Journal d’un fœtus – jour – 1 – absent dans l’indifférence

C’est la cage thoracique, le dos… Une armure. Qui a endossée tant de coups. C’est comme dans « les Ailes du Désir », quand les anges renoncent à leur statut pour s’incarner dans la matière. Cest l’empreinte de cette petite boule d’amour passée là avant moi et qui a entendu de sa mère l’information qu’elle allait lui arracher sa liberté de femme. Elle, elle en a été crachée. Out. Parce qu’elle ne pouvait pas se porter seule ! Ne t’inquiète pas maman, ne t’inquiète pas ma sœur, ni toi papa, moi le petit kirikou, le samurai Miyamoto, le général Sun, le grand Loup Bleu Gengis Khan, je la porterai. Je vous porterai tous. Je prendrais son empreinte sur le dos comme toi papa, tu l’as fait pour ton frère. Mais je ferai mieux que toi. Je l’emmènerait plus loin dans la vie. Nous ne serons pas deux morts, mais deux mi-vivants ! Bénéfice secondaire, je n’ai pas besoin de trouver une raison de vivre, je l’ai. Elle est pleine d’amour et de renoncement. Je ne crierai pas, je ne demanderai rien, je mangerai peu, je ne dirai pas mes besoins… Je n’en ai pas ! Je me ferai tout petit… Tout petit et je masquerai ma lumière éblouissante.

Bien sûr, je ne peux pas m’organiser. Trouver la clarté dans ce champs de bataille. Il faut se battre et le combat est de tous les côtés. Je frappe, je hurle, je convoque la colère, pour renforcer l’armure, faire de mes muscles de l’acier ! Et je déteste tous ces gens qui vivent sans se rendre compte de la chance qu’ils ont ! Nous sommes la nuit. Dans le manteau de mort, nous nous retrouvons. Je regarde ton visage de cendres, je te nourris, je t’aime. Je suis le seul qui connaît ta lumière.  » Ne t’inquiète pas Maman t’aimera toujours plus que moi. Je ne te ferai jamais d’ombre. Jamais. C’est promis ! « 

Tu sais, aujourd’hui, j’ai d’autres choses à faire. Des choses qui demandent que je sois là complètement, totalement, dans chaque cellule de mon corps, rayonnant. Je ne peux plus porter cette armure sale et rouillée qui cache ma lumiere. Je vais te déposer mon beau petit fardeau et te rendre aux flammes de la joie. Je n’ai plus peur, je suis l’amour. Et même si tu m’as donné cette force, sache que j’ai pris ton empreinte parce qu’elle répondait à mes besoins. Ne me fais pas cette tête, je ne te dois rien, jolie petite boule d’amour.

Je sens le feu descendre dans mes reins… Ces reins toujours vides. De pierre… Comme le prénom que papa m’a donné. Depuis tant de générations. Ces reins que j’ai rempli par le cri, par la douleur, par le dépassement, encore plus loin, encore, encore… Maintenant, je l’entends, je le sens, le plâtre se fend… C’est la vie qui coule doucement en eux. Goutte à goutte. Elle délite les blocs de marbre que je portais là pour ne pas courber l’échine. Et demain, dans un mois, dans un an, le fleuve amour les remplira à nouveau. Complètement. Légitimement, revenu dans le plein de son lit. Je suis l’homme qui revient.
Alexandre ne veut plus dire celui qui combat l’ennemi, mais celui qui protège (abrite) l’Homme, l’Om (de humus : la terre…), sculpteur, germeur de Vie ! Avec le grand A de l’amour. Si, si, c’est ainsi… Ainsi soit-il !