Reprendre… entre Tôkyô et Kyôto

Maître Tadashi Ogasamawa de la famille Izutsu, un immense maître avec un coeur à la hauteur de l’acteur. Disciple de Manzo le 8eme. Il était avec Manzo la première fois que j’ai rencontré le Nô et le Kyôgen, en 1994 au Théâtre du Soleil. Hasard ou destin ?

Dans le train pour Gifu, je me décide enfin à ressortir l’ordinateur pour tenter de retrouver le chemin de notre terre du milieu, là où je peux venir vous trouver quand le temps est trop vaste, là où je tente parfois de m’assurer que je ne me suis pas perdu pour toujours dans un rêve éveillé sans retour.

Mr Tomita Fumihiko, un ami… rencontré au restaurant de notre chère Chako (cf avril 2008). Ce soir là, il m’offrira deux masques de Nô fait par son père, homme de 80 ans qui a passé sa retraite a sculpté des masques de Nô.

Tôkyô aura été un moment très dense, intense, une réelle plongée en apnée dans le monde du Nô et du Kyôgen – à fréquenter la scène de Nô tous les jours sous l’égide de maîtres venus d’un autre temps et qui, s’ils connaissent les “gaiji” – les étrangers – ne peuvent pas pour autant se permettre trop de digressions. Le stage s’est fini par une présentation des différents travaux, sur scène, devant une audience composée d’amis rencontrés en cours de route, d’officiels travaillant avec l’ITI – International Theater Institute, Organisation de l’Unesco – et des maîtres de l’École Izumi – une des deux écoles de Kyôgen. Passer dix jours en seiza entre 5 et 6 heures par jour, travailler les komai – danses du Kyôgen -, l’utai – le chant – les champignons – personnages se déplaçant le plus vite possible en position accroupie qu’on trouve dans un kyôgen : (nom à rechercher, c’est promis), l’histoire d’un homme qui vient demander l’aide d’un Yamabushi (moine guerrier des montagnes qui avaient des connaissances magiques) pour libérer son jardin de champignons indésirables venus s’y installer. Evidemment, plus le Yamabushi fait d’incantations, plus le nombre de champignons augmente jusqu’au moment où le chef des champignons, un démon furieux, entre sur scène pour dévorer le Yamabushi- aura été poignant, harassant, ahurissant… et c’est comme si je me réveillais d’un long rêve doucement, au fil des heures qui filent depuis mon départ de Tôkyô à 12h30 aujourd’hui par les lignes locales – soit 10 heures de voyage en tout pour rejoindre Kyôto par de petits trains locaux en tous points semblables aux métros, donc au confort… plus précaire.

Détail du Pin du Butai des Umewaka à Tôkyô

Je retrouve la solitude, comme un costume qui m’aurait manqué et qui sied si bien à une aventure comme celle là. Parce qu’elle permet à l’étrangeté de se déformer jusqu’à devenir complètement surnaturelle et emmène loin sur les terres de nos vérités intérieures mises à la rude épreuve de savoir comment elles pourront soutenir ce si particulier climat.

Les maîtres préparent Elise pour la représentation. C’est que c’est quelque chose l’habillage ici, un vrai art à part entière.

C’est un grand privilège de se permettre le luxe de ne rien comprendre, de ne pas pouvoir lire et de, malgré tout, avancer toujours plus loin dans l’inconnu, faisant appel à d’autres repères, à d’autres lois. Comme le silence, qui permet au flot de parole, au flux du sang de prendre un autre rythme, étiré, ouvrant grandes les portes d’un monde parallèle où les clés ne peuvent être partagées.

Fête de fin de Stage. A côté d’Elisabeth, Vincent Guenneau, ami français vivant dans les sphères du nô au Japon depuis 11 ans.

Il me faudra revenir sur l’avant, l’avant maintenant, l’avant Tôkyô, entre le retour de l’Île Sado et le départ de Kyôto. J’ai quelques instants que je voudrais inscrire ici : la visite du Temple Daigo Ji au sommet d’une des hautes collines qui surplombent Kyôto, la rencontre avec Atsumori, la baie de Suma et la montagne de Shironoyama… Il me faudra prendre le temps de les ramener ici.

Le Daigo Ji, tout en haut d’une haute colline. Ici vivent encore des moines, ici Kanami, Zeami et son fils Motomasa ont eu la responsabilité des festivités pendant leurs grandes années.

En même temps, le mois que je m’apprête à vivre ici, je le voudrais silencieux, complètement. D’abord, parce que j’ai une pièce de théâtre à écrire, d’autre part, parce que j’ai fait de vous des compagnons trop envahissants, trop rassurants.

Le Moine Rensei, devant la tombe d’Atsumori. Baie de Suma

Je veux rencontrer ce qu’il y a là-bas et que j’entr’aperçois quand la nuit se fait et que les hommes se taisent ou, en tout cas, quand le mien se tait. Complètement. Laisser la distance, le silence, la solitude avaler mes repères, hors de vos soins, de nos mots, au pays où le manque devient une larme d’acide qui ronge goûte à goûte toutes les graisses accumulées autour des yeux du coeur.

Le lieu où est mort Atsumori au pied de la montagne de Shironoyama – Baie de Suma

Je veux devenir aveugle pour y voir, sourd pour entendre, muet pour écouter. Ne plus dire, ne plus parler, ne pas tenter d’inscrire quoi que ce soit, mais juste être le petit être que je suis au fond. Là, simplement là, pauvrement là et rien d’autre.

P.S. Mais je serai vite de retour ;-)… euh….

Arrivé à Kyôto, il est 22h30. Je suis heureux de me retrouver ici comme si j’étais rentré chez moi. Très agréable sensation après ces dix jours intenses à Tôkyô. La Takaya Guest House y est pour quelque chose, je pense.

Elisabeth et Chako dans son restaurant. Le restaurant le plus Wabi Sabi que je connaisse au Japon. A voir absolument. Tôkyô

A très vite !

Tôkyô, Tremblement de terre, typhon et Kyôgen… si, si, tout va bien !

Un typhon est passé cette nuit sur l’Asie, un tremblement de terre d’amplitude 6 a eu lieu à Tôkyô qui nous a réveillé au milieu de la nuit et pourtant tout va bien, mais… vraiment bien !

Je viens de finir l’épisode Sado Island et je vois bien que je n’arriverai pas à rattraper les 11 jours de retard… en tout cas, pas maintenant. La connexion ici est très mauvaise, envoyer des photos devient un exploit et trouver le temps d’écrire aussi.

Nous faisons 7 heures de Kyôgen par jour et je peux vous assurer que c’est ce qu’on appelle chez nous : un training quelque peu physique ! On ressort de là, lessivés.

De plus, il nous faut apprendre les textes, revoir les danses, ce qui s’ajoute à mes devoirs de vacance de flûte, de Shimai et d’Utai que je dois continuer à voir, parallèlement.

