Atelier Haiku au Festival du Printemps du Japon 2010

Dans la cour des Beaux Arts, juste en face du Théâtre Nô, Voyage dans une autre dimension…

Très en retard, puisque l’atelier était le 20 juin et que nous sommes quelque chose comme le 24 juillet, je reviens sur cet atelier « découverte du Haiku » que j’ai animé pour la 7eme édition du Printemps du Japon en Pays d’Aix.


Cela se passait au Théâtre Nô bien entendu, ce petit jardin japonais qui ouvre un espace-temps d’un autre monde, d’un autre temps, propice à l’échange, à l’humanité qui sommeille en chacun de nous, si souvent bousculée, froissée et qui retrouve ici, la place de s’étendre, de se révéler et de vibrer.

C’était un moment assez magique et les rencontres furent belles.

A la recherche de l’instant…

Comme je ne suis nullement un grand « Haikiste » (cf mes tristes essais lors de mon voyage au Japon ;-)), le propos était plutôt d’essayer de rencontrer l’état propice à l’écriture du haiku, la disponibilité à l’instant présent (Tiens, tiens… mais on dirait du théâtre ça, non ?!).

Après quelques explications de base (règles à suivre, et surtout à enfreindre et transgresser! 5/7/5 mores, kigo,mot de saison qu’on est censé trouvé dans les haiku : cf almanach des saisons appelé Saijiki)et un tour du Théâtre Nô, l’atelier commençait par un exercice découvert au Théâtre du Soleil avec Françoise Berge et développé sans cesse depuis : « Signer le Haiku ».

Signer le Haiku, ce n’est pas apposer sa signature en bas d’un haiku non ! (Quoique..) C’est dessiner avec son haut du corps (bras, tête, mains… les jambes sont croisées et servent de socle) le haiku sans préméditer, mais en laissant les mots, les images s’écrire dans l’espace, véhiculés par la voix et les gestes, comme un calligraphe qui se laisse traverser par les signes et nous offre la trace de cet instant.

Ensuite, nous avons appliqué un exercice découvert sur le site de l’Association Française de Haiku et proposé par Jean Antonini qu’il appelle Haiku Horizontauxou Détails profonds. Ce sont des phrases courtes, très simples où l’on essaye de laisser ensemble corps/sens et âme/esprit, ce qui, dans notre culture occidentale est l’inverse de ce que nous apprenons à faire.

Puis, après cette première phase d’écriture, déjà assez riche -l’exercice « Signer le Haiku », la présence sur le plateau du Théâtre Nô, le cadre, l’échange, tout cela aidant à « laisser la tête au vestiaire » comme dirait l’autre- il fut question de « voyager en aveugle ».

Sur le site du Théâtre Nô et des Beaux Arts d’Aix-en-Provence, deux par deux : un guide, un aveugle, ils ont fait un voyage dans un pays si loin et si proche, où les sens privés du regard, appréhendent l’environnement de façon différente, déroutante et, pour le coup, réellement concrète.

Au sortir de ce voyage qui devait durer entre 15 et 25 minutes, les aveugles avaient pour consigne de murmurer à l’oreille de leur guide, des Haiku Horizontaux nés de ces voyages (Bashô était un grand voyageur et c’est en voyage qu’il a écrit ses plus beaux haiku).

Enfin, chacun, reprenait l’écriture de ces Haiku Horizontaux à tête reposé…

Et franchement ce moment fut vraiment délicieux et semble avoir rempli son office d' »ouvreur d’appétit ». A croire que parfois l’on mène de longs et difficiles combats juste pour pouvoir vivre des instants comme celui çi.

Merci à tous pour cela.

Quelques mots des personnes qui ont partagé cet Instant Haiku au Théâtre Nô d’Aix en Provence, ce dimanche 20 juin 2010.


• ANNE :

voici les 2 écrits à la fin de l’atelier :

à la découverte de ce monde
nous marchons ensemble
je suis là pour toi

aveugle dans le vent
fait-il froid pareil ?
marchons vite !

et celui qui est venu en partant ce midi sur mon vélo à travers les petites rues de la ville… impression de liberté et d’espace intérieur après l’atelier…

mon vélo et moi
pédalant cheveux au vent
je touche le ciel !


merci pour cette porte ouverte, le haïku me semble si proche et si ludique maintenant… laisser jaillir en moi la sensation pour goûter encore plus la musique de ces mots… voilà que je découvre que le haïku est aussi un chemin vers moi ! une façon de plus de s’entourer de beauté et de transformer son regard sur ce qu’on voit, ce qu’on vit… domo aligato !


