Quatrième Journée du « Dom Juan » pour le Théâtre Nô

Quatrième jour !

C’est après une nuit bercée par les toux et les nez encombrés que la petite troupe se lève en douceur.
Le soleil pointe timidement de ses fins rayons les arbres et les champs encore plongés dans la rosée du matin.

Après que la voiture eut du mal à se réveiller elle aussi, nous arrivâmes au Studio, l’esprit vierge et apte à la création.
Cet art, qui commence à être un rituel, qu’est celui du maquillage, nous transporte petit à petit dans le coeur du personnage
auquel nous donnons vie au fur et à mesure des coups de pinceaux et autre crayons gras.

La Séance commence. Les acteurs en herbe écoutent attentivement les nouveaux versets du Metteur en Scène.
Ses premiers mots furent donc l’apologie de la ponctualité et de la disponibilité de l’Acteur. En effet, celui ci
se doit d’étudier ses priorités. Donner en vie et travailler l’acteur qui est en nous ou entretenir le bien être de notre être humain?

Grâce aux interventions d’Alexandre sur l’Acteur et ses relations avec le ou les personnages, ou même le monde, cette semaine ne devient pas une simple initiation au Nô mais également « un cour du savoir vivre de l’Acteur. »

Aussi, Alexandre insiste surtout sur l’importance de chaque chose dans l’espace scénique. L’Acteur doit prendre en considération tout ce qui l’entoure et ne doit pas hésiter à le dupliquer dans son esprit pour lui donner de l’importance. Ainsi, je ne présente pas dans un espace scénique qui pourrait réduire et nuire à l’intensité de mes actes, mais dans une immense salle, devant de Grandes Personnes face auxquelles je dois faire mes preuves. L’Acteur s’implique donc autant sur une petite scène que sur un immense plateau.
Reste à nos jeunes disciples de réussir à l’appliquer…

Aujourd’hui le travail se fait texte en main, avec la mise en pratique des idées réfléchies la veille par les Apprentis Comédiens.
Toujours sur le thème de l’improvisation, mais cette fois ci plus ciblé par les enjeux du texte, les scènes et les personnages défilent sagement dans le chenal des idées, guidé et dirigé par Alexandre.
Ce mélange du Nô et d’un texte aussi classique que « Dom Juan » permet de faire de nombreuses découvertes; tant sur la recherche des propres capacités de chacun à s’investir et offrir de soi, que dans la forme de la représentation en elle même. Ainsi, en étant spectateur, on observe une nouvelle version plus originale et surprenante du texte classique de Molière.

Chacun possède des points positifs et d’autres à développer. Il est important que chaque protagoniste s’implique et arrive à faire la coupure entre le monde réel et l’espace scénique, pour offrir une totale immersion dans le personnage et ses particularités.

Les travaux se font de plus en plus intéressants et profonds, se qui donne la dimension mystique et si précieuse du théâtre d’Alexandre.

Mais la fin de semaine arrive très rapidement, tachons de profiter de ces derniers instants, avant que le manque s’installe.

Antoine-Baptiste, la tête dans un nuage scénique.

Jour Deux du « Dom Juan » pour le Théâtre Nô

Deuxième jour !

9h30, une belle journée en perspective, le soleil pointe le bout de son nez au Studio.
Filles et garçons accueillent un participant de passage, Mathieu, qui vient jeter un oeil à nos travaux, et s’immerger pour un jour dans le Théâtre Nô. Nous commençons, comme il se doit, par nous maquiller. Certains tâtonnent encore, tandis que chez d’autres, on voit déjà le personnage de substitution prendre vie. On apprend à concrétiser notre idée, en traçant sur nos visages des traits d’expression significatifs. L’ensemble constitue des variantes d’épaisseur, de couleur et d’aspect. Plus le travail avance, plus les traits sont justes et l’ensemble harmonieux. Pourtant, nous avons trop peu d’expérience pour tendre à cet équilibre; c’est le début d’un apprentissage laborieux dans lequel nous guide Alexandre. Rapidement, nous enfilons nos costumes. Cette étape n’a pas encore été approfondie, mais nous avançons pas à pas.
Viennent alors les improvisations, toujours en partant d’une situation donnée par Alexandre, nous construisons l’espace dans lequel nous avançons; la scène devient alors un lieu magique. C’est une forêt traversée par une rivière, en vieux temple en ruine, un champs désertique… Il faut y croire. Etre vrai pour faire marcher l’illusion mais, cependant, ne pas être soi. Ample difficulté! C’est le moment de faire des concessions, ou notre ego risque d’en prendre un coup. Nous comprenons que le théâtre repose aussi sur la confiance mutuelle entre l’acteur et le metteur en scène.

