Gran Torino


Hier au soir, après une rude journée -la matinée s’était achevée sur deux pages assez difficiles à faire arriver et l’après-midi plus clémente m’en a apporté cinq- nous avons quitté le monastère pour réapprovisionner ce que ma mère appelle « La Réserve ». Boîtes, biscuits en tous genre, chocolat, café et autres nécessités de la vie. C’est que pour bien travailler, il faut avoir l’esprit en paix et le ventre tranquille !

J’ai donc troqué hakama, kimono et sandales de paille pour mes habits de ville. Et je peux vous assurer que porter ces vêtements en jean, surtout les chaussures, après trois jours sans, est une torture ! Nous sommes vraiment bizarres…

Après les courses, nous sommes allés au restaurant. A Manosque. Un restaurant au titre prometteur : « Au Bonheur Fou » et au patron investi, convaincu. Ici, il n’y a pas de carte. On mange ce qu’il a trouvé au marché bio du jour. C’est simple, c’est bon et ça fait du bien. Si vous passez par là, allez-y. C’est un voyage sans grande ambition, mais qui est généreux et honnête ! Chose trop rare pour ne pas être stipulée.

Ensuite ! Ensuite, parce qu’il faut savoir se faire du bien jusqu’au bout, nous sommes allés au cinéma. Ce qui nous amène au titre du post : « Gran Torino », le dernier film de l’immense Monsieur Eastwood. A vous dire vrai, j’étais fatigué. Et il a fallu que je me fasse violence pour aller m’asseoir devant ce film quand tout mon corps rompu réclamait le doux repos du sommeil. Mais dès les dix première images, oui, dès les dix premières images, le corps s’oublie et le coeur s’ouvre. Nous sommes dans un des grands films de cet immense homme de Cinéma qui aura 80 ans l’année prochaine. Et quelle délectation ! Quelle leçon d’humilité et de savoir faire. Ici, il n’y a pas de chichi, pas de fioriture. Pas d’égo mal placé ! Juste une histoire qui se raconte, simplement, vraiment ! On redevient un enfant et on se laisse porter, passant même sur certaines répliques un peu « téléphonées ». Mais à part cela, c’est parfait. Oui, c’est le mot: parfait ! Quel grand moment d’humanité. Et c’est les larmes plein les yeux et le coeur irradié que je ressors de là. Mon dieu que le chemin sera long encore pour être capable d’en arriver là, si j’en suis capable. Autant de simplicité, d’humanité, d’évidence, de clarté… quel homme il doit être ! Dans mon coeur, je le mets au côté d’Ariane. Parce que tous deux font leur travail, consciencieusement. Pas pour eux, en tout cas plus pour eux ! Mais parce qu’ils veulent partager, donner, transmettre. Et que chaque jour que les Dieux leur octroient, ils s’y emploient de toutes leurs fibres, de toutes leurs forces.

Merci Clint ! Merci.

Aujourd’hui, c’est tremblant que je vais aller rejoindre ma table. Parce qu’il y aura Mr Clint aux côté d’Ariane et que plus que jamais, je me sens responsable de ce que j’engendre, de ce que je choisis de faire ou de ne pas faire. Du chemin sur lequel je me place et me porte. Sur lequel, je le sais bien, je ne suis pas à la hauteur. Mais j’y travaille. Chaque jour, j’y travaille.

Bonne journée à vous ! Et merci pour ces si nombreux commentaires… ingrats que vous êtes ! 😉

De Gaules, Malraux et compagnie….

Bon !
Après avoir cherché par tous les moyens à vous mettre en ligne ces trois extraits, je me suis rabattu sur notre serveur FTP où de temps à autres, je mets des musiques pour ceux qui travaillent avec moi.

Les trois fichiers sont là. Ils se nomment : decret1959, Degaules, Malraux.

Si je me suis pris la tête à les mettre en ligne, c’est parce que je pense qu’ils sont vraiment importants à entendre. Que vous soyez jeunes, vieux, beaux, moches, artistes, boulangers, informaticiens, politiciens, ne vous en privez pas ! En plus, ils sont courts ! On peut les écouter et les réécouter à loisir et ça remet au clair bien des petites ombres venues saloper la clarté et la force du fondement (comme bien souvent !)

