fin de stage…

Ca y est, le stage avec les enseignants est fini.
Trois journées de six heures pour essayer de donner à ressentir ce que des formes très strictes comme le Nô peuvent offrir comme appuis à ces hommes et ces femmes qui accompagnent leurs élèves et voudraient les aider à devenir des Hommes. Mission difficile s’il en est ! Et en même temps, mission capitale. Parce qu’en leurs mains à tous passent ceux qui décideront du monde de demain et qu’ils ont à se confronter à des dérives de plus en plus lourdes et meurtrières. Souvent face au mépris et à l’ignorance de ceux qui les entourent.
Gens de la télévision, gens des médias, tueurs nés, tueurs en série ! Comment pouvez-vous continuer tous les jours à souiller les pages d’aujourd’hui et de demain ? Comment pouvez-vous ne pas vous rendre compte des dégâts que vous faites ? Irrémédiables dégâts ! Et comment se fait-il qu’il n’y ait pas de gardes fous plus puissants pour vous faire face ! Un jeune qui veut devenir médecin va travailler plus de dix ans pour y parvenir et avoir le droit d’approcher un être humain et ici, on vous ouvre les portes comme cela ! Sur votre belle figure ! Et plus vous êtes dangereux, et plus vous êtes irresponsable, et plus la place vous est ouverte, alors que chacune de vos paroles touche un million d’êtres… y laissant des traces à tout jamais ! 
Le temps a perdu son fil. On construit pour l’immédiat, mais on oublie que notre temps n’est qu’un temps de passage et que ce que nous mettons en place résonnera bien plus loin que le corps ne pourra jamais nous porter. L’immédiat refuse la pensée, refuse la construction, la réflexion, l’intelligence et nous lui vouons un culte ?
Heureusement, d’autres sont là ! Ces hommes et ces femmes qui, tous les jours, accueillent vos enfants et font face. A la destruction massive dont nous sommes tous coupables ! Et c’était un vrai bonheur de les voir là, plonger dans cet univers si singulier avec tout leur courage pour découvrir ces nouveaux outils à guérir les plaies purulentes que ce monde vitesse ne prend pas le temps de panser.
Trois jours et de belles rencontres. Avec un temps devenu autre, précieux et délicat. Un peu de mon parcours et de mon chemin de bataille donné à d’autres yeux, à d’autres coeurs qui en feront de nouvelles choses, de nouveaux gestes, de nouveaux codes. Un moment de partage intense et rigoureux. Et d’espoir… oui d’espoir !
Merci à vous 15 et à toi Christophe qui a rendu cet instant possible. Je m’en vais, plus fort et plus serein, affronter les tempêtes qui se préparent.
Plus fort et plus serein.

Réveil tardif…

Tourner la page encore vibrante de ce mois écoulé au côté d’Atsumori et retrouver l’énergie de faire un nouveau pas, une nouvelle rencontre.

Mardi, j’attaque un stage avec des enseignants sur le théâtre Nô, en tout cas, sur ce qui, à mon sens, dans le théâtre Nô, peut être utile dans la formation de jeunes acteurs. A savoir une forme rigoureuse, une poétique qui fait décoller de nos problématiques pour mieux y revenir, un pas de côté qui permet la résonance et le questionnement. Un beau programme…

Du coup, il faut que je prépare ce moment de trois jours pour leur donner suffisamment de pistes, qu’ils puissent emmener leurs élèves vers ces horizons oubliés.

De quoi interroger mes approches et chercher les mots qui manquent à ce puzzle géant.

C’est toujours bon de se confronter à la transmission passive après l’active. Enfin, je crois…

Nous verrons bien !

un samedi sur la terre

3 jours se sont passés depuis la représentation…
3 jours où le silence est revenu aussi vite qu’il avait disparu.
Où sont Marc, Gilles, Jean-Charles en ce moment… et Pipok !
Les costumes ont retrouvé leur portant, les maquillages leur valise et le texte, l’étagère sur laquelle il a dormi dix ans avant de devenir l’objet de tous nos soins, de tous nos regards, de tous nos rêves…
Je me sens comme eux… Exactement !

l’après

Et voilà…

Voilà que ce nouveau moment s’est inscrit là où il pouvait s’inscrire.
Les journées de répétitions auront été intenses, les questions aussi. Qui jouera Atsumori ? Comment traiterons-nous ce texte venu de six cents ans en arrière ?
Nous avons fait les choix. Et c’est ainsi qu’Atsumori est né ce mercredi 21 mai à 19 heures sur le Butaï d’Aix en Provence.
J’aurais voulu vous tenir informés. Au jour le jour. Des évolutions, des questions, des choix faits… mais l’action, dans ces instants, prend toute la place et les moments de pause se passent les yeux tournés vers le ciel.
Aujourd’hui, j’ai à peine l’énergie de passer du canapé au fauteuil et du fauteuil au canapé. Épuisé, littéralement. Parce qu’inscrire coûte toujours et qu’une fois le moment passé, il semble que tout va s’éteindre à tout jamais.
Je disais dans un mail aujourd’hui qu’Atsumori a encore du chemin à faire. Sur la partie de l’esprit, en particulier. 