En même temps, après notre retour à Kyôto, les événements ont été plus maîtrisés. Cours de Shimai, cours de Utai, cours de Fue. Beaucoup d’heures à la maison à travailler et quelques visites que je prendrais le temps de vous raconter. Surtout celle du Daigo Ji pour mon anniversaire où nous avons fait une ascension de deux heures et demi pour arriver sur une autre planête, au calme, si proches du ciel !

A très vite !

Alexandre

Tremblement de terre… tout va bien !

Pour ceux qui en France auraient eu l’info, nous avons eu droit hier au soir à un joli tremblement de sol…. 4 sur l’échelle de Richter. Nous l’avons bien senti… comme si un gros métro passait sous la maison et avant et après des vagues dans le sol que jusqu’au moment crucial, nous avions mis sur le dos de la fatigue et du voyage.

Nous sommes sortis de la maison, avons attendu que ça passe. Et ça passe ! Les japonais ont continué leur train de vie comme si de rien n’était.

Voilà, c’était juste pour vous dire que nous ne sommes pas faits avalés par une grande crevasse, ni n’avons pris sur la tête notre chétive maison de bois.

Ce matin, nous allons nous inscrire au stage de Kyôgen. Je reviens vers vous au plus vite.

Absence prolongée jusqu’au 9

Bonsoir à tous – et oui, ici il est 22h09.
Je n’ai pas le temps de continuer et je pense que d’ici Tôkyô, c’est à dire le 9 août, les choses en resteront là. Ce n’est pas sûr, mais le programme est assez chargé. Visites, cours, courses…

Je vous laisse et vous dit à lundi sans faute avec plein de nouvelles nouvelles.

A vite

Île Sado, Musée et retour…

Un nouveau dragon, gardien du Musée de Sado

Il est 10 heures quand nous décollons. L’hôtel organise trois départ vers la gare chaque matin, ce qui nous permet de déposer nos valises à la consigne de la gare du Ferry et de profiter du peu de temps qu’il nous reste, légers ! Nous reprenons le bus n 1, le même qui m’a emmené au Shoboji hier, mais ne descendons qu’à Sawata Beach. Pendant le trajet, je montre à Elise, tout ce que j’ai découvert hier. Je suis comme un enfant racontant son séjour en colonie de vacances. Elise se prête au jeu, accueille mon enthousiasme un peu tonitruant. A Sawata Beach, au terminus – un carrefour entre deux petites routes de campagne – nous changeons de bus et arrivons au musée vers 11h30. Notre temps est compté, le bateau part à 15h30 et nous ne pouvons pas nous permettre de le rater, mon railpass finissant ce soir, à minuit.

Le vénérable moine Nichiren Daishonin, exilé lui aussi sur l’Île Sado, déjouant ses assassins par les prières.

Le musée est assez décevant. Il s’agit d’un musée avec des automates. On y voit effectivement Zeami et l’épisode de la danse de la pluie ; effectivement, un texte de lui est reproduit au mur. Etait-ce de ça que le pêcheur voulait parler ? Qu’importe, il doit y avoir d’autres salles après cette mise en bouche animée… mais non ! Le musée, c’est ça. Pas de vestiges, pas de peintures, pas de textes, pas d’objets usuels, pas d’armures. Juste une histoire animée de l’île, enfin, de certains événements ayant eu lieu dans l’île. Par contre, la réalisation des scènes est somptueuse. Surtout les extraits de légendes, écrites par je ne sais plus quel auteur, habitant l’île. Je sors de là un peu déçu. De toute façon, nous n’aurons pas le temps de voir autre chose. Ce n’est pas grave, cela veut dire qu’il me faudra revenir.

Un aigle qui nous a suivi tout le long du retour. Je vous rappelle que ce n’est pas une mouette et qu’il ne se pose pas sur l’eau. Impressionnant voyage !

Mais pour l’heure, nous rentrons ! Nous découvrons un bus qui fait le retour directement en passant de l’autre côté de l’île – au moins nous aurons vu de paysage ! Et nous voilà dans notre Ferry qui nous ramène à Nîgata. Je regarde l’île disparaître à l’horizon, accompagné d’un aigle et de mouettes qui suivent le bateau en quête de nourriture. Le ferry arrive à 17h30, le train part à 18h15 pour Tôkyô. Tous les timing du jour sont extrêmement serrés !

L’île Sado, sur la gauche l’endroit où a du débarquer Zeami… adieu « Île d’Or »

A la descente du ferry, nous nous trompons de sortie et ratons le bus. Flûte ! Le prochain est dans un heure… “Hep ! Taxi”. Et nous voilà en gare de Nîgata. Il est 18h00, il nous reste 13 minutes.Juste de quoi aller faire un tour à l’agence JR pour voir si on peut récupérer des places réservées. Mais le train que je lui montre n’est pas sur son ordinateur. Il cherche, cherche. Moi je sors ma grille de trains et lui montre. “But that is one who work only on sundays. Look” Non ! Je n’avais pas fait attention et nous voilà coincé ici. Pas de départ avant demain ! Si… en cherchant bien, il nous dégote un vieux train de nuit. Départ 22h55, arrivée 06h50 en gare de Kyôto. “With beds ?” “No, sorry.” . Bon… c’est ça où payer quelques 25 000 yens pour rentrer. “Ok, we take this one” Du coup, nous avons du temps devant nous… beaucoup de temps. Nous tournons en rond dans un sens, puis dans l’autre. Faisons du lèche-vitrine, mangeons quelques sushi, buvons quelques cafés. Tournons, retournons. 21h… 21h10… 21h15… 21H30…………

Attente à Nîgata. Gare des bus, un des endroits près de la gare où l’on peut trouver des bancs dehors.

22h35 ! Nous montons dans le train qui est déjà à quai. Les compartiments couchettes ont l’air vraiment confortables. Mais c’est 6000 yens la couchette, soit 12000 pour les deux. Je le propose à Elise qui, raisonnable, essaye de se faire un petit lit sur les banquettes sous une climatisation digne d’une patinoire olympique et qui, faisant sa meilleure mine, me dit : “Ce n’est pas la peine, ça ira”. Ouais, ça ira ! Si nous avons réussi à dormir une heure par intermittence durant cette nuit, c’est un grand maximum. Arrêt du train toutes les demies heures, climatisation impossible à faire baisser – malgré mes appuis multiples et variés sur les boutons écrits en japonais dans le couloir, après que le contrôleur nous ait dit qu’il ne pouvait pas la baisser.