Et s’il vous plaît, ayez la gentillesse de laisser les fichiers à côté qui sont des étapes de travaux que je partage avec ceux qui mettent les spectacles au point avec moi. Si vous ne pouvez vous empêcher de les écouter, faites-le. Mais ce n’est ni à télécharger, ni à diffuser, encore moins à juger… très rares sont ceux qui savent entendre ou voir quelque chose qui n’est pas encore achevé… pourtant, il faut bien un point de départ …

Pour ma part, c’est l’heure d’aller revêtir mon costume et mon masque et de replonger là où j’ai laissé ma famille Kanze. Le ciel est beau dehors et j’ai l’esprit clair, ce matin. Je sens que cette journée sera riche… Douloureuse, tortueuse, mais riche !

Ah ! Au fait… un blog est fait pour être partagé. C’est dans l’optique de donner à voir ce qui se joue derrière que je le fais et aussi, sûrement, parce que la solitude qui m’entoure est parfois dangereuse. Plus vous vous montrerez, plus fort moi je serai et plus cet endroit deviendra un point d’orgue à ma conduite. Ne vous privez pas de vous manifestez, si vous accompagnez mes errements, mes découvertes, mes partages. Et de le faire partager à ceux qui vous accompagnent.

J’en ai bien plus besoin que vous ne pouvez le croire.

Belle journée à vous !

Peu de mots… enfin pas si peu ! Et superbe émission « Ministère de la Culture » sur France Inter avec lien pour l’écouter ! A vos marques….


Ce soir, peu de mots à offrir… la journée a été fructueuse. D’après mes anges gardiens, peut-être même meilleure que la précédente. Et pourtant, elle a été difficile. Parce que chaque nouveau mot ouvre le champs des possibles et qu’il faut faire des choix. Des choix avec des personnages que je rencontre à peine. Alors je me tais, je mets le masque de Hannya et je la laisse faire. Elle les connait les Kanze. Elle a vécu avec eux depuis leur première gloire.

Du coup de cette lumière et de cette joie du premier jour, vient l’ombre et les tourments du second qui semblent annoncer un reste de semaine aux couleurs de la tempête.

Qu’importe, je ferme les yeux et je me concentre fort. Je sers mon hakama. Je me redresse encore. Et je tiens la tête droite. M’interdisant de laisser Alexandre s’interposer.

Aujourd’hui, entre midi et deux, à la pause, j’ai eu la chance de tomber sur 2000 ans d’Histoire, l’émission sur France Inter. Le sujet du jour : « Le ministère de la Culture ». Invention de Mr De Gaules et de son fidèle Malraux en 1959. Ce sont des mots qui faut réentendre ! Alors je partage avec vous trois passages que j’ai extrait de l’émission(en fait je trouve pas comment on fait pour télécharger de la musique. Désolé! Grrr) et vous transmet le lien (Du coup ! il faut y aller ! cliquez sur le titre du message. C’est l’émission de ce jour : le 2 mars) pour écouter l’émission si vous avez trente minutes. Et ce ne sera pas trente minutes de perdu, croyez-moi !

Et puis oui, je voulais en profiter pour souhaiter un bon anniversaire à Ariane Mnouchkine qui a depuis 5 minutes 70 ans !!! Bon anniversaire Ariane ! 😉

Nouveau jour

Hier au soir, après être passé par ici, et après avoir tournée et tourneboulé à la recherche d’un signe, d’un mot venu de l’autre côté du monde, j’ai finalement, discuté sur la toile, avec un jeune homme que je retrouve presque chaque jour, maintenant, pour avoir des conversations. Un de ces jeunes hommes auquel j’ai du ressembler quand j’avais son âge. Et qui bien loin de se complaire dans ce qu’on lui propose aujourd’hui, questionne ! Interroge ! Veux comprendre ! Avancer ! Et par un heureux fruit du hasard et de rencontres, pour un temps, il m’a choisi. Et que c’est bon de pouvoir offrir toutes ces petites fleurs ramassées en chemin et qui sont là séchées au fond d’un sac à attendre. Chacune bien étiquetée avec ses traces de sang et de boue et le chemin parcouru pour les trouver, inscrit au fond de l’oeil.

Parfois, l’on oublie que l’on a ces fleurs là et qu’on les a cueillis dans le secret espoir qu’un jour elles puissent servir à ouvrir l’âme de ceux qui passent par là.

