Journal d’un fœtus – jour 3

Est-ce que tout cela est ainsi en vrai ? Toute cette agitation autour. Déjà tant d’interactions… Se peut-il qu’à peine formé d’une dizaine de cellules, n’ayant même pas atteint le stade de morula, encore en promenade dans cette jolie trompe, je puisse être déjà porteur de tant de questions, de tant de fils, de tant d’amis… Ou alors, est-ce maman que j’entends. Elle, qui a pris soin de tant d’êtres. De tous sauf d’elle… Ah. Oui. Ça me parle…

Attention petit embryon à peine commencé. Il faut te tourner vers toi-meme. Faire de ce moment un moment de conscience. C’est aujourd’hui que les gémeaux se forment. C’est aujourd’hui que parfois, l’on décide de partager la tâche. A plusieurs. Et moi, je reste seul. Je le peux. Ma sœur a ouvert la route. Voiture balai qui a emporté une bonne partie des cris, des craintes, des secrets inavoués… Elle, qui a pris la mission d’aller ouvrir le monde à l’amour. Sans retenu. Sans voile. Pour me faire la place. Suis-je si important que cela ?

Oups, de six à douze, la division fait la part belle à l’orgueil. Impossible pour moi de partager. Encore moins maintenant. Je ne veux pas laisser quelqu’un d’autre que moi régler ces dérèglements. Il va falloir que j’éduque chacune d’elle. Et il me fait faire vite. Parce que demain, elles seront bien plus nombreuses. Ici, le développement est exponentiel. Entre cela et les interférences avec l’extérieur… Waouh ! Je me rends compte que cette vie de fœtus ne va pas être de tout repos.

C’est ce moment où l’on n’a pas encore perdu la mémoire. Ce moment délicat où il faut apprendre à faire avec ce nouvel environnement tout en ayant accès aux informations de l’autre. C’est comme pour un poisson de se retrouver à devoir avancer sur la terre ferme. Avant de se rendre compte que finalement il peut y respirer, il passera par la mort, l’étouffement… Brrrr.

C’est le genre de choses que j’avais oublié. Et heureusement. Parce que je n’aurais certainement pas plongé, sinon. Quel courage ! Quel courage nous avons tous de venir. Encore et encore. Cool, voilà six cellules sur les douze qui sourient. Elles se mettent à vibrer à l’unisson et ça fait un champs électrique multicolore qui frétille autour de nous ! « Maman, musique, s’il te plait. On va danser ! »

O que je l’aime cette maman. Cet enfant dont je capte chaque secret, chaque soupir, chaque peur. Quand dehors elle semble si forte. N’oublie pas que tu viens pour Elle et pas pour elle. Chacun sa route ! C’est juste la meilleure piste d’atterrissage que tu as pu glaner dans le book des aéroports pour la Terre. Il faudrait que tu le notes avant de l’oublier.

Oui, c’est ca. Sur la membrane de cette cellule. Écriture circulaire à la pointe de l’énergie. Trésor de mon voyage toujours à portée de coeur pour ne pas perdre la route.

Ici, jour après jour, je vais inscrire les instants capitaux qui me garderont sur mon chemin. Car, pour être venu bien souvent, je peux le dire, ne pas se perdre est quasiment impossible.

Je suis le soleil, je suis le soleil, je suis le soleil, je suis….

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *