu’il me semble indécent d’y mêler les jeux odieux de notre société. Je lutte…

 

Je lutte pour ne pas laisser ma colère traverser, lutte pour ne pas secouer l’auditeur en voulant lui rappeler incessamment qu’il ne peut pas faire comme si cela n’avait pas eu lieu. Je lutte, des heures durant, face à l’écran pour leur laisser la place de nous raconter.

 

C’est un combat épuisant. Un combat… Je ne suis pas encore arrivé au moment où le combat cesse. J’aurais aimé. C’est en partie le moteur de mon travail sur moi, sur mon fond, sur mon humanité. Mais court-circuité tout cela est loin d’être évident…

 

En même temps… Le combat épuise ! Et l’épuisement laisse le silence se faire souvent. C’est ce qu’il s’est passé hier soir. J’étais dans la salle de bain, au lavage de dents -une fois n’est pas coutume- quand j’ai ressenti comme un éclatement de milliers de particules. Il n’y avait plus moi, mais un millier de voix, un millier de destins qui couraient sous ma peau. Et plus que ça : même les limites physiques qu’on érige en barrières n’existaient plus. Comme si chaque cellule, chaque atome pouvait entrer en contact avec n’importe quelle autre cellule, n’importe quel autre atome, n’importe où. Sans limites !

 

Qu’est-ce qui peut résister face à ça ? Qu’est-ce qui peut avoir suffisamment d’importance pour passer au dessus ? Et quelle profonde tristesse de pouvoir entrapercevoir de quoi nous nous coupons ! Pour quelle cause ? Pour quel idéal ? Rien n’est plus doux et vaste que cela ! Les gens s’offusquent de voir leurs enfants, leurs amis se perdre dans des jeux vidéo au point de refuser la vie ? Mais quelle est la différence entre ces jeux et le jeu de la vie tel que nous l’avons établi ? Aucune ! Même la nourriture est une illusion ! Une illusion que nous avons transmise à tous ces atomes qui perpétuellement préfèrent se remettre ensemble pour former la matière de ces corps imbéciles, égoïstes, vaniteux, sans intérêt qu’on appelle homme. Peut-être savent-ils ? Peut-être subissent-ils notre joug… Peut-être est-ce pour eux le seul moyen d’atteindre la liberté du contact. Quand enfin nous cessons de vouloir, de croire, de chercher, mais rencontrons la vie ! Peut-être nos véhicules sont nécessaires… Qui sait ? Dieu existe. Il est l’espace sans limites. Il est ce silence nourricier où tous les reliefs se fondent et les limites se brisent. Il est ce lien qui nous unit à l’air, à l’eau, à l’autre. Il est la somme de ces particules qui forment notre univers et qui ne sont qu’un. Espérant notre silence, espérant notre innocence, notre refus du convenu, de l’abject être cultivé que nous sommes tous et qui trouve les mots pour justifier l’injustifiable. Quand il suffirait de se taire et d’ouvrir les portes. Aucun de nous n’existe réellement. Je n’est qu’un micron du réel. Nous préférons vivre et mourir pour ce micron ridicule plutôt que d’avoir le courage de laisser aller, de lâcher prise. Simplement ça ! Il ne s’agit pas de devenir yogi ou maître de quoi que soit, juste d’accepter l’ignorance dans laquelle nous sommes et de nous en remettre à nous, à lui, à eux, ce tout là incommensurable et inséparable.

 

Désolé pour le retard… Une semaine que le message est dans la boîte, mais l’écriture de Kuyô prend la place… Pour quelques semaines encore ! À bientôt.

 

La peur de mourir…

 Hier soir, après une longue journée de travail, harassé par le poids des mètres interminables d’un décor monumental, quand le silence est venu me noyer, mes tics habituels : longs flots verbeux et malodorants, n’ont pas eu la force de dresser leurs barrières ouatés.