Et puis ce jeune homme arrive ! Et puis il a besoin de savoir ! Alors, on fait le ménage, on prépare la maison. On ressort les bons films, ceux qu’on ne doit pas manquer. On ressort les bons livres, ceux qu’on ne doit pas laisser. On redit les mots qu’on ne dit plus parce qu’on pense qu’on est trop grand pour les entendre. Et du coup, on s’offre à soi-même ce petit nettoyage de l’intérieur et ce temps pour goûter à nouveau tout ce qu’on a accumulé pour être prêt un jour à recevoir et à transmettre un peu de cette force et de cette joie aux jeunes gens de passage.

J’ai toujours rêvé de finir ma vie comme un vieil arbre centenaire aux mille feuilles sous lequel les jeunes viendraient trouver le repos et la force pour continuer leur chemin. Avoir une grande maison toujours ouverte. Où tous les films et les livres immanquables seraient à portée de la main. Où ça sentirait bon le vieux bois et la bonne cuisine. Et où le soir au coin d’un feu, ces hommes et femmes de demain écouteraient les yeux brillants de joie les histoires du vieil Alex. Juste pour se requinquer et repartir au monde avec un peu plus de joie, de séreinité, de plaisir et d’envie.

Et cette semaine avec les lycéens du Lycée Paul Cézanne a été de cet ordre. Bien loin de vous arracher quoi que ce soit ou de vous mettre en danger, ça réouvre en vous une jeunesse, une jeunesse et en même temps un sens des responsabilité aiguisé à nouveau.

Ils ne le savent pas non ! Mais bon sang qu’ils me font du bien. Et si je suis capable le matin d’enfiler un kimono et de me tenir en seiza 6 heures d’affilée sans écouter les voix qui voudraient m’emmener loin d’ici, c’est aussi parce qu’ils me montrent dans leur regard tout neuf que je vaux mieux que ça !

Merci les petits et belle journée à vous !

Et si tu passes par-là Antoine-Baptiste (et je sais que tu passes !) n’oublie pas de m’écrire aujourd’hui !!!!

Il est l’or !!!! Mon seignor !!!!!

Première journée de labeur…
Que j’ai fini sur les rotules une heure et demie avant l’objectif fixé !
Après une sieste, je me suis mis à tourner et tourner, cherchant partout un mot, un message de l’extérieur. Mais le dimanche est un jour calme… et… on ne peut pas tout avoir !

Aujourd’hui, j’ai assisté à la naissance de la première scène. Il m’en reste 150 autres à découvrir ! Et c’est une nouvelle tâche que de se préparer à accueillir la suite maintenant que la première journée a levé la peur du vide et du silence, maintenant que les murs ont commencé à se dessiner.

L’impression d’être trop calme, trop tranquille. En général, ce n’est pas bon. Alors se concentrer. Vraiment. Faire remonter la peur. Vraiment. Se préparer consciencieusement. Pour que demain m’amène son lot d’images et d’aventures.

Je me rends compte que dans mes élans de soutien, j’ai oublié de citer quelques noms. Un qui malgré la violente haine qui me monte quand je pense à ceux qui la représentent, ceux qui acceptent de travailler ainsi, s’arrachant à jamais de leur humanité, cachant leur honte derrière des circulaires, laissant des êtres hagards, perdus et qui voient leur monde s’effondrer avec eux, devant leur nez, sous leurs yeux en les invitant, un sourire aux lèvres, l’air courtois, très propres sur eux, à décrocher un téléphone ! Je veux parler de l’Assedic qui malgré tout, me permet aujourd’hui de prendre ce temps hors du temps et de travailler sans m’inquiéter…

Ensuite, pour cet ami qui m’accompagne dans l’ombre depuis le début et qui a lu lui, déjà, les premières pages de ce premier jet. Lui qui depuis toutes ces années m’accompagne plein d’espoir et de foi. Si je suis là encore aujourd’hui et que je peux faire ce que je fais, il ne faut pas en douter, il en a sa part. Une grande part !