Demain : jour de repos, au programme RAN.

Fleur

Jour Un des répétitions du « Dom Juan » pour le Théâtre Nô

Ca y est, nous attaquons « Dom Juan » pour le Théâtre Nô avec des élèves du Lycée Paul Cézanne d’Aix-en-Provence. Nous serons ensemble toute la semaine. Programme : découverte du jeu masqué, des formes orientales.. tout cela chargé de mes quinze jours de stage au Théâtre du Soleil où j’ai pu après treize ans, retrouver Ariane Mnouchkine… Pour le soir : petit concoctage de films japonais : Kurosawa en tête.

Mais pour libérer mon temps de préparation de ces journées éprouvantes, je laisse la parole aux jeunes. Avec chaque soir, un de ces apprentis acteurs qui a pour mission de raconter la journée écoulée….

Premier jour !

« Il faut que tu vois! Arrête de faire tourner la machine là-haut! » dixit Alexandre Ferran
Si tu n’as pas cinq ans, vas-t-en !
La séance de répétition se déroule ainsi : chacun notre tour, seul ou à deux, nous improvisons à partir d’une situation.
Le metteur en scène nous accompagne dans notre jeu d’acteur (en herbe) nous reprend, nous dicte des comportements, des gestes et nous aide à donner vie à l’imaginaire. Ces séries d’improvisation sont des exercices pour travailler le jeu de l’acteur. Il n’y a aucune parole ou très peu.
Or, il ne suffit pas d’imaginer mais de vivre et de transmettre à l’autre nos visions et nos émotions.
Le début fut laborieux et épineux mais le jeu du maquillage est une jolie exploration. Jouer avec les ombres et les lumières et les différentes expressions que peuvent prendre le visage est difficile. A la fin, il faut que ce maquillage soit un vrai masque.
Les costumes nous plongent dans la peau d’un personnage indéfini. C’est Alexandre qui nous propose une situation dans laquelle nous devons nous immerger au péril de se noyer. « Il faut être dans l’expressivité mais pas dans la démonstration. » Là réside une des difficultés que nous devons surmonter.

Enfin, la soirée fut consacrée au film de Kurosawa, « Les seps samouraïs ». G R A N D I O S E

Sidney

Beaucoup de silence…

Beaucoup de silence…
C’est le temps des mots qui manque et surtout la poussière pas levée sur ce blog enterré …
Mais je suis toujours là, bien en vie, bien en actes, bien réveillé.
Les projets sont nombreux, les risques aussi !

J’essaye de ne pas être focalisé complètement sur le Japon, mais c’est difficile de ne pas plonger tout entier. Tout serait tellement plus simple alors. Ecrire ce spectacle sur Zeami, préparer mon voyage, mettre en place les partenariats….

Il me faut garder les pieds sur terre, encore, encore, encore. Attendre que les regards se posent là et y croient. Alors, je continue ma vie de technicien (il le faut, il le faut, il le faut… chaque jour, je dois me le rappeler) tout en utilisant mon temps libre pour avancer sur les projets.

Il y a

• « Dom Juan » au Théâtre Nô d’Aix en Provence avec les Options Théâtre du Lycée Paul Cézanne

• « Le Dit des Heike » mis en musique pour le Festival Musique dans la Rue (j’attends la confirmation)

• « Picasso et les Cubes » pour le festival C’est Sud d’Aix-en-Provence (j’attends la confirmation)

• « Un An au Pays du Nô » à la Villa Kujoyama de Kyôto pour l’année 2010 (j’attends la réponse d’ici mai) avec la réécriture pour la scène du roman « Le Démon du Nô » de Nobuko Albery et la création d’une version contemporaine d' »Atsumori » avec une Compagnie Japonaise.

• La reprise de « Elle Attend » ( je vous mets un lien si vous voulez en voir un extrait…)

Retour au texte…

photo de Jeremie GIRARD – Atsumori à la Tour d’Aigues – Août 2008

Bon…
Deux mois de silence, c’est long. Pas qu’il n’y ait pas d’événements marquants durant ces deux derniers mois, loin s’en faut ! Mais se tenir à un tel exercice est ardu, vraiment !