Il est 06h50. Evidemment, c’est le moment où nous dormions le mieux. Nous débarquons, tel deux zombis sur le quai de la Kyôto Station, en essayant de ne pas oublier de bagages à bord – ce qui ne manque jamais de m’arriver quand la fatigue me submerge. Nous attendons le métro un moment, filons à la Takaya, puis nous effondrons dans le lit après une douche bien méritée. Content de retrouver notre four après le supplice du frigo. Nous sommes le 2 août depuis quelques heures, mais cette journée ne commencera qu’à 11h30 quand nous nous réveillerons de notre sieste matinale bien méritée.

Île Sado, temple Wakamiya, cérémonie Shinto : ZEAMI (2eme Partie)

Il est 18h30 quand je quitte Shoboji, avec la sensation d’avoir encore un long chemin à faire avant de réussir à réunir les pièces du puzzle complexe qui me permettront de mieux discerner ce grand génie trop méconnu. Entre parenthèses, je suis assez surpris de constater que sur le sol japonais, si Zeami est relativement connu, les endroits où il est passé, où il a séjourné, les objets, les écrits de sa main, bref tout ce qui touche à sa personne, ne semble pas mériter un intérêt plus particulier que cela. Peut-être parce que pas assez touristique, je ne sais pas. En même temps, ça donne à cette aventure un côté plus authentique et qui demande à chaque fois de payer de nombres d’efforts pour arriver à avoir quelques indices, quelques traces, quelques mots. C’est assez excitant.

Paysage désert devant le temple Shoboji, des rizières à perte de vue – Île Sado

La nuit tombe, j’attends le bus de 18h43 dans un abri au bord de la route principale où de vieux canapés déchirés accueillent les hasardeux voyageurs. A part les voitures qui passent, il n’y pas âme qui vive ici. Enfin, si ! J’ai eu droit, lors de ma visite du cimetière qui fait face au temple, au départ des derniers enfants de l’école d’à côté. Mais à cette heure ci, les voix cristallines se sont tues. Ca laisse plus de place à la réflexion, à l’imaginaire et aux discussions intérieures. Je respire puissamment et continue un dialogue avec le grand Maître, entamé là la sortie du temple. “Fais-tu partie des âmes qui errent toujours là, entre deux, comme la plupart des héros de tes pièces ou as-tu su faire face à toutes ces difficultés qui ont jalonné ta fin de vie, sans regrets, sans colère, sans rancoeur et à à passer dans un nouveau cycle de vie ?”

Arrêt du bus n 1 à côté du Shoboji… de vieilles banquettes accueillent chaleureusement les rares voyageurs

Je me plais à croire que, malgré tout, il a su accueillir sa destinée avec ce sourire triste si bien rendu par notre moine sculpteur. Prêt à continuer à accueillir les coups jusqu’au bout en travaillant à forger son âme encore et encore afin de lui donner l’aspect d’un bol vide, capable d’avaler des tempêtes. Creusant, creusant jusqu’à ce que son bol intérieur ait la consistance de l’eau, puis celle d’un nuage pour que rien, jamais, ne puisse venir lui faire renverser l’essence de sa voie.

A l’entrée du temple Wakamiya, le prêtre shinto, la corde tressée en cercle, au fond les hommes attendent et offrent des verres de saké… 31 juillet !

Il est 19h27, j’arrive à Ryotsu, port principal de l’Île Sado. Je n’ai pas vu le temps passer. J’ai continué à discuter ainsi avec le maître tout le long du voyage en essayant de refaire de mémoire le dessin de sa statue. Il va falloir que je mange. Je me mets donc en quête d’un restaurant, mais avec la douce assurance que quelque chose me poussera au bon endroit. En chemin, je croise beaucoup de gens se pressant par petits groupes vers un temple tout illuminé. Des couples avec leurs enfants, des grands-pères et des grands-mères, de jeunes hommes et femmes seuls. Je les suis. Et là, à l’entrée du temple, il y a une corde suspendu en cercle comme dans l’arène d’un cirque. A sa gauche, un prêtre Shinto – j’ai appris à les reconnaître depuis que je suis ici. Ils ont une tenue très particulière et ne peuvent être confondus avec les moines bouddhistes, eux rasés et habillés de tenues beaucoup plus sobres – et au fond, une bande d’hommes d’une cinquantaine d’années servent du saké aux gens qui entrent. Je me dis : “ Ce doit être rassemblement des gens du village…” A ce moment là, un homme à la droite du cercle, me demande d’entrer. Je lui fais signe que je ne veux pas déranger, mais il insiste. Il me prend par la main. Nous faisons la prière à l’entrée du temple. Mettre une petite pièce dans l’autel, faire sonner la cloche pour dire aux esprits qu’on est là, courber l’échine deux fois, frapper dans ses mains deux fois et recourber l’échine une fois en gardant les mains jointes. Puis j’entre. Là, l’homme me demande de passer dans le cercle, de revenir par la droite, de repasser dedans, de revenir par la gauche, de repasser dedans, puis il vient me chercher et me présente au prêtre. Il me demande de courber le dos à nouveau. Le prêtre en profite pour balayer les mauvais esprits qui pourraient être accrochés à moi, puis je dois refaire un huit dans le cercle de corde, une seconde fois. Enfin, il m’invite à aller m’agenouiller devant la bande d’hommes qui rigolent et devisent en buvant du saké. Celui qui est devant m’en sert un verre. Il me fait comprendre que je dois le boire cul sec ! Je m’exécute, puis me voit remettre une friandise dans une enveloppe – ce qu’on voit souvent dans les cérémonies. Je vais pour sortir, mais l’homme revient me chercher. Il veut absolument prendre une photo avec le prêtre. C’est que ce n’est pas souvent qu’ils voient des occidentaux ici, apparemment. Le temps de lui expliquer comment ça marche et le voilà qui immortalise ce moment. Moment délicieux, juvénile. Avec cette bande de garçons au rire franc, qui se délectent de voir un étranger participer maladroitement à une de leur cérémonie.

Photo souvenir avec le prêtre Shinto du temple Wakamiya… j’ai l’air tendu ?

Je repars. Toujours sur mon nuage ! Quelle va être la prochaine surprise ? Il fait nuit noire, Ryotsu n’est pas ce qu’on peut appeler une capitale “moderne”. Pas d’éclairage public à chaque mètre, pas de signaux sonores aux passages cloutés. Ca ressemble plutôt à un vieux petit village qui s’étendrait sur des faubourgs. J’essaye de trouver un restaurant ouvert sur le chemin de l’hôtel, mais c’est peine perdue. Il est 20h00. Elise est là devant l’hôtel, en train de fumer sa cigarette du jour. Je lui raconte ma journée, enfin non, ma fin d’après-midi et elle, la sienne. Figurez-vous qu’elle a rencontré un pêcheur fan de Zeami et qui, après une grande discussion en japanglais – le second niveau, mais Elise a été plus sérieuse dans son apprentissage du japonais – lui a offert un livre – en japonais bien sûr – sur la vie de Zeami. Nous avons, apparemment, été convié au même doux rêve éveillé, mais en des lieux différents. Charme magique de cette Île ?