C’est lui qui m’a permis de travailler sur les festivals et autres événements en tant qu’assistant éclairagiste, en tant que régisseur, faisant valoir son rang et son savoir pour que je sois accepté, moi qui ne suis dans ce domaine qu’un tout petit. C’est lui qui, le premier, m’a sorti du gouffre dans lequel je plongeais quand sûr que « Nous, Traces d’Un Roi Lear » serait un succès, je n’ai pas pris garde à préserver mon assise et me suis retrouver sans un sou. De pouvoir mener ce travail balbitiant (oui ! il l’est ! Sinon, je n’aurais pas besoin de faire des heures de technicien pour survivre !) sans mettre en danger ma famille et ma vie. Il s’appelle Fred. Et je le dis parce que lui ne vous le dira pas. Ce n’est pas son tempérament ! Mais bon sang, heureusement qu’Elisabeth l’a mis sur ma route ! Et ce soir, après cette journée positive où les pas qui sont faits, personne ne pourra nous les enlever, où les mots sont venus me trouver, où mes héros ont commencé à pointer le bout de leur nez et où encore une fois, il est là, juste là. A me dire : « vas-y ! J’y crois ! Je suis là. » et bien j’ai envie de pouvoir lui dire combien je mesure la chance d’avoir touché son être et de faire partie de ceux qu’il écoute, couve et protège.

Merci Fred !

Et bon vent à tous !

Nietsche a dit : Vivre de telle sorte qu’il te faille désirer revivre, c’est là ton devoir »

Quel devoir !

Règles…

Petite mise au point avant de plonger…

Il n’est jamais aisé d’aller sur des chemins inconnus. On croit que, on s’imagine… mais quand on y est ! Quand à la première ligne, il faut mettre le premier mot et que se joue ici, en même temps que cette naissance, toutes celles avortées, tous ceux qui ont offert leur sang et leur âme pour nous donner une chance de pouvoir vivre ces instants-là… est-ce que vous pouvez imaginer la peur du vide qui s’empare de vous, l’envie de fuir à toutes jambes ?

Les artistes pensent se protéger par le mythe qu’ils engendrent. En fait, au moment où eux-même se mettent à y croire, ils tuent à tout jamais l’homme qui en est l’origine. Emmenant des wagons d’êtres avec eux, des wagons d’inhumains !

Ce matin, à quelques minutes de ma première journée de travail, je sue ! J’ai le ventre noué et l’envie de courir aux toilettes. J’ai à lutter contre celui qui voudrait s’étendre devant la télé ou dormir et se réveiller aux premiers spasmes de la mort, celui qui a peur, le si petit humain Alexandre.

Je ne vais pas devenir autre chose, non. Je vais définir des règles comme on le fait avec un enfant et les appliquer à la lettre.

Tous les jours, je commencerai à 9h00. Je ferai une pause à midi et repartirai jusqu’à 18 heures (l’idée étant de reprendre les codes du Stage du Théâtre du Soleil). Pendant ce temps, pas de cigarettes, pas de casse-croûte, pas de pipi… rien d’autre que le travail d’écriture.

Prendre soin de moi hors de ces temps. Etre à l’écoute de ma fatigue, de mon corps, de mes besoins réels.

Aborder ce travail comme je le fais pour mon travail d’acteur. Définir des situations, me concocter (dans quel lieu, quel état, quels personnages) et rester au présent de ce qu’ils avancent. Ne pas chercher à raconter une histoire, mais la vivre. A chaque instant. L’histoire viendra d’elle-même… au final.

Etre humble, être honnête avec moi-même. Me laisser la chance de les rencontrer vraiment ! Ne pas faire semblant d’écrire, mais vivre !!!!!

Faire comme je le demande aux acteurs. Mettre un être, devant lequel on est exemplaire, sous ses yeux et agir comme s’il était là. Comme si on oeuvrait à ses côtés. Pour moi, ce sera Ariane Mnouchkine et le cadre du Stage tout frais que je viens de vivre.

Etre rigoureux. Prendre le temps de faire les choses bien, l’une après l’autre. Et entrer dans la joie qui suit la terreur. La vraie joie de celui qui est là et avance un pied après l’autre. C’est une chose qui se mesure, je trouve, assez bien, avec son degré de fatigue. Si vous êtes vraiment fatigués, c’est que vous ne vous donnez pas vraiment les moyens d’être là et de vivre ce que, je vous le rappelle, vous avez choisi de vivre !

