Gardénia… Alain Platel, Vanessa Van Durme

Photo Luk Monsaert
Théâtre du Merlan, Marseille.
Un cabaret. Des artistes de plus de soixante ans : des travestis. Un jeune homme. Pendant une heure trente, approximativement, ils vont chanter, danser, se dévoiler devant un public qui oscille entre hilarité et larmes. il y a beaucoup d’émotions. Pari gagné pour ce grand metteur en scène/chorégraphe ? En tout cas, le public est conquis. 
Une discussion a lieu après le spectacle. Vanessa Van Durme, comédienne transsexuelle, à l’origine du spectacle et qui avait déjà travaillé avec Platel, nous raconte la genèse de la pièce.
Le point de départ est un documentaire sur un vieux cabaret de travestis barcelonais qui doit fermer : « Ya Soy Asi » où l’on suit ces « personnages » qui ont fait vivre ce petit cabaret plus de quarante ans et qui vont devoir quitter la scène pour de bon. Emue, Vanessa a réuni de « vieilles connaissances » du milieu gay et travesti pour leur proposer de raconter cette histoire au théâtre. Et franchement, le casting est à la hauteur. Ils sont vrais, émouvants dans leurs corps usés, ces grand-pères habillés en femme, maquillés à outrance. Tellement à l’aise qu’on se dit que la reconnaissance des sexes ne tient pas à grand chose. Oui, ils sont convaincants !
Je ne peux, en les regardant si bien parler de ce travail, m’empêcher de ressentir une profonde tristesse, mêlée d’un soupçon de colère. Une profonde tristesse parce que je me rends compte, en les écoutant, qu’ils n’ont pas pu, sur scène, partager le fond de cette histoire. Ce que nous avons vu, c’est un défilé sympathique et loufoque de « vieilles folles », savamment agencé par Platel.
À qui la faute ?! Comment passer sous la surface quand on est pris par l’engrenage du temps, du résultat ?
Alors on trompe, on trompe le spectateur, on trompe l’acteur, on se trompe soi-même. On vend sa peau au plus offrant en faisant fi de nos valeurs, de nos rêves d’enfants. Et comme tout le monde fait cela en ce moment -j’entends tous les milieux, toutes les professions, la plupart des êtres- on invente les passerelles qui n’existent pas pour se réjouir, paresseusement, des exigences qui se perdent et rendent tout uniforme. Ça rassure. Aussi fou que cela puisse paraître, oui, ça rassure.
Et je me demande comment, dans ses conditions, j’arriverai, un jour, à traverser cet écran opaque pour remonter sur scène et montrer ces malles de rêves abandonnées par tous, sur le chemin. Sans rien lâcher. Sans rien lâcher.
 

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