Réponse à Antoine-Baptiste

Cher Antoine,
Je me suis souvent posé ces questions moi aussi. Qui est artiste et comment celui-là, celui-ci peut être considéré comme tel par les autres, ce faiseur, ce menteur ?! Et puis bien sûr : « comment l’être moi, vraiment et surtout le suis-je ? O oui, vous là-haut, dites-moi, dites-moi que je suis un artiste ! »

Avec le temps qui passe, ces questions là s’oublient, parce que c’est l’acte qui prend le dessus. On n’a pas le temps de se demander si l’on est artiste, ce travail-là revient aux autres. Nous, nous nous devons d’être des hommes et c’est loin d’être une mince affaire.

Sois un bon amant pour celle qui partage ton lit. Sois un bon enfant pour ton père et ta mère. Un bon frère pour ta fratrie. Un bon ami pour ceux qui t’aiment. Un bel ennemi pour ceux qui te détestent. Deviens un homme pour toi-même. Tout cela, tu le peux. Et avec ce que tu portes en toi, tu te le dois !

Le reste ne t’appartient pas ! Ariane nous disait souvent quand nous affrontions la scène : « Cherche le petit pour trouver le grand ». Dans la vie, nous devons faire de même. Chercher le petit ! Mais pas pour trouver le grand, non. Pour trouver le juste ! L’honnête ! Pour être là, vraiment ! Que nous importe en vrai, si, au final, quelqu’un dit de nous que nous étions un artiste ou pas ? Si nous laissons des enfants armés pour grandir, si nous avons partagé le sourire d’un être cher et qui vous dit merci. Si nous avons gardé les yeux ouverts tout au long du chemin et que dans notre tiroir secret, nous avons des histoires en pagaille à offrir au voyageur qui passe et qui va. Il ne faut pas chercher à convaincre. Il ne faut pas se battre pour un titre ou une note. Il faut être malin, oui. Ne pas foncer tête baissée dans le mur de l’imbécilité qui nous entoure, oui. Donner ce qu’on attend de nous quand on le doit. Mais ce n’est pas cela la vie. La vie est ailleurs. Dans tous ces moments où l’on bâtit pour ceux qui nous entourent (dont nous-même, dont surtout nous-même) et comptent vraiment. Sans chercher le résultat. Mais parce que partager un moment, un instant est ce qu’il y a de plus grand, de plus beau et que quand cela se présente, il faut être prêt, disponible. Le corps délié, les muscles plein, le coeur nettoyé des armures et les blessures offertes.

Laisse leur le soin de choisir, le soin de dire, d’écrire. Et même si c’est bruyant, même si c’est confus. Au fond, ils savent les reconnaître et les apprécier à leur juste valeur. Pas tout de suite. Pas là maintenant. Mais après, quand le calme est revenu, quand le temps est passé. Ceux qui ont oeuvré tout au long de leur vie, fidèles et vrais, sortent du lot, sont reconnus. On les place là-haut, on leur invente une vie qui n’était pas la leur et ils deviennent les exemples qu’ils disent avoir suivi. Même si jamais, non, jamais, ils ne savent le faire au moment où l’artiste arrive, est. Et c’est heureux ainsi !

L’artiste est un être qui agi, fait, grandit, cherche, construit. Quoi qu’on dise de lui, quoi qu’il se passe. Parce que ce qui l’anime, même s’il se perd parfois, est bien plus fort que leurs mots et le ramassera toujours pour l’emmener encore et encore sur son chemin, même s’il est loin des regards, même s’il est loin des éloges.

Et pour toi Gaël que j’aime tant aussi, je voudrais dire : « Bien sûr que l’homme peut changer, évoluer, se transformer ». Mais pour accomplir cela, il faut du courage, de la persévérance, de la patience (de la vraie patience, celle qui prend une vie !) et beaucoup d’amour et de foi. L’homme est bon. Tous les hommes sont bons. Parce que tous les hommes, un jour, n’étaient que des bébés et qu’un bébé mauvais, tu le verras quand tu deviendras père, cela n’existe pas. Le mal est juste plus ou moins inscrit dans leur chair trop tendre pour résister aux coups, à la violence, à la bêtise et le travail plus ou moins dur. Deviens d’abord l’homme que tu sens devoir être. Existe. Grandis chaque jour pour préparer ton vieil homme. Qu’il soit magnifique. Qu’il soit un arbre centenaire où les oiseaux aiment à venir se poser. Qu’il garde ce sourire et cette curiosité malicieuse. Tu verras alors que tu peux emmener certaines personnes avec toi. Certaines beaucoup, d’autres moins, d’autres pas. Mais garde cette croyance en la bonté humaine. Coûte que coûte ! C’est le plus beau cadeau que tu pourras te faire.

Je vous aime mes petits gars et je crois fort en vous !

« Et l’on aura ainsi fondé ce qui avait été posé au départ, au titre de postulat méthodologique, à savoir que le « sujet » de la production artistique et de son produit n’est pas l’artiste mais l’ensemble des agents qui ont partie liée avec l’art, qui sont intéressés par l’art, qui ont intérêt à l’art et à l’existence de l’art, qui vivent de l’art et pour l’art, producteurs d’œuvres considérées comme artistiques (grands ou petit, célèbres, c’est-à-dire célébrés, ou inconnus), critiques, collectionneurs, intermédiaires, conservateurs, historiens de l’art, etc. »

extrait d’un texte de Bourdieu

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