Se rappeler de ceux qui rendent cela possible et dans la fatigue et la peur, scander leurs noms : je veux parler de ma femme Elisabeth qui a l’amour de m’autoriser cette semaine en assumant toute seule la vie de notre maison et que je dois garder près de moi ; qu’elle aussi puisse vivre à travers ces mots de la sincérité, cette aventure. Je veux parler de Rose, ma fille, qui ne va pas voir son père encore une fois et à laquelle je dois l’exemplarité pour que mes absences ne l’écartent pas de sa route d’enfant. De Jeanne aussi et de tous ces autres qui croient en moi et ont besoin de moi. De ce que je peux leur permettre de mesurer. Et des autres, ceux qui sont morts, mes pères, mes mères, ceux qui ont ouvert la route coûte que coûte et qui ont besoin que nous ayons cette exigence avec nous-même et la joie de vouloir continuer à faire respirer ce monde.

Allez. C’est l’heure !

A ce soir.

L’arrivée au monastère de Gion


Ca y est, m’y voici.
J’ai troqué mes habits de ville pour un simple kimono d’étoffe et un hakama de trame grossière. J’ai laissé mes chaussures à l’entrée et sorti mes savates de paille.

Je serai bien ici. Je le sens. Hannya me regarde de son regard triste et égaré. Et je me rends compte qu’elle est ce démon, ce démon du nô qui m’a amené jusqu’ici.
Comme Fujiwaka avant moi, je dois aussi faire le deuil et mesurer le chemin qu’il me reste à parcourir au côté de ma voie. Seul.

Je serai bien ici. Avec mon thé vert fumant, mon sabre millénaire et mon éventail de nô. Avec Atsumori et les poèmes qui ont bercé son enfance. Avec le temps qui m’autorise à m’échapper plus loin, ailleurs.

Je regarde mon espace de transformation… ce n’est pas un espace d’auteur, non, mais un espace de comédien. Il suffirait de remplacer l’ordinateur par un miroir et les stylos par des crayons et autres ustensiles de maquillage. Je regarde mon espace de transformation… ici, dans cette pièce, rien, ni personne ne peut me ramener de votre côté du monde. Ici, dans ce temple du 14eme siècle où je fais ma retraite, rien ni personne ne peut m’arracher au silence qui transforme les espaces et le temps.

Nous nous devons cette rigueur. Tous ! La rigueur de se donner les moyens d’y être et d’y vivre le présent… C’est ce que j’ai appris là-bas, au Théâtre du Soleil et qui ne cesse de m’accompagner, même quand je suis perdu, même quand je ne sais plus.

Demain matin débutera cette aventure. Et je suis prêt. Prêt à recevoir cet homme immense et à l’accompagner aussi loin qu’il le voudra. Aussi loin !

Chut ! J’entends les cloches qui résonnent et les prières qui grondent.

A demain, peut-être !

Motokiyo

Samedi… nouveau jour, nouvelle aventure

Ca y est !
Les petits jeunes sont partis. La maison est redevenue une grande maison pleine d’espaces propices à la réflexion et à l’imagination, à la peur du vide aussi !

Je voudrais…

Ne jamais redescendre de ce petit nuage où Ariane m’a emmené avec toute son équipe et tous les « stagiaires » qui étaient présents, courageux petits « stagiaires » venus entendre cette femme et partager avec elle un peu de ce théâtre qui semble avoir trouvé chez elle, une amie, une partenaire, une grande prêtresse même… et que le théâtre est bon quand l’exigence est là et que les moyens se tendent vers cet objectif : « Faire du théâtre! »

Je remonterai les jours au fur et à mesure, c’est promis ! J’espère qu’alors, vous pourrez mesurer la chance que ces 450 personnes ont eu de se trouver ensemble dans un de ces derniers temples où les dieux du Théâtre semblent aimer à se retrouver.

Je voudrais…

Avoir beaucoup d’instants comme ceux rencontrés cette semaine avec ma petite équipe de jeunes ; où ce que j’ai traversé, laborieusement, prend enfin sens et me permet d’être moi, consistant face à ces enfants en phase de devenir adultes et qui puisent ici, peu-être, quelques outils pour ne pas se laisser submerger par la bêtise. Et qui, dans leur volonté de monter sur le Théâtre, nous montrent bien que ce qui se joue ici est bien plus qu’il n’y paraît. Comme un moyen de donner du sens à ce qui en a tant perdu. Comme un moyen de redessiner le monde : un monde de partage, de joie, un monde d’honnêteté et de foi. Et moi qui me bats si souvent seul, de pouvoir les accompagner là, est une récompense mille fois plus belle que tout ce que l’on peut imaginer.