Second temple, là où Elise recevra sa cure pour tenir jusqu’à la fin de l’hiver

Je repense aux deux tapes de l’esprit bienveillant et le remercie pour ce voyage. Par contre, j’ai faim ! Et le descriptif du repas d’Elise est un supplice. Elle a choisi de manger à l’hôtel, ce qui lui a coûté 1000 yens. Mais, après avoir été convié par les femmes de l’hôtel sous les suppliques d’Elise a manger quelques restes – sashimis, riz, soupe et encore un tas de choses – je me dis que c’est vraiment peu cher payé pour un tel festin ! Elise a mangé une dizaine de plats différents, moi peut-être cinq. Je me dépêche, leur service est censé être fini depuis presque une heure, puis je propose à Elise d’aller au temple à côté, bénéficier du même traitement magique et bénéfique- sur la route, j’ai croisé un second temple ouvert et brillant de mille feux à quelques centaines de mètres seulement de l’hôtel. Nous remercions nos hôtesses pour ce traitement de faveur – Elise est souvent la chouchoutte des japonais et japonaises, c’est indéniable – et partons dans la douce brise d’été du bord de mer vers cet autre temple. L’accueil est tout aussi chaleureux et, parmi les hommes assis, nous reconnaissons le tenancier de l’hôtel. Il nous mitraille de photos et je me vois obligé de refaire avec Elise toute la cérémonie – sans le prêtre Shinto qui, dans ce temple reculé du bord de mer, n’est pas présent. Nous buvons notre coupe de saké – pour Elise, le gars dira : “sukoshi” – traduire par “juste un peu”. Nous sortons de là sous les étoiles en devisant sur ces coutumes, sur l’enracinement du religieux et du surnaturel dans cette culture, tellement loin à présent de la notre. La présence du gérant de l’hôtel – qui parle donc un peu l’anglais, chose rare sur l’île – nous aura permis d’apprendre que nous venons de vivre une cérémonie pour la santé. Il y en a deux par an, une l’hiver et une au milieu de l’été. Pour recharger les batteries et repartir pour six mois sans fatigue et sans poids, le coeur léger. Exactement ce dont j’ai besoin !

Il est 23h00, je suis dans le Onsen de l’hôtel- source chaude où les japonais aiment à se délasser après une bonne journée. Je repasse le film à l’envers et me laisse couler dans cet instant de bonheur. Demain, nous irons au musée de Sado qui se trouve de l’autre côté de l’île. D’après le pêcheur qu’a rencontré Elise, il y aurait un parchemin de la main de Zeami ou une pierre sculpté par lui. Peut-être le rouleau de son exil à Sado qui est en photo dans le livre que les ange-gardiennes du Shoboji m’ont offert? Nous verrons bien…

Île Sado, temple Shoboji : ZEAMI (1ere partie)

« … je respire, avec les yeux et le coeur, le paysage que Zeami voyait, lui, à 700 ans de là ! »

Comme vous avez pu le lire lors des deux précédents messages, le matin du 31, nous partons vraiment très tôt. Il faut pas loin de cinq heures pour rejoindre Nîgata et il n’y a que quatre ou cinq ferrys par jour – bien sûr il y a aussi les Jetfoil, beaucoup plus nombreux, plus rapides, mais aussi beaucoup plus chers ! Aidés par internet, nous avons réussi à établir le voyage suivant : départ Kyôto 6h23, arrivée Tôkyô 9h11, départ Tôkyô 9h40 arrivée Nîgata 11h43, puis bus qui, d’après ce que j’ai compris, met 15 minutes pour aller au port et départ vers l’île à 12h30, arrivée Sado 15 h. Tout cela est assez serré, puisque demain, le 1er août, est mon dernier jour de Railpass – pass gratuit (mais coûtant au demeurant entre 200 et 500 euros, suivant la durée et la classe) pour toutes les lignes JR réservés aux non-japonais – et que nous devrons donc être rentrés avant 00 h demain à Kyôto, ce qui nous laisse sur l’île 24h maximum.

« Economic Class » sur le Ferry. De grands tapis surélevés où il fait bon vivre

Notre périple se déroule sans problème. Il est 12h15 et nous arrivons à la gare des Ferrys. Nous prenons deux tickets “economic class” qui nous reviennent à 2280 yens chacun et allons rejoindre la queue. Sur le Ferry, après avoir déposé les bagages dans notre compartiment – un immense tapis surélevé où, une fois les chaussures enlevées, on peut manger, dormir, jouer… on se croirait dans un boat people – je file sur le pont et essaye de voir se dessiner l’île à l’horizon. Je pense à cet homme qui est passé là – son chemin n’était pas le même, ils partaient à l’époque d’Echigo – et qui a vu le visage de son exil apparaître comme moi aujourd’hui, tel un fantôme à l’horizon. Il est 15 heures. Nous arrivons sur l’Île Sado.

« … je file sur le pont et essaye de voir se dessiner l’île de Sado que Zeami appelle « L’Ile d’Or » à l’horizon… « 

Là, il se passe une autre rencontre avec l’Ailleurs. Au moment de descendre, je passe devant Elise pour rejoindre le bureau d’informations. Je reçois deux tapes douces sur l’épaule. Je me tourne sûr qu’Elise m’appelle, mais elle n’est pas là… Je regarde autour de moi, les gens passent sans me voir. Je reste là, un instant, sûr que je pourrais voir se matérialiser cet esprit si je peux sentir son contact, mais rien d’autre ne se produit et le temps presse. Le temple Shoboji doit fermé à 17h ou 17h30 maximum, ce qui nous laisse très peu de temps pour nous y rendre. Je demande à la fille du centre d’informations où se trouve le temple et la statue de Zeami. Mais, si elle finit par trouver ce petit temple boudé du public, elle m’affirme qu’il n’y a jamais eu de statue de Zeami ici. Il y a par contre un masque dans une salle attenante au temple, un masque de Bugaku – forme dansée dans les temples – que Zeami a porté pour danser une danse en l’honneur des dieux de la pluie qui a clôt un long épisode de sécheresse, mettant en réel danger les îliens. J’ai effectivement entendu parler de cet épisode qui s’est aussi passé au Shoboji où Zeami avait été envoyé après que le premier temple dans lequel il séjournait devienne trop peu sûr, à causse d’une guerre de clans. La Statue dont j’ai entendu parler aurait été faite par un moine – du vivant de Zeami – pour célébrer cet événement et qu’il reste inscrit dans les mémoires à tout jamais.

