enquetes…

Fin décembre… les ateliers s’arrêtent et commence une semaine d’enquêtes dans la rue. C’est drôle de se trouver là, à alpaguer les passants pour tenter de les faire répondre à des questionnaires sans questions. C’est drôle… je ne me suis jamais arrêté pour répondre ou peut-être si, une fois. J’avais quinze ans. C’était à Paris. Ici, je suis l’inconnu. Un enquêteur comme un autre. Un de ces « emmerdeurs » pas capables de trouver un boulot décent et qui racole dans la rue, parce qu’ils ont la flegme de bosser pour de vrai ! Certains regards vous renvoient à vous-même. Ce sont comme des photos qui se fixent un instant et me retrouvent étranger. Je suis étranger ici, au milieu de ces gens qui sont là parce qu’ils ne peuvent ou ne veulent pas être ailleurs, faire autre chose. Je suis étranger là-bas, du côté qui m’appelle, au milieu de ces mangeurs de caviars qui refusent de regarder les choses en face comme les aristocrates du 18ème siècle, attachés à des codes déjà morts depuis longtemps. Incapables de visions, incapables d’amour, incapables de partage. Enfermés dans leurs costumes de gala qui moisissent sur eux, trop vieux, trop chargés, trop portés. Où suis-je, moi, au milieu de tout ça. Il faut bien que je leur dise quelque chose. Sans savoir. Sans y croire. Mais le dire, pour les autres. Parce qu’ils ne supportent pas de rester dans le flou. Je suis Metteur en scène. Je suis metteur en scène… Non ! Aujourd’hui, je ne suis pas un metteur en scène, mais un simple enquêteur. Est-ce possible ? Est-ce qu’un bon metteur en scène peut se trouver dans la rue à pleurer pour qu’une personne s’arrête et daigne lui répondre ? Et qu’est-ce qui me permet de m’octroyer ce titre. Ca ne représente qu’un tiers des cachets que je fais dans l’année. Le reste du temps, j’ocille entre un vieux reste d’acteur et un technicien-novice, homme à tout faire. Du déchargement de camions, au montage de décors, de l’accueil des acteurs à … enfin, loin d’être celui que les gens nomment « un metteur en scène ». Et du coup, loin de me sentir un « metteur en scène ».
“- Que faites-vous ?
– Rien… je ne fais rien. Je pleure comme un orphelin qui cherche ses parents et qui sait que la route est bien trop longue pour se mettre à chercher ! « 
Même ces gens qui courent dans la rue derrière leurs derniers cadeaux me semblent plus « en place » que moi !
Même ces gens qui courent dans la rue…
Je suis un peu perdu !