Aujourd’hui, il me faut clore ce chapitre (pour un instant) et préparer cette semaine qui me terrifie !

H-6 avant le départ de cet après-midi où je vais m’enfermer une semaine au côté de Zeami et tenter, oui je dis bien tenter, de mettre en vie l’histoire terrible de ce Génie. Laisser un moment ces jeunes qui appellent « Théâtre Nô » ce que nous appelons théâtre, Laisser Ariane et les siens à la naissance de cette nouvelle aventure, laisser ma famille, mes amours, mon havre et moi-même pour plonger corps et âme dans ce travail. Espérons que Zeami vienne me trouver et qu’il me juge digne de raconter son histoire.

Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour l’être ! Tout ! (Et certains ici savent ce que cela veut dire ou commencent à l’entrevoir ;-))

Je nous souhaite beaucoup de théâtre à tous ! Et à très vite.

P.S. « Picasso est les Cubes » n’a pas été retenu pour le Festival « C’est Sud » d’Aix-en-Provence. Le projet semble avoir été jugé « trop ambitieux »… Ce qui me laisse un goût amer n’est pas le fait que ce projet ne puisse voir le jour, mais de mesurer, encore une fois, le manque de foi et d’envie qui animent les décideurs culturels et le mal que ces derniers font à notre monde, à nos rêves ! S’ils pouvaient le mesurer… Oui, s’ils pouvaient le mesurer, combien alors le monde serait différent !

Ariane, je persiste ! Il faut absolument que tu invites ces gens-là, cette population par laquelle les artistes sont obligés de passer, à l’un de tes stages ! Pour leur donner une chance de mesurer ce à quoi ils ont voulu s’atteler…

Vendredi – dernier jour…

Encore une fois il fut difficile de sortir du lit et d’affronter la fraicheur matinale, mais le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt, alors il faut s’activer. Après un bon petit déj’, nous rassemblons quelques affaires et nous serrons dans le bolide d’Alex – rebaptisé pour l’occasion « Faucon Millénium ».

Quelques minutes plus tard nous sommes au Studio du Soleil, et là déjà, les sourires s’affichent : c’est l’heure du maquillage, l’heure de revêtir nos masques. Je remarque que les traits de crayons sont plus nets, que le geste est plus précis, déjà mes acolytes et moi s’effaçons pour laisser place à un Dom Juan effrayant, un Sganarelle ivrogne, un paysan pleutre ou encore une Done Elvire vieillarde.

Un regard d’Alexandre nous indique que nous sommes en retard et qu’il est temps de revêtir nos costumes, s’en suit un briefing sur le travail à effectuer, et bientôt apparaissent sur scène deux valets : Sgnarelle et Gusman, fumant tour a tour une pipe (aux effets dévastateurs) , et échangeant quelques confidence sur leur maitres respectifs.

La prestation prend fin avec les remarques et indications d’Alexandre, mais aussi des autres comédiens novices.

Au studio, le temps défile plus vite que les notes sous les doigts du pianiste, et bientôt nous reprenons la direction de cette maison de campagne au charme intemporel, la matinée s’achève devant une bonne salade de riz ( que j’assaisonne avec passion !).

Le repas se finit à peine qu’Alexandre nous informe sur notre travail de cet après midi : se mettre dans la peau de comédiens japonais interprétant « Dom Juan » devant l’Empereur et 800 personnes..

Moins d’une heure plus tard , nous revoici au Studio, un dernier coup de pinceau pour rattraper le maquillage, nous enfilons nos costumes, perruques ou couvres chef, nous nous remémorons l’ensemble des Actes et scènes et nous partageons les différents rôles.

La voix d’Alexandre nous rappelle que nous sommes en retard et que l’Empereur nous fera couper la tête si nous le faisons attendre, alors nous jetons un dernier regard à nos notes, et prenons place sur les planche d’un authentique théâtre Nô, quelque part dans un village, prés de Kyoto.

La musique des tambour et des flutes résonne, les personnages entrent en scène, tâtonnent, hésitent, se gamèlent, se rattrapent, le doute les dissipent et en 10 minutes notre public se décomposent, s’en va en soupirant, le décors du théâtre se dissout et l’Empereur, accroupi au fond de la salle, délivre sa sentence !