Le Bus d’un autre âge… dépaysement garanti ! Traversée de l’île d’Est ou Ouest

Il se peut que la Statue ait été déménagée… qu’importe ! Je suis venu pour aller au Shoboji et j’irai. Le temps de déposer les sacs à l’hôtel où Elise souhaite rester pour profiter de la mer et du farniente – la course folle engagée ce matin l’a laissée éreintée. Pour ma part, je repars vers le centre ville – à 20 minutes de marche de l’hôtel – et réussi à attraper un bus juste à l’instant où j’arrive. Il est 16h05, le bus de 16h04 a une minute salvatrice de retard. Je montre au chauffeur l’arrêt indiqué par la fille du centre d’informations et vais m’installer dans ce bus d’un autre âge. Le paysage qui déroule sous mes yeux entraîne encore une fois sur des terres lointaines et oubliées – la nette impression d’être entré dans un film d’Ozu ou de Kurosawa.

Ce n’est pas la route principale, non ! Mais une des routes que l’on voit de l’arrêt de bus du Shoboji

Il est 16h40 et je descends sur la route principale, à peine plus large qu’un chemin de campagne, avec autour de moi, au loin, des collines qui encerclent l’endroit. Il n’existe pas de panneau – le site n’est pas assez touristique sans doute ! J’avance à tâtons. J’essaye de repérer des toits de vieilles bâtisses, mais je ne trouve pas. Je fais demi tour et là, juste avant l’arrêt, une route qui monte vers une colline. Je me lance, j’avance. A quelques centaines de mètres, sur la droite, je vois un portail japonais. Je passe dessous, c’est un cimetière, mais sur la gauche il y a un temple. Il est 17h, une jeune femme passe. J’essaye de lui faire comprendre que je cherche le Shoboji et la Statue de Zeami, mais elle ne parle pas un mot d’anglais. “Koko Zeami” – Ici Zeami ?”. Elle fait demi tour et m’invite à la suivre. Derrière le temple, une dépendance apparaît. La jeune femme entre et m’invite à la suivre. Là, elle s’adresse à quelqu’un et lui explique quelque chose – en japonais. J’entends “Zeami” dans sa phrase. En me rapprochant, j’aperçois que la personne à qui s’adresse la jeune femme est une vieille dame. Elle est en train de faire du jardinage ou en tout cas, est habillée pour. Elle est avec une autre vieille dame qui a du être une femme superbe. La première a un visage doux et sucré, généreux. Ses deux yeux rieurs passent de moi à son amie.

Le Shoboji… lui-même

J’essaye de leur expliquer, je mime l’écrivain. Je mime le Shimai, la flûte, la Statue, Zeami. Elles rigolent et ne semblent pas pressées de me voir me dépêtrer de cet ambrouillamini. Puis finalement, la seconde me demande de la suivre. Nous ressortons. Elle m’amène à la porte du temple. Là, l’autre vieille dame réapparaît, de l’intérieur du temple, en nous ouvrant les portes coulissantes de papier. Je m’approche, mais reste dehors, sûr qu’ici comme ailleurs, on n’a pas le droit d’entrer. Mais non, elles me demandent d’enlever mes chaussures et m’entraînent dans les profondeurs du temple. Nous passons devant l’autel où médite un magnifique Bouddha et à sa droite, dans un renfoncement, elles ouvrent une autre porte de papier où est peint un pin millénaire. Elles tirent la porte et m’invite à entrer. On dirait une salle à manger, avec une table basse en son centre. C’est très peu éclairé. Et là, dans le coin gauche, une toute petite boîte. Elle va l’ouvrir et je découvre stupéfait, la statue faite du vivant de Zeami. Je l’imaginais à échelle, mais c’est une statue d’à peine 20 centimètres de haut. Je reste là, incapable de dire un mot. Je découvre le visage de ce vieil ami, grave, profond, bien plus beau que les dessins que nous connaissons de lui. Il est en seiza dans un beau kimono à manches très amples, les mains sur les genoux. Il porte son éventail à la ceinture. Je demande aux dames si je peux rester un moment. Elles acceptent et me laissent presque une heure seul avec lui. De temps à autre, une des deux passent sonner la cloche des quart-d’heures. Assis en position de méditation, j’essaye de tout lâcher, d’abandonner ma soif et ma faim et d’être juste là ! Simplement là à cet instant présent face à ce vieux génie. Je respire l’air qui circule dans ce temple et qui a vu passer tant de siècles. Après un long moment – 3 coups de cloche – une des deux femmes vient me chercher. Elle a dans sa main un vieux livre avec des photos de la Statue, de la pierre sur laquelle a dansé Zeami et que j’ai vu dehors, du masque et aussi quelques notes de sa main. C’est un cadeau pour leur visiteur ! Je les remercie et leur offre ma carte – je n’ai rien d’autre sur moi. Puis elles me font comprendre qu’elles veulent fermer le temple.

La Statue de Zeami dans sa petite boîte, salle secrête ou salle à manger du Shoboji

Première gardienne du temple… elle s’appelle Papagai… enfin, c’est comme ça qu’elle s’est nommée

Deuxième princesse gardienne du temple Shoboji… ma sonneuse de cloche des 1/4 d’heure

Il est 18h, je ne sais plus où j’habite. Je reste là un long moment. Je caresse la pierre sur laquelle Zeami a posé ses pieds, j’essaye d’entendre la musique, le rythme, l’histoire, puis fais le tour du temple. En regardant au loin – essayant de faire abstraction des maisons récentes qui sont là – je respire, avec les yeux et le coeur, le paysage qu’il voyait, lui, à 700 ans de là ! Et là, encore une fois, en finissant le tour du temple, je tombe sur… une école. Oui, juste à la gauche du Temple, une école comme au Kanze Inari Shrine ! “O Sensei ! Tu choisis bien ton entourage !” lui dis-je tout haut dans un long éclat de rire. C’est quand même surprenant non ? Deux endroits où il a vécu sont devenus des endroits où les enfants évoluent, grandissent et entament leur apprentissage. En tout cas, moi, ça me touche et me conforte dans l’idée que ce monsieur était un très grand maître et un être doué d’un rare souci du don, de la transmisson.

La pierre sur laquelle a dansé Zeami et qui a fait revenir la pluie. On voit son nom en Kanji en haut de la seconde ligne (la centrale) les deux premiers idéogrammes

… A suivre

(Il est trop tard aujourd’hui pour finir, mais la suite sera bientôt là… soyez-en sûrs !)

En avant première… quelques photos de la rencontre avec Zeami


Et oui, je n’ai pas eu le temps – et il m’en faudra, je pense – de vous concocté un compte rendu à la hauteur de l’événement : Ile Sado. Mais comme depuis quelques minutes, c’est mon anniversaire, je vous fais ce cadeau en avant-première. Quelques photos du Maître, images que vous ne verrez pas souvent.

Elles sont le fruit d’une jolie rencontre et de la sympathie des deux gardiennes du Temple Shoboji – un des deux temples où a séjourné Zeami pendant son exil – qui m’ont ouvert les portes aux trésors, portes fermées au public habituellement.

