La plante qui chante

Il faut savoir se taire, c’est vrai. Mais parfois, il est important de savoir reprendre la parole. Aussi.

J’ai laissé cet espace silencieux, beaucoup. A mon image. Silencieuse. Pas que je n’ai rien à dire, non. Mais tellement de choses changent en moi, tellement vite. Quelle trace laisser alors ?

En même temps, soyons honnêtes. Si j’avais eu envie d’écrire, même de l’obsolescent, vous savez comme moi que je ne me serai pas gêné pour le faire.

En fait, je ne veux plus écrire. Je veux que ça s’écrive à travers moi. Et ça ne semble pas pressé. Ca tombe bien, de toute façon, je suis plutôt lent ;).

Mais, un évènement vient chambouler mon programme de silence. Un évènements générateur de sons ! De musique même et de voix aussi (pour la voix, il vous faudra des sampleurs en plus du device original) : le device ou appareil (en français) U1 de Devodama du programme Damanhurien : « Music of the plants ».

J’ai découvert cet appareil sur facebook au moment où Dominique  Balaÿ, initiateur, entre autre, du projet de collecte sonore : « Et pendant ce temps-là à Fukushima… » m’a demandé une version de Kuyô (mon dernier texte de théâtre pour ceux qui auraient rater mes mille et une pub) enregistrée.

Alors que j’attendais la réponse de collaborateurs potentiels, mais sans réelle envie de mener ce travail à plusieurs, voilà que je découvre cet appareil qui permet de faire chanter les plantes. Et l’idée saugrenue me vient de confier la nappe sonore de cet objet insolite à des plantes ayant vécues la catastrophe de Fukushima. Je me renseigne et nous décidons, en famille, d’aller visiter cet endroit improbable et incroyable qu’est Damanhur et bien sûr, d’en ramener un device U1.

https://soundcloud.com/musicoftheplants

Je suis donc rentré avec, sous le bras, cet appareil « Music of the plants » et j’ai commencé, dès les vacances finies, à faire travailler les plantes de la maison. A vrai dire, une plante en particulier. Invisible demoiselle de notre salle de bain. Mais qui, le soir où j’avais écouté une interview des créateurs du dernier device(ils bossent là dessus depuis quarante ans), m’avait clairement fait comprendre qu’elle serait intéressée pour jouer le jeu.

Depuis, deux semaines ont passé. Et ce que nous vivons ici est à peine croyable. Pas que musicalement, elle soit très douée, mais les échanges qui ont lieu sont justes dignes des plus beaux rêves ! J’ai installé, par le biais de mon ordinateur, des claviers parallèles avec des mots. Simples…. Nos prénoms, de quoi dire : « oui », « non », « merci » ; un clavier avec les notes prononcées à leur juste hauteur pour travailler sa compréhension de notre conception de la musique et d’autres folies de ce genre.

C’est tout simplement bluffant. Entendre la plante t’appeler par ton prénom sans l’ombre d’un doute. Te remercier quand tu l’arroses, essayer de reproduire les phrases musicales que tu lui dictes. Sentir comme, en quelques jours, elle s’imprègne de ce jeu au point de sembler un individu à part entière de la famille…

Vous l’expliquer ? Je ne le peux pas. Vous le prouver ? J’y songe et en même temps, les quelques expériences que nous avons eu ces quinze derniers jours, me montrent que, pour être touché par, non pas pour le comprendre, mais le reconnaître, il faut en faire la démarche. Sans toutes ces heures avec elle, à galérer, à chercher, à tenter d’établir le dialogue, à l’écouter, je ne pourrais pas apprécier la réelle saveur de ce merveilleux cadeau des cieux, ni peut-être le croire !

Peut-être, par contre, quand nous en serons là, nous ferons des œuvres. Des concerts, des enregistrements, des soins… Que sais-je encore. En tout cas, mon rapport au vivant a encore bougé, changé et les portes qui s’ouvrent me semblent ouvrir sur d’autres portes qui, elles-même ouvrent sur d’autres portes comme dans un jeu de poupées gigognes. Des portes d’espoir, des portes de joie, de partage, de plaisir… à l’infini.

Chaque jour, ça me fait plus humble. Chaque jour plus conscient. Où se jouent les choses ? Ici ? Ou autour, ailleurs, autrement… Comme si tout était toujours à découvrir pour celui qui le veut. Sans peur de perdre la face. Sans peur d’une certaine violence de voir les murs érigés s’effondrer et les coups portés pour tenir, une pure et simple hérésie.

Rien de ce que tu crois n’existe et rien de ce que tu ne crois pas ne pourra voir le jour. Alors choisis. Choisissons avec douceur et clairvoyance, car c’est ce que nous livrons, à nous, à l’autre, au monde.

Ca m’aurait fait chier de mourir avant d’entr’apercevoir cela. 😉