 

J’étais dehors, la clope au bec, absorbé par l’avènement de la nuit au coeur de cette forêt qui borde ma maison, quand la futilité de la lutte m’est apparu comme une claque au travers de la gueule. Peut-être parce que mes muscles fatigués refusaient de répondre à mes sollicitations, peut-être à cause du contre-coup ? Un chat était là, un chat que je n’avais pas revu depuis le début de l’hiver et que je croyais mort, vibrant de vie, vibrant d’une énergie de guerrier, luttant contre la disparition, de tous ses poils.

 

Peut-être, me disais-je, ce qui pourrait nous différencier des animaux, c’est la réalisation de l’absurdité de cette lutte. La vie, notre vie n’est rien. Pourquoi alors avoir peur de la mort ? Pourquoi se battre, se démener, aller contre le courant de la vie, contre l’instant, dans quel but!? Victor Hugo n’est-il pas mort ? Pensez-vous que les traces qu’il a laissé, ces fameux chefs d’œuvre ont à voir avec une quelconque survie ?! Bien sûr que non ! Il est mort et ce qu’il a laissé ne lui appartient pas plus que le temps de nos jours. Il est mort et s’il pouvait revenir, je suis sûr qu’il nous le dirait : rien ne sert de lutter, rien ne sert de se battre contre la mort, quand elle vient, elle nous emporte complètement et ne laisse de nous rien d’autre qu’un sac d’os à la terre !

 

Et finalement, n’est-ce pas merveilleux de comprendre que nous aurons beau faire, jamais il ne restera rien de nous, nulle part, à aucun moment. La vie se meurt à chaque instant. À chaque souffle, je perds un peu de moi. Et après ? Est-ce une raison de ne pas vivre maintenant ? N’est-il pas bouleversant de nous voir perdre la seule chose pour laquelle nous sommes réellement faits : accepter de ne vivre que dans l’instant, de ne pouvoir faire autre chose que d’aimer ce qui nous traverse, et cela pour des chimères, des rêves de fou ?!

 

Et même si nous pouvions survivre… Quel en serait l’intérêt, si nous ne le faisons pas pour vivre ?! Si c’est, avec la peur comme unique partenaire, pour ne pas voir et nous réjouir de l’instant ?! 

 

Soyons au fil de l’eau, conscients de n’être rien d’autre qu’une fleur, une mouche, un puceron. Et remercions la terre de n’avoir rien de plus à faire. Si nous pouvons toucher cela du doigt, alors, sûr que l’amour pourra prendre toute la place et remplir nos carcasses vides, inhabitées.

 

Qu’il est bon de ne pouvoir résister… 

Inutile… Oui juste ça, inutile !

 Inutile, bon à rien, paria, parasite, sangsue ! Non, non, je ne suis pas au fond de la dépression. Juste dans cette quête du silence et du vide où les découvertes sont parfois odieuses.

 

Et voilà qu’hier soir, entre quelques notes de Shakuhachi et les textes de Krishnamourti, m’est apparu cette évidence, cette sensation profonde et permanente enfouie sous le magma de nos activités : l’inutilité ! La dimension vaine de notre présence. Enfin la mienne, en tout cas !

 

Est-ce que si j’étais un autre ce serait différent ? Est-ce que si j’étais à la tête d’une organisation d’aide internationale, il en serait autrement ? Je ne crois pas. Tant est profond ce sentiment. Tant est évidente cette adjonction ! Nous ne sommes là pour rien ! Et Charlotte Delbo qui nous priait d’apprendre au moins une danse, un pas, n’allait pas au bout de sa découverte : nous, genre humain, ne sommes bon à rien ! Rien à faire pour justifier notre place d’homme. Rien d’autre que lâcher prise et accepter cette implacable nouvelle, tout ce que nous pourrons faire, accomplir, transformer pendant notre vie ne changera rien à cela : notre présence, sur cette Terre, est vaine. Rien que cela, vaine et inutile !