Ici, elles m’ont laissé me recueillir pendant près d’une heure, seul avec la statue du Maître… inoubliable instant de vie.

A très vite !






Nô, Musique Baroque et sur la route… La Baie de Suma

Eternel Grand Dragon du du Temple Higashi – Hongangi

Plus beaucoup de batterie…

Nous venons de changer de train à Tôkyô, il est 09h30 et sommes en route pour Nîgata. Plus qu’à quelques heures de l’Île Sado et de la statue de Zeami qui me montrera pour la première fois le visage de cet homme au côté duquel j’ai passé tant d’années.

Le train pour Nîgata en départ de la gare de Tôkyô… c’est Rose qui aurait aimé ça.

18%… je ne sais pas si cela sera suffisant pour vous raconter ce jeudi 30 juillet, étonnant jeudi.

Ce que nous savons, en nous levant, c’est que cet après-midi, nous avons rendez-vous avec Saco Sensei à Osaka pour l’accompagner à son concert où il sera entouré de quatre musiciens classiques, fans de musique baroque. C’est un événement que j’attends avec impatience depuis le premier cours de flûte où j’ai été invité. Le rendez-vous est fixé à 15h30 en gare d’Osaka. Ce qui nous laisse une matinée et un début d’après-midi de libre. Tant mieux, nous ne connaissons pas Osaka et c’est au bord de la mer, nous en profiterons pour aller nous baigner. Nous avons mis le réveil et c’est assez tôt que nous décollons. En vélo ou en métro ? Le train pour Osaka se prend à la Kyôto Station qui est au sud à vingt-cinq minutes en bicyclette… “Ok ! Va pour le vélo !” Comme ça je lui présenterai, au passage, messire le Grand Dragon du Temple Higashi – Hongangi qui se trouve à quelques centaines de mètres au nord de la Kyôto Station, donc sur la route.

Le Grand Dragon du du Temple Higashi – Hongangi accueille Elise


Le trajet est vite fait. Nous n’avons aucun mérite, c’est juste que dans ce sens là, c’est une grande pente douce. Nous voilà au Higashi – Hongangi. J’emmène Elise à la porte nord, celle par laquelle je suis entré la première fois. Je suis surpris du monde qu’il y a ce matin. Rien à voir avec l’espèce de rêve éveillé que j’ai vécu avec le Grand Dragon et Hideo où nous n’étions que trois à se partager la cour de ce temple monumental. Et pour cause ! L’énorme échafaudage qui couvrait tout le temple a été, depuis, démonté à moitié et permet l’accès au Hongangi. En dix jours, ils ont fini ce chantier qui semblait pourtant loin de l’être.

L’imposant Temple Hongangi


Passé cette première surprise, je lui présente le Grand Dragon et ressent exactement le même courant d’air intérieur que la première fois. Je crois qu’Elise lui plaît bien. Il la laisse laver ses mains à l’eau pure de sa gueule. Moi je zieute du côté des marches du temple…. “On prend cinq minutes ?” “Oui, on les prend ! Le temps d’enlever les chaussures – et pour moi les chaussettes… après avoir goûté au bonheur des pieds nus sur ces vieux planchers de bois, il est difficile d’y résister – et nous voilà déambulant dans ce temple imposant. Comme le dit justement Elise, le bois, ici très sombre, semble plus dur, plus froid que ce qu’on rencontre dans les temples habituellement. Comme si celui-ci était de chênes quand les autres sont de pins. Des sutra sont accrochés tout le long des couloirs qui mènent au temple – et que nous prenons à l’envers, bien entendu – et nous offrent leurs joyeuses maximes :

“It isn’t external things that restrict us ; it’s our minds attached to the things that restrict us.“ Ryôshun Nakano

Lampes avec des maximes en japonais… qui ouvrent la route vers le Amida Hall

Puis nous croisons un groupe qui semble aller à une cérémonie, accompagné de prêtres. Nous les suivons de loin ou plutôt notre balade qui nous emmène de lanterne en lanterne dans ce temple, nous pousse jusqu’au Amida Hall où nous retrouvons le dit groupe. Nous nous installons derrière eux en seiza et suivons les prières un long moment dans ce hall calfeutré et frais où les voix des prêtres se mêlent les unes aux autres.

Le Amida Hall du Temple Higashi – Hongangi…


L’heure tourne. Quand nous ressortons de là, il est 11h30. Nous filons à la Kyôto Station et nous apprêtons à prendre le train pour Osaka. Une idée me traverse… Osaka est une ville, une grande ville même. Jamais nous ne trouverons de plage à la sortie du train… So ! “We want go to the beach, but we need…” bref, j’explique tout à l’assistante de quai qui se montre très patiente et compréhensive. Nos rendez-vous, notre envie de mer et tout et tout. Elle nous note plein de choses sur un petit papier, avec un nom de station et quelques changements. Nous sommes censés mettre une heure et quart pour y aller et une demie heure de là-bas pour retourner à Osaka. De quoi faire “plouf” dans l’eau et “hop” dans le train. En même temps, le train est un bon moyen de voir le paysage et les ambiances des lieux croisés en chemin. Et figurez-vous que le premier changement se fait à Kobe ! Kobe est, je le sais, pas loin du tombeau d’Atsumori ! Au moment du changement, je prends cinq minutes pour filer voir s’il y a une statue dans la gare ou un centre d’information, mais rien. Tant pis ! De toute façon, aujourd’hui on a dit plage, on va à la plage. On remonte dans le second train et, au moment de s’asseoir, une voix se fait entendre : “Vous êtes français ?” “Euh… oui ! Je crois bien…” C’est lui aussi un gaulois expatrié en Australie depuis dix ans et vivant au Japon depuis deux ans. Il nous déconseille la plage indiquée par la fille de la gare et nous propose d’aller deux stations plus loin. En plus de profiter d’un environnement plus propice à la détente – la plage où nous devions aller est couverte de bars et de salles de jeu avec un jeune surfeur au centimètre carré – nous pourrons découvrir le plus grand pont suspendu du monde, j’ai nommé le “Akashi Kaikyo”. Ne me demandez pas comment s’appelle l’île qu’il permet d’atteindre, mais ce que je peux vous dire, c’est qu’il est énorme et fait quelques trois kilomètres huit cent de long. Le français sort du train deux stations avant nous… “Suma station”. “Suma ?! Vous avez dit Suma !!!!”, le temps de faire le lien il est déjà trop tard, mais dans ma tête les mots s’alignent : “Au bord de la mer de Suma, bien étroit, hélas, est le sentier qui mène à ma maison et en revient.” ATSUMORI !!!! C’est là ! C’est là qu’il a mené son dernier combat avec Kumagai. Si ! Si ! Entre les salles de jeu et le snack bar… juste là ! Le train reprend sa route. Qu’importe, notre plongeon dans l’eau n’en sera qu’un peu plus court : au retour, nous nous arrêterons à la Suma station.