C’est l’heure du réglage de compte, du coup de gueule, des regards inquiets, Alexandre nous met face a notre échec, à notre manque d’investissement, d’honnêteté et je vois apparaitre le spectre maussade de la culpabilité.Nous nous accordons une courte pause et reprenons l’exercice, car rester sur un échec est prohibé, alors nous réarmons notre courage, car aujourd’hui c’est l’Empereur qui s’est déplacé pour voir « Dom Juan » et nous ne pouvons pas le décevoir.

Cette nouvelle prestation se déroule mieux, les indications d’Alex nous soutiennent et nous aident, les comédiens sont plus à l’écoute de leurs camarades, et l’on peux voir sur scène un Sganarelle s’étouffant avec sa pipe, une Done Elvire rabougrie à cheval sur son valet, ou encore un concours de beauté à la mode paysanne.

La prestation s’achève, ainsi que notre journée et notre séjour, par un débriefing complet, nous nous démaquillons, et retirons nos costumes.

Le stage prend fin, mais bientôt nous serons à nouveau réunis que ce soit au Studio ou au Lycée Cézanne, nous allons mettre ce projet en place en vue d’offrir aux Aixois un billet express pour le Japon médiéval et l’univers du théâtre Nô .

Gaël

Quatrième Journée du « Dom Juan » pour le Théâtre Nô

Quatrième jour !

C’est après une nuit bercée par les toux et les nez encombrés que la petite troupe se lève en douceur.
Le soleil pointe timidement de ses fins rayons les arbres et les champs encore plongés dans la rosée du matin.

Après que la voiture eut du mal à se réveiller elle aussi, nous arrivâmes au Studio, l’esprit vierge et apte à la création.
Cet art, qui commence à être un rituel, qu’est celui du maquillage, nous transporte petit à petit dans le coeur du personnage
auquel nous donnons vie au fur et à mesure des coups de pinceaux et autre crayons gras.

La Séance commence. Les acteurs en herbe écoutent attentivement les nouveaux versets du Metteur en Scène.
Ses premiers mots furent donc l’apologie de la ponctualité et de la disponibilité de l’Acteur. En effet, celui ci
se doit d’étudier ses priorités. Donner en vie et travailler l’acteur qui est en nous ou entretenir le bien être de notre être humain?

Grâce aux interventions d’Alexandre sur l’Acteur et ses relations avec le ou les personnages, ou même le monde, cette semaine ne devient pas une simple initiation au Nô mais également « un cour du savoir vivre de l’Acteur. »

Aussi, Alexandre insiste surtout sur l’importance de chaque chose dans l’espace scénique. L’Acteur doit prendre en considération tout ce qui l’entoure et ne doit pas hésiter à le dupliquer dans son esprit pour lui donner de l’importance. Ainsi, je ne présente pas dans un espace scénique qui pourrait réduire et nuire à l’intensité de mes actes, mais dans une immense salle, devant de Grandes Personnes face auxquelles je dois faire mes preuves. L’Acteur s’implique donc autant sur une petite scène que sur un immense plateau.
Reste à nos jeunes disciples de réussir à l’appliquer…

Aujourd’hui le travail se fait texte en main, avec la mise en pratique des idées réfléchies la veille par les Apprentis Comédiens.
Toujours sur le thème de l’improvisation, mais cette fois ci plus ciblé par les enjeux du texte, les scènes et les personnages défilent sagement dans le chenal des idées, guidé et dirigé par Alexandre.
Ce mélange du Nô et d’un texte aussi classique que « Dom Juan » permet de faire de nombreuses découvertes; tant sur la recherche des propres capacités de chacun à s’investir et offrir de soi, que dans la forme de la représentation en elle même. Ainsi, en étant spectateur, on observe une nouvelle version plus originale et surprenante du texte classique de Molière.

Chacun possède des points positifs et d’autres à développer. Il est important que chaque protagoniste s’implique et arrive à faire la coupure entre le monde réel et l’espace scénique, pour offrir une totale immersion dans le personnage et ses particularités.

Les travaux se font de plus en plus intéressants et profonds, se qui donne la dimension mystique et si précieuse du théâtre d’Alexandre.

Mais la fin de semaine arrive très rapidement, tachons de profiter de ces derniers instants, avant que le manque s’installe.

Antoine-Baptiste, la tête dans un nuage scénique.