 

Alors pourquoi ne pas nous mettre une balle dans la tête tout de suite, me direz-vous ? Pourquoi ?! Simplement, parce qu’être utile, avoir un but, une place n’a de sens que dans la pensée humaine et que nous pouvons nous défaire de cette aberration ! Une fleur contemple ! Un arbre aussi ! Peut-être que simplement, il suffit de sortir de ce jeu malsain et de se mettre en présence de la beauté qui nous entoure. Savoir simplement profiter de cet accident, sans chercher à justifier l’injustifiable. C’est peine perdue ! C’est ridicule ! Et cela assure une souffrance permanente, un appel à la mort sourd qui nous entraîne vers le fond an après an.

 

Bien sûr, nous devons travailler, entretenir l’illusion dans laquelle l’homme s’est enfermé. Accepter de vivre dans l’enfer que nous avons créer de toute pièce. N’est-il pas fou d’imaginer que tout le système qui, aujourd’hui nous étouffe, pourrait être abandonné en une seconde et que tout, oui simplement cela : tout ! pourrait être totalement différent ? C’est pourtant le cas. Alors, au moins, au niveau psychologique, puisque c’est le mot que nous employons pour désigner ce qui nous atteint de l’intérieur, nous pouvons tenter de prendre la mesure de notre folie et ne plus nous investir personnellement dedans. Nous libérer, jour après jour, du temps, de la pensée, de cet incommensurable orgueil et se découvrir juste inutile et vain au milieu de cette immensité. Et ne plus faire qu’une chose, la seule que nous puissions réellement faire : Aimer! Simplement ça, aimer, puisque rien ne nous différencie les uns des autres et que dans tout un chacun, une griffe court et lacère les entrailles en rappelant à chaque instant que nous n’avons pas été invité ici, que nous sommes des resquilleurs, des menteurs, des erreurs.

 

Comment alors ne pas être ému, comment alors ne pas reconnaître même dans le pire des hommes, celui que nous sommes et contre lequel nous abîmons nos ans à lutter puérilement. 

Démocratie !

 

Il ne faut jamais rien croire de nos héritages, de nos histoires, de nos mots. il faut comprendre qu’on nous balance comme nos parents avant nous dans un vaste mensonge forgé de toutes pièces par la main d’hommes et de femmes malades, déracinés, arrachés à eux-même! Ici rien n’est vrai et beaucoup a été fait pour que ce rien ressemble à l’enfer.

 

Un exemple et quel exemple… Démocratie : le pouvoir du peuple ! Beaucoup d’entre nous comme moi le premier pensent que cette dernière vit ses derniers jours en ce moment. Pour autant, nous n’avons jamais connu la démocratie. Puisque la démocratie, inventée par les Grecs, dans l’Antiquité n’a jamais ressemblé de près ou de loin au système que nous avons adopté en Europe après la Révolution. C’est un vaste mensonge !

 

La démocratie fonctionne comme cela : les représentants du peuple sont désignés par TIRAGE AU SORT !!! Et oui, vous rendez-vous compte. C’est aussi simple que ça ! Pas de pouvoir détenu par des familles, pas de mandat brigué et rebrigué, pas de frais de campagnes, pas de rêves de détenir ce pouvoir pour soi et les siens. Ici, le mot « Egalité » fait vraiment sens. Chacun, qu’il le souhaite ou non, qu’il soit adoré ou détesté, sage ou fou peut être élu, désigné. Une fois et une seule fois…

 

Notre système ressemble bien plus au système aristocratique… Nous sommes dans une Oligarchie. Et il aura fallu que j’attende presque trente huit ans pour le comprendre !

 

Je ferai donc cela… D’abord remplir le formulaire de « Tous Candidats pour 2012 » créé par le grand Pierre Rabhi du collectif Colibris et désigner par les pages blanches celui qui me représentera.

 

Trente huit ans de mensonges… C’est long, non ?!