le Akashi Kaikyo, plus grand pont suspendu au monde ! Il relie la baie après celle de Suma à…

Nous descendons du train, allons du plus vite de nos jambes vers la plage… “A la gauche du pont…”. C’est ça, oui ! A la gauche du pont, à trois kilomètres !!! Et nous avons, à tout casser, un quart d’heure. Nous en profitons pour abandonner notre course poursuite et nous asseoir à l’ombre de cet énorme pont suspendu, à côté d’une bande de vieux hommes qui jouent à un jeu de dames ou d’échec japonais. C’est bon de les voir, installés à l’ombre de ce pont géant et partant dans de grands éclats de rire suivis d’exclamations suraigues. Un autre regarde le jeu de loin, mais préfère le spectacle des bateaux qui passent – quand il y en a un qui passe – qu’il suit avec une paire d’énormes jumelles. Nous nous installons avec eux et mangeons les gâteaux de riz aux algues que nous avions acheté pour le déjeuner, puis nous les saluons et retournons vers la gare, le bruit des voitures passant sur le pont encore dans les oreilles.

« une bande de vieux hommes qui jouent à un jeu de dames ou d’échec japonais… »

A Suma, je file trouver un centre d’informations. Mais Atsumori ne leur dit rien. Ils peuvent m’indiquer le meilleur spot de vagues, mais “Ichi No Tani dans la baie de Suma”… non ! Le temps file et nous avons dix minutes pour savoir si oui ou non, il s’agit bien du Suma d’Atsumori. Elle finit par me sortir une carte et là, en bas, à gauche, je le vois : “Ichi No Tani” ! Je lui montre et au même instant, elle se tourne vers moi le visage victorieux : “Atsumori des” – C’est Atsumori – Et effectivement, là, sous son doigt, c’est bien écrit : Atsumori… Victoire ! Mais c’est à deux kilomètres de la gare et on ne fait pas attendre un maître japonais. Je prends la carte, j’entoure l’endroit et me tourne vers l’endroit entouré sur la carte pour lui dire que nous reviendrons vite. Nous sautons dans le train qui nous ramène à Kobe, puis à Osaka. Il est 15h20, nous avons dix minutes pour trouver le point de rendez-vous. Je remercie Elise qui, depuis qu’elle est là, m’a emmené deux fois par hasard sur mes chemins de quête. Je suis étourdi ; les hasards, au Japon, ça n’existe pas.

A l’ombre du Akashi Kaikyo

Saco Sensei nous attend sous la montre géante à la sortie nord de la gare d’Osaka. Il est, comme toujours, en tenue traditionnelle. C’est drôle de le voir ainsi au milieu de tous ces “occidentalisés”. Il nous propose de prendre un taxi et nous voilà, quelques minutes plus tard, dans une toute petite salle d’exposition, au premier étage d’une toute petite échoppe. Les autres musiciens sont déjà là. Il y a un clavecin et un nombre de flûtes impressionnant. Ce qui l’est d’autant plus, c’est qu’il n’y a pas deux flûtes pareilles ! La plupart sont des créations ; celles d’un homme qui accompagne leur travail de recherche et qui s’inspire de vieilles illustrations du moyen âge : flûtes dans des cornes de vaches ou de bouquetins, flûtes traversières, à bec, flûtes de toutes formes et de toutes tailles. Et bien sûr, notre Maître Saco et sa “Fue”. Le leader du groupe qui compose certains des morceaux qu’ils jouent – les autres sont des classiques européens – est un des élèves de maître Saco.

« La plupart sont des créations ; celles d’un homme qui accompagne leur travail de recherche et qui s’inspire de vieilles illustrations du moyen âge… »

Nous nous installons bien sagement et les regardons se préparer. L’un des deux flûtistes accroche des masques de Nô au mur, pendant que le leader avec la claveciniste répètent des passages difficiles. Maître Saco lui attend patiemment sur le côté. Il vient nous voir de temps à autre pour nous poser une question ou nous expliquer le programme. Quel genre de questions ? Du genre… il arrive avec sur une feuille de papier sur laquelle est écrit “François Couperin”, puis une autre avec “Claude Lelouch” et “Villeret” et, à chaque fois, nous demande la prononciation. Il a étudié le français à l’université et est passionné de cinéma français. “Ah bon ! Ca existe toujours le cinéma français ?” ( ça c’est moi qui le lui demande.. 😉 )

Puis c’est à son tour de jouer. Il se met en seiza sur une espèce de vieille banquette sans allure et commence à jouer. Je reconnais des passages de “Otoko Mai” – le morceau que j’apprends… le classique des passages dansés du Nô. Pour le reste, le mélange flûtes, clavecin et la composition de type “Musique Contemporaine” ne me conquis pas. Il y a des passages intéressants, mais de façon générale, la dissonance immanquable – chaque flûte de Nô est unique et n’est accordée sur aucune autre, seul les écarts de notes sont respectés – est poussée, à mon sens, là où elle est la moins porteuse. On dirait qu’il a essayé de recréer un ensemble de Nô avec deux flûtes de type occidentale pour le Kotsuzumi et le Otsuzumi et avec le clavecin pour la partition de Teiko – gros tambour posé au sol dans certains nô. Me voilà un poil déçu… mais Maître Saco reste en place, seuls les deux autres flûtistes quittent la scène. Ce qui se passe ensuite est incroyable ! Exactement ce que je voudrais arriver à extraire du Nô. Maître Saco commence à jouer, puis est rejoint par la claveciniste qui joue des accords plaqués, puis fait du corde à corde, mais avec la sourdine. On croirait entendre un Shamizen – genre de guitare à quatre cordes utilisée dans le Kabuki et le Bunraku. Ce que joue le maître est d’une puissance émotionnelle bouleversante. La flûte crie son désespoir, elle raconte son histoire de combat et de mort, de trahison et d’amour, de douleur. Puis, le rythme s’accélère, ça ne ressemble pas à ce que j’ai pu entendre dans le Nô, toujours soutenu par le clavecin. Quand ils finissent, nous sommes – Elise, le monsieur ressurgissateur de flûtes du passé et moi – médusés.

Le Clavecin dans la toute petite salle de concert. 25 places de choix ! et l’horrible banquette ou Saco Sensei prendra place tout à l’heure pour jouer.

Je me lève, je vais vers les partitions. Il me faut absolument savoir ce que la fille jouait et qui marchait si bien avec la flûte du Maître. Il s’agit en fait de la même gamme que celle dont on s’est servi pour écrire le chant du Moine Rensei dans Atsumori. Puis je demande à Saco Sensei si ce qu’il jouait était une création. Mais non, il s’agit de la danse d’Okina – un des plus vieux nô encore joué. Il me dit aussi que c’est une danse de Kyôgen. Je n’en avais encore jamais entendu. Je ne savais même pas qu’il pouvait y avoir de la musique Kyôgen ! Mais il me dit que ça existe pour certains kyôgen masqués. D’ailleurs, il jouera ce soir, une autre danse de kyôgen dans le programme.