Il va falloir que vous m’aidiez et je trouverai le moyen de vous faire venir plus nombreux chaque jour. Pas pour détenir quelque chose, mais parce que pour partager, on ne peut le faire seul et que je voudrais que mon expérience serve à quelque chose. Ici aussi !

J’ai travaillé une bonne partie de l’été. En tant que technicien surtout. Il y a eu ce très beau moment d' »Atsumori » à la Tour d’Aigues où enfin, il était à sa place ! Dans un théâtre occidental. Tout petit au milieu de cet océan noir fait de tapis de danse, notre îlot de lignes blanches représentant l’espace. C’est l’espace vide, l’espace nécessaire ! Laissant toute la place au jeu des acteurs, au texte, à la lumière. C’était à la fois plus japonais que jamais et en même temps plus universel aussi ; le public ne se retrouvant pas confrontés à un espace étranger, mais accueillant l’étrange dans un espace connu. Il semble que ça ait beaucoup plu. Mais qui n’est pas plus mal placé que le metteur en scène pour savoir réellement ces choses là ? Qu’importe, pour nous, l’équipe, ce fut un grand moment. Vraiment.

La fin de l’été, je l’ai passé à ranger, à redonner corps à mon espace de vie. Pour l’habiter enfin ! Et pouvoir y travailler sans excuses, sans retranchements. Et ma foi, c’est très agréable. Quelques projets sur le feu, peut-être quelques dates à venir ? Nous verrons cela très prochainement. Les mois qui arrivent seront riches…

Et moi, vous me retrouverez tous les soirs. Ici, à la même heure.

Bonne rentrée à tous.

Et la suite ?

Pas très bavard ces derniers temps…
Pas qu’il ne passe rien, non ! ni qu’il s’en passe trop… je goûte depuis une semaine un petit moment de vacances qui me submerge tout !

C’est le temps d’abandon avant celui de l’action. Le temps où l’on tente de faire le point. Sur ce qui a été réalisé et ce qu’il reste à faire… et le constat n’est pas glorieux ! Non ! Toujours au même point, quasiment ! C’est vrai que j’ai inscrit encore un spectacle au ciel de ma vie, mais il n’aura joué que trois fois et je ne vois pas aujourd’hui comment il pourrait en être autrement. Peut-être n’ai-je pas les épaules pour mener ces histoires plus loin que là où elles tombent ? Peut-être n’en ai-je pas le talent, ni la force ? Je n’ai pas encore 34 ans… je regarde mes muscles fatigués, mes yeux cernés et mon espoir froissé. Je regarde les pas derrière et je compte ce qu’ils m’ont coûté. Je regarde le chemin devant et je ne vois pas comment je pourrais continuer à porter ce corps abîmé sur ce si long chemin. Éternelle côte !

En même temps… en même temps, les années qui passent me lavent des scories de ce monde dégénérescent. A chaque effort, je perds un rêve imbécile. Un rêve de pouvoir, de possession, de richesse, de gloire. Et ne m’en porte que mieux ! Sûr d’être là où je le dois et de tenir ce qui est précieux vraiment au creux de cette paume calleuse, aride, sèche de tant de combats.

La fin d’année aura été dure ! (et oui je compte en années scolaires comme les enfants!) J’y ai perdu ma place au sein de la Maison du Japon en Méditerranée et plus grave », mon accès au Théâtre Nô d’Aix en Provence, j’ai vu l’ébauche de mes « Illusions Tragiques » refusée par la fondation Beaumarchais au profit d’oeuvres débiles et vulgaires! Et je regarde Atsumori se délité petit à petit, sachant que chaque heure qui passe nous rapproche de la dernière. Sachant que ces dates espacées nous coûtent plus qu’elles nous offrent. Et pourtant, comme elles m’ont coûté ! Pour les négocier, les mettre en place, les obtenir ces trois dates ! Trois ! Et le travail pour le faire exister. L’adaptation, les réflexions, les voyages, les répétitions, les costumes cherchés à Paris, les acteurs à convaincre, les heures passées sur scène et hors scène… une vie ! Est-ce que ce spectacle mérite ça ? Non, je ne crois pas… Atsumori s’en va… il disparaît un peu plus chaque jour. Emportant avec lui sa jeunesse pas vécue et notre maturité à venir. M’arrachant au coeur une poignée de rêves. Me montrant face à ceux que j’ai tout fait pour emmener avec moi, un petit capitaine de pacotille !