« Je pense que le spectacle a encore des rendez-vous à trouver pour réussir ce pari d’emporter les gens bien loin d’ici mais si proche de leur secret. Il y a sur le fil de ce chant encore quelques ruptures qui rendent le son parfois difficile à entendre et le lieu bien que magnifique n’arrange pas les choses.
J’ai hâte de le jouer dans un théâtre avec le butaï (la scène) juste signifiée au sol par un trait blanc et les costumes épurés au maximum comme nous l’avons fait avec le choix de la musique. Ca viendra, j’en suis sûr. »

J’ai hâte d’y retourner. De retrouver ces nouveaux amis de coeur qui ont su avec moi faire le pari de se mettre au service d’une langue si distante et si pure, sans mettre en avant l’égo meurtrier.
J’ai hâte.
Mais aujourd’hui, je voudrais fermer les yeux et ne plus les rouvrir. Me laisser porter sur les flots sans question, sans espoir. Parce que porter ce genre de rêves coûte bien plus que les mots ne pourront jamais le dire et qu’une fois le rideau baissé, on se retrouve toujours un peu plus seul. Un peu plus dramatiquement seul ! 

J-3

Et oui ! Déjà…

Nous voilà à trois jours de la première… moi qui voulais vous tenir un journal détaillé de cette traversée ! Mais je n’ai pas une seconde de solitude et en même temps ce moment ensemble est vraiment délicieux. J’y reviendrai…

semaine 2…

La journée d’hier aura été bien remplie…
Passage par Aix en Musique pour essayer de pondre un texte pour le programme. Et moi balbutiant… les mots semblant ne jamais pouvoir dire ce que mon corps a traversé pendant ces dix jours de travail. Je pense à Jean qui me reproche sans arrêt de ne pas savoir parler de ce que je fais. Il a raison. Mais aurais-je besoin de mettre ces mots en volume et en chair, si je savais faire autrement…

Après, je suis allé retrouver Olivier Personnic de la Maison du Japon en Méditerranée pour signer avec lui la convention de coproduction. Un sacré bonhomme celui-là ! Affairé de l’aube à l’aube. Et en même temps, tellement consciencieux ! Il est 22h00 quand je le quitte… je n’aurais encore pas vu Rose aujourd’hui.

Quand je rentre, elles sont là dans la cuisine et mangent. Rose m’a attendu. C’est la journée avec son papa, sa journée de « fête » normalement ! Mais papa est parti et elle le sait bien. Je vois bien qu’elle sait. Parfois quand j’ouvre les yeux cinq minutes, je m’aperçois comme elle grandit. Comme si j’avais été absent longtemps… alors que je suis là. Juste à côté.

Aujourd’hui, nous avons rendez-vous avec Serge Puech pour le Kimono de papier, puis cet après-midi, nous retraverserons le retour de l’Esprit, ce moment où Atsumori revient pleurer la douleur d’avoir été emporté avant d’avoir pu agir. Juste avant !

Vos mots me manquent… je sais que vous passez. Que certains prennent le temps de lire. Que d’autres me survolent. Mais j’aimerai sentir que vous êtes là. Entendre vos commentaires, vos impressions. Savoir que ce que je construis là n’est pas seulement pour moi, mais résonne au loin.

Allez ! Bonne journée à vous et peut-être à ce soir ou demain… who know’s !

Relâche !

Ca y est ! Jour de relâche, c’est mercredi…
Le soleil brille fort dans le ciel. On dirait un jour de vacances… et pourtant !
Chaque jour qui passe depuis le début des répétitions m’interdit un peu plus à l’extérieur et à ceux qui m’entourent. Les dates se confondent, le jour, la nuit, la station debout, allongée. Comme plongé dans un monde parallèle qui prend à chaque instant plus de place !

Assis sur une lande glacée face à des milliers de guerriers qui se battent pour survivre, et qui, à présent, dans cet ultime combat, voudraient une dernière fois gouter au plaisir de contempler, assis au pied d’un cerisier, ses fleurs dans l’humidité silencieuse du matin.

Savez-vous comment agit un texte qu’on visite tous les jours et qui se gonfle de chair et de sang à chaque instant un peu plus ? Savez-vous ce que ça fait de se retrouver en face d’un homme mort il y a cinq cent ans et de sentir sur sa joue son souffle ? C’est terrible ! Si puissant et si fragile ! Si vrai !
Comment revenir là après ?