• GUYLAINE :

Merci pour les connaissances que tu transmets, ton écoute, ta gentillesse et ta manière ZEN d’être…
Bravo à Toi et à la Maison du Japon pour l’organisation de ces temps de partage.
A bientôt !

Le plus grand cadeau qui soit
Il porte bien son nom
C’est le Présent que nous nous offrons.


• DANIELLE

Un grand merci pour l’atelier d’hier !!

Sortir soudainement de l’anonymat et, faire tout à coup,ce qu’on croyait ne pas savoir ou ne pas pouvoir faire !! Quelle expérience !!

Je suis « tombée » il y a peu de temps , dans l’encre de la peinture chinoise ….

Je sens que je vais « m’élever  » avec les haïkus !!

Et, pour finir, les Haiku Horizontaux écrits pendant l’atelier :

Les yeux fermés ,
comme une aveugle ,
j’ai tout découvert.

En toute sécurité,j’ai avancé .


La tête dans les branches , l’arbre est venu à moi .

J’ai ressenti l’ombre et la lumière,
c’est étonnant !

D’une oreille attentive ,j’ai écouté les chanteurs .

Sous mes pieds ,
ça montait , ça descendait ,
c’était souple , dur ou graveleux ;
comme le chemin était varié !

• PATRICIA :

Voilà quelques phrases dans le vent, suite aux quelques instants dans le noir…

mes yeux bien fermés – le vent cherche à les ouvrir

mes fesses chaudes sur la chaise froide

un chant dans le vent – un sourire sous les feuilles – une porte claque

mes pieds contre les racines – où sont les miennes ?

Et cet haiku, que j’ai écrit après le café qui nous a réchauffé

un café trop chaud
la buée sur mes lunettes
haiku si flou !

Je te remercie encore pour ton regard sur le monde.
Amicalement

• MARIE MADELEINE :

Le vent glacial du jour
Le corps qui se mit à lutter
Le rencontre chaleureuse

J’ai profondément vécu ce moment qui m’a permis de rencontrer sous
une autre forme la joie d’être et m’a donné la possibilité de regarder autrement
le monde. Ressentir le monde à partir de mon centre.
Depuis ce jour je n’ai qu’une envie, renouveler cette recherche

et intensifier la joie.

Je te fais parvenir les haïkus de ce jour là

Le murmure du vent
Les pieds sur le sable

Les pas sur le sol
Les racines dans la terre

La force de la pierre
La main légère

Un regard
Une ombre
Une lumière

La lumière sourde
De ce matin de juillet
Rencontre mon regard

Un léger vent souffle
Ecoute le silence
Une coccinelle marche sur le mur

Bien cordialement

A suivre… si d’autres Haikistes de ce jour ont envie de donner leur ressenti et les quelques mots glanés ce jour là. 😉

Résidence Evil 2, le retour

Quelques mois de silence…

Nous sommes à l’orée de l’été et voilà que j’ai droit à quelques jours à moi, ailleurs, là où depuis quelques temps je retrouve les mots. Seront-ils toujours là ? Aurais-je la discipline nécessaire ?

J’ai débarqué mes malles de fatigue, mes livres et mes ordi, un piano droit pour les fins de soirée, quelques habits, deux paire de tabis.

Pourquoi des tabis ? Pour entrer dans cet autre moi, celui qui sait que sans plantes de pieds immaculées, les mots enfouis ne pourront être extirpés de leur secret. Et puis, parce que sans cet effort, sans une distance, un décalage, rien n’est possible vraiment.

En attendant ce rendez-vous pris pour demain matin, je nettoie et lave. La maison, la chambre, le cocon où je vais m’enfermer pour me laisser mourir, pour me laisser renaître. Comme un couteau qu’on aiguise, comme un rite qu’on prépare minutieusement, pas à pas. Pour être prêt. Au goût du sang qui revient sous la langue de l’enfance. A la perte des filtres de tous les jours qui deviennent inopérants. Au vertige qui s’accélère en boucle et hurle de plus en plus fort, de plus en plus vite. A la douleur ! Vive comme si des nerfs atrophiés se régénéraient. Comme ce loup garou qui s’attache solidement avant que la lune sorte pleine de derrière les nuages.

Parce qu’après il sera trop tard.