Est-ce que je suis sans fond ? N’y a-t-il pas un moment où je ne pourrais plus faire un pas de plus, submergé par mes blessures ? Combien d’années encore tiendrais-je avant de jeter l’éponge ?

Pourtant au fond de moi, je sais bien que mon parcours est juste ! Je le sais… Quand je regarde ces phrases inscrites sur mon ciel, je le vois bien ! J’ai réalisé ce que j’avais à réalisé. Avec des erreurs, bien sûr. Avec des maladresses aussi. Mais les mots qui sont là sont bien les miens et je les porte avec la même ferveur qu’au premier jour. Sûr de pouvoir mourir à chaque instant sans regret. Sans regret et sans peur.

Parce que ceux dans ceux qui ont vu mes oeuvres, il ne se peut pas que personne n’ai subi de transformation profonde. Il en existe au moins un, au moins deux. Et qui aujourd’hui portent le sens de mon combat ailleurs, autrement. Forts de cette chair que j’ai abandonné à eux, sans autre volonté que de partager l’indicible.

Vivre…

Le 25 juin 2008, nous avons joué « Atsumori » une deuxième fois à l’occasion du Festival Musique dans la Rue. Bien sûr, comme vous le savez si vous suivez nos aventures, nous n’avons pas eu les moyens de mettre en place la structure que nous voulions faire pour mettre en valeur ce Théâtre Nô, le seul hors du Japon. Mais nous nous sommes battus. Et ce que nous n’avons pas eu avec des sous, nous l’avons eu grâce au courage, à la confiance, à la foi et la mâturité de ceux qui nous accompagnent. Ensemble, nous avons bâti autour de ce théâtre, un écrin fait de bric et de broc, mais avec tellement de soin et d’attention que le résultat en était saisissant. Le public ne s’y est pas trompé, puisqu’il est venu 300 personnes. Ce que j’amais le Théâtre Nô d’Aix en Provence n’avait vu. Et moi je n’avais jamais vu le Théâtre Nô d’Aix en Provence comme ça. Un vrai grand et beau moment de vie.

Se réveiller, épuisé…

Le ciel n’a pas bougé, l’air semble porter le même regard qu’hier et pourtant…

Pourtant, accompagné d’une dizaine d’hommes et de femmes, Je viens de remporter ma plus belle bataille !

Pourtant, j’ai vu les visage de mes paires lavés par la fatigue et le soleil brûlant sur leur dos. Pas un n’a fléchi, pas un n’a abandonné. Pas un ! Sur le champ de cette ultime bataille, avec tout leur courage, toute leurs forces, leur générosité, ils se sont donnés jusqu’au delà. Si beaux, si grands. Des messagers de l’Homme… de l’Homme qu’on ne voit plus!

Merci Marc, merci.

Merci Fred, merci.

Merci Manu, merci.

Merci mes acolytes, Killian et Stéphane, merci.

Et toi mon amour, ma douleur, merci.

Et vous, mes amis et partenaires de scène, merci.

Ensemble, nous avons réalisé ce que souvent plus personne n’ose. Avoir la folie d’y croire et se donner les moyens de le partager. Sans rien attendre en retour que le partage !