Nous sommes à quinze jours de la représentation. Et la peur et la solitude me submergent comme à chaque fois, me font perdre pied. C’est drôle, non ! J’ai toujours pensé que c’était pour lutter contre ça que je faisais du théâtre, alors qu’en fait, ça les marque un peu plus profondément chaque fois. Comme l’affirmation d’un trait qui me coupera un jour complètement du monde et de ceux qui l’habitent. Trop loin, définitivement trop loin pour pouvoir revenir…

Et comme à chaque fois, les idées se perdent. Je ne sais plus, je ne sais pas. Pourquoi monter ça aujourd’hui ? Comment vous le recevrez ? Comment nous arriverons à vous emmener ou pas ? C’est l’instinct qui revient. Lui sait, lui dicte et chaque jour qui nous rapproche du temps T, un peu plus. C’est toujours un moment très impressionnant, mais qui nous dit bien que le voyage est réellement amorcé.

Aujourd’hui, il nous faut survivre. Assurer chacun de nos pas sur ce chemin jamais parcouru. Trouver de quoi subsister et avancer, coûte que coûte. Et moi, je suis le capitaine. J’ai ces gens qui comptent sur moi et que je dois emmener. Je surveille. J’écoute les regards et les mouvements qui se dessinent dans notre espace. J’essaye de donner les mots qu’ils attendent et de montrer ce dos droit de celui qui pourra les faire traverser quoi qu’il advienne.

Ce n’est pas facile ! Surtout que Marc m’a connu avant, il y a longtemps. Quand j’étais ce bébé d’acteur et qu’il m’a souvent tenu la main pour m’emmener avec lui. Aujourd’hui, les rôles sont inversés et à chaque instant, je dois prouver que je peux être le premier de cordée. Même si je voudrais crier, m’abandonner aux larmes dans leurs bras. Je ne dois pas ! Je leur dois ce regard droit et cette voix qui rassure.

Hier, nous avons atteint avec Gilles, ce point où l’acteur devient le garant de la parole -l’origine et mon dieu, c’était fort et puissant !- ce genre d’instants qui dans la vie d’un acteur le transforme à tout jamais et font de lui un gardien sûr et précieux de notre temple. Marc, lui, s’immerge, chaque jour, un peu plus loin dans l’histoire, avec une pertinence et une virtuosité poétique et sensible.

Bon… la journée est encore longue. Il va me falloir aller trouver les sous, discuter des contrats, mettre en place ce qui autour tient ce frêle navire. Faire l’effort de paraître là.

A vite.

Retour du Japon et début des répétitions

Désolé de ce long silence,
mais depuis le retour du Japon, de Tokyo pour être exact ! les choses se sont enchaînées à une vitesse vertigineuse et le décalage horaire m’ayant mis un coup de massue sur la tête, les heures de veilles ont, par la force des choses, été moins nombreuses…
Mais voilà, je suis là. Je vous promets un jour à jour du Japon dès que le temps me le permettra.
Mais le sujet du jour, ce sont les répétitions d’Atsumori qui ont repris depuis mardi. D’abord en tête à tête avec Gilles, Gilles Geenen, puis depuis hier avec Marc, Marc Barnaud.
En attendant Marc, nous avons travaillé sur l’intro du spectacle, un texte construit à partir d’extraits du Dit des Heiké. A savoir, les premiers paragraphes du Dit, une mise en garde sur l’orgueil de l’Homme et l’impermanence des choses ici bas qui finit sur l’annonce de l’anéantissement du Clan des Heiké qui suivra, et le chapitre qui relate la mort d’Atsumori. Ce dont j’ai envie ici, c’est que le violon qui chez nous symbolise la flûte soit le vecteur qui nous replonge dans cette histoire. Un exercice difficile et compliqué pour Gilles qui d’un côté doit laisser venir le texte et les images par le violon avant de les retransmettre vocalement. On cherche, on prend le temps. On a trois jours avant l’arrivée de Marc. Et ma foi, la version qui se profile permet une belle entrée dans l’univers. Du coup, ça me donne envie d’essayer Atsumori avec Gilles. Ce que nous allons faire aujourd’hui et qui me permettrait de retrouver ma place initiale.
Avec l’arrivée de Marc, nous avons retrouvé les costumes, la guitare et cette précision, cette rigueur si spécifique qui nous a accompagné du temps de Christophe Rauck et avant quand nous étions au Théâtre du Soleil. C’est bon de se retrouver et Marc porte tout ça avec une foi intacte.
Nous lui montrons ce que nous avons mis en place avec Gilles, puis attaquons sur Atsumori et le chant. Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas retrouvé sur scène. Je me laisse aller. J’ai peur, mais quelle sensation délicieuse, une fois le premier pas fait, de se retrouver sur cette lande, porté par la musique et le texte. Par contre, je suis incapable de prendre du recul et de lire de l’extérieur ce qui se dessine sur scène. Je leur donne mes sensations d’acteur et Gilles prend le rôle de l’oeil extérieur. Aujourd’hui, c’est Gilles qui va aller sur scène. Cela me permettra de pointer le parcours que nous avons mis en place hier. Nous verrons bien…
Bon, il est 09h. Il est temps d’y aller.