fin de stage…

Ca y est, le stage avec les enseignants est fini.
Trois journées de six heures pour essayer de donner à ressentir ce que des formes très strictes comme le Nô peuvent offrir comme appuis à ces hommes et ces femmes qui accompagnent leurs élèves et voudraient les aider à devenir des Hommes. Mission difficile s’il en est ! Et en même temps, mission capitale. Parce qu’en leurs mains à tous passent ceux qui décideront du monde de demain et qu’ils ont à se confronter à des dérives de plus en plus lourdes et meurtrières. Souvent face au mépris et à l’ignorance de ceux qui les entourent.
Gens de la télévision, gens des médias, tueurs nés, tueurs en série ! Comment pouvez-vous continuer tous les jours à souiller les pages d’aujourd’hui et de demain ? Comment pouvez-vous ne pas vous rendre compte des dégâts que vous faites ? Irrémédiables dégâts ! Et comment se fait-il qu’il n’y ait pas de gardes fous plus puissants pour vous faire face ! Un jeune qui veut devenir médecin va travailler plus de dix ans pour y parvenir et avoir le droit d’approcher un être humain et ici, on vous ouvre les portes comme cela ! Sur votre belle figure ! Et plus vous êtes dangereux, et plus vous êtes irresponsable, et plus la place vous est ouverte, alors que chacune de vos paroles touche un million d’êtres… y laissant des traces à tout jamais ! 
Le temps a perdu son fil. On construit pour l’immédiat, mais on oublie que notre temps n’est qu’un temps de passage et que ce que nous mettons en place résonnera bien plus loin que le corps ne pourra jamais nous porter. L’immédiat refuse la pensée, refuse la construction, la réflexion, l’intelligence et nous lui vouons un culte ?
Heureusement, d’autres sont là ! Ces hommes et ces femmes qui, tous les jours, accueillent vos enfants et font face. A la destruction massive dont nous sommes tous coupables ! Et c’était un vrai bonheur de les voir là, plonger dans cet univers si singulier avec tout leur courage pour découvrir ces nouveaux outils à guérir les plaies purulentes que ce monde vitesse ne prend pas le temps de panser.
Trois jours et de belles rencontres. Avec un temps devenu autre, précieux et délicat. Un peu de mon parcours et de mon chemin de bataille donné à d’autres yeux, à d’autres coeurs qui en feront de nouvelles choses, de nouveaux gestes, de nouveaux codes. Un moment de partage intense et rigoureux. Et d’espoir… oui d’espoir !
Merci à vous 15 et à toi Christophe qui a rendu cet instant possible. Je m’en vais, plus fort et plus serein, affronter les tempêtes qui se préparent.
Plus fort et plus serein.

un samedi sur la terre

3 jours se sont passés depuis la représentation…
3 jours où le silence est revenu aussi vite qu’il avait disparu.
Où sont Marc, Gilles, Jean-Charles en ce moment… et Pipok !
Les costumes ont retrouvé leur portant, les maquillages leur valise et le texte, l’étagère sur laquelle il a dormi dix ans avant de devenir l’objet de tous nos soins, de tous nos regards, de tous nos rêves…
Je me sens comme eux… Exactement !

l’après

Et voilà…

Voilà que ce nouveau moment s’est inscrit là où il pouvait s’inscrire.
Les journées de répétitions auront été intenses, les questions aussi. Qui jouera Atsumori ? Comment traiterons-nous ce texte venu de six cents ans en arrière ?
Nous avons fait les choix. Et c’est ainsi qu’Atsumori est né ce mercredi 21 mai à 19 heures sur le Butaï d’Aix en Provence.
J’aurais voulu vous tenir informés. Au jour le jour. Des évolutions, des questions, des choix faits… mais l’action, dans ces instants, prend toute la place et les moments de pause se passent les yeux tournés vers le ciel.
Aujourd’hui, j’ai à peine l’énergie de passer du canapé au fauteuil et du fauteuil au canapé. Épuisé, littéralement. Parce qu’inscrire coûte toujours et qu’une fois le moment passé, il semble que tout va s’éteindre à tout jamais.
Je disais dans un mail aujourd’hui qu’Atsumori a encore du chemin à faire. Sur la partie de l’esprit, en particulier. 

« Je pense que le spectacle a encore des rendez-vous à trouver pour réussir ce pari d’emporter les gens bien loin d’ici mais si proche de leur secret. Il y a sur le fil de ce chant encore quelques ruptures qui rendent le son parfois difficile à entendre et le lieu bien que magnifique n’arrange pas les choses.
J’ai hâte de le jouer dans un théâtre avec le butaï (la scène) juste signifiée au sol par un trait blanc et les costumes épurés au maximum comme nous l’avons fait avec le choix de la musique. Ca viendra, j’en suis sûr. »

J’ai hâte d’y retourner. De retrouver ces nouveaux amis de coeur qui ont su avec moi faire le pari de se mettre au service d’une langue si distante et si pure, sans mettre en avant l’égo meurtrier.
J’ai hâte.
Mais aujourd’hui, je voudrais fermer les yeux et ne plus les rouvrir. Me laisser porter sur les flots sans question, sans espoir. Parce que porter ce genre de rêves coûte bien plus que les mots ne pourront jamais le dire et qu’une fois le rideau baissé, on se retrouve toujours un peu plus seul. Un peu plus dramatiquement seul !