Il est 17h30. Nous allons faire un tour avec Elise avant le concert qui débutera à 19 h. Osaka semble assez moderne. Ce que j’en sais, c’est que c’est la ville préférée de Murakami et que souvent les étrangers qui y ont séjourné aiment beaucoup cette ville, beaucoup plus que Kyôto ou Tôkyô par exemple. Mais ce n’est pas aujourd’hui que nous aurons le temps de découvrir Osaka. Juste celui de faire le tour de quelques pâtés de maison, de manger un bout et de boire un coup avant le concert.

Il est 18h30, la salle est transfigurée. Des chaises ont été installées partout, les spots, sûrement là pour les expositions, tournés vers la scène improvisée et notre équipe toute vêtue de kimonos comme dans le Nô. Ils ont d’ailleurs tous l’éventail traditionnel à la ceinture. Je ne saurai pas pourquoi, mais c’est sûrement une façon de montrer l’attachement à leur culture, même s’ils ont décidé de s’intéresser à la musique baroque européenne.

Nous entendrons les mêmes morceaux que ceux joués en répétition. Quelques fois, mieux joués, d’autres, un peu moins. Mais c’est un ensemble assez agréable et la musique médiévale et baroque – que je connais très mal – est assez mélodieuse et chantante comme la douce plainte d’une princesses tissant sur son métier le heaume de son aimé.

Maître Saco jouera deux morceaux seuls, un de Nô, un de Kyôgen, puis la création de son élève et enfin, pour le final, cette merveilleuse rencontre entre “Okina”, le clavecin et le 21ème siècle. C’est encore mieux que cette après-midi ! Et je vois bien que l’assistance est profondément d’accord. Il y là, c’est indéniable quelque chose d’important qui se joue et qui vient nourrir mon désir de continuer à chercher comment tisser les liens entre cette forme ancestrale et sacrée et notre monde. Parce que, ce que le Nô a à nous offrir, nulle part ailleurs, on ne peut le trouver.

Il est 22h00. Nous rentrons nous coucher. J’ai dans mon iphone la cavalcade de ce soir. Avec l’envie de me relever les manches et de plonger plus avant dans l’obscurité de ce monde qui m’appelle tous les jours un peu plus. Sûr d’y trouver un jour, une nuit, un trésor rare et unique, peut-être salvateur, en tout cas nécessaire pour moi.

Bonne nuit.

A côté du Akashi Kaikyo, cette maison surprenante. Malheureusement nous n’aurons pas le temps d’en savoir plus…

Shimai, Utai… et le reste ?

Bassin aux poissons du « Café » du soir, faute d’images du Shikibutai de Maître Michishige Udaka

Oui, le reste…

Les jours passants, la mémoire joue des tours. Et cet exercice – vous écrire tous les jours – aide à imprimer les événements plus profondément. Encore faut-il s’y tenir… Ma difficulté à trouver le temps de faire le compte-rendu journalier fait que les détails s’estompent et qu’il me faut plus de temps pour refaire surgir les images. Donc, le reste… Ah si ! Ca me revient ! Attachez vos ceintures… destination Japon, Kyôto, 29 Juillet 2009. 09h30, heure locale.

Ce matin, je décide de prendre un temps pour rattraper le retard pris dans la rédaction du journal de bord depuis l’arrivée d’Elise. Bien sûr, je travaille, aussi. Flûte, chant et danse sont au programme. Elise est là, bouquine, profite de ce moment de pause. Je voudrais passer à l’Institut Franco-Japonais pour en savoir un peu plus sur les démarches à entreprendre pour rester, mais finalement le temps court trop vite et comme nous ne sommes pas sortis ce matin, j’ai proposé à Elise d’aller au cours en vélo – donc de prendre le temps d’aller au shikibutai tranquillement.

C’est une longue balade d’une heure où, pour le coup, nous quittons l’axe est-ouest pour le nord-sud – le shikibutai étant tout au nord, aux pieds des hautes collines qui encerclent Kyôto. En plus, le trajet longe la rivière Kamo, enfin le bras le plus à l’est – porte-t-il un autre nom ? Nous pédalons, pédalons, pédalons. Et comme la dernière fois, les voitures ne sont pas très sympathiques avec nous. Du coup, nous prenons un maximum les trottoirs. De toute façon, nous sommes partis bien en avance et pouvons pédaler tranquillement, nous arrêter pour regarder un héron où une cascade à l’envie.

Nous arrivons au shikibutai avec une bonne heure d’avance. Du coup, nous nous installons, en face, sur le petit banc et sirotons un rafraîchissement en fumant une cigarette à l’ombre du grand arbre. Le maître arrive dans sa grosse voiture vers 15h30. Il nous voit, nous salue, puis entre dans le shikibutai. Devons-nous le suivre ? Je presse Elise, je me dit qu’il doit préférer qu’on vienne tout de suite, que ça doit se faire comme ça…

Nous entrons. Déposons nos chaussures, faisons glisser la porte coulissante : “Yoroshiku Oneigai Shimas”, front au sol – c’est ce qu’on doit dire et faire quand on salue un maître. Lui est dans la cuisine, sur le côté droit du Shikibutai. Il sort la tête. Il a de la mousse à raser jusqu’en haut du nez. Il semble de bonne humeur. Rebecca et la fille allemande sont déjà là et rigolent. C’est vrai qu’avec sa mousse à raser, on dirait un clown. Il finit de se raser, sort de la cuisine, vient vers Elise et lui tend la main. Il aime saluer à l’occidentale, je crois… Puis il se change – il rajoute sur son kimono long un hakama. Pendant qu’il fait ça, il nous demande ce que pensent les français de l’Enfer. Je lui explique que peu y croient. Ils n’en revient pas : “ Mais où vont-ils alors, après, quand ils sont morts ?” “Nulle part…” Il nous parle de l’enfer des guerriers : l’Ashura et revient sur Atsumori, nous dit qu’il pense que son esprit est toujours là-bas et que nous devrons travailler dur encore si nous voulons qu’un jour il quitte cet enfer pour rejoindre les âmes venues et à venir.

Il semble fatigué. Son rhume, déja bien présent hier, s’est amplifié. Il appelle Rebecca. Aujourd’hui, c’est elle qui travaille en premier. Elle vient le rejoindre sur le shikibutai et pendant qu’elle s’installe, le maître pioche un des masques qu’il est en train de sculpter et le met dans les mains d’Elise, puis repart, sans un mot, se mettre en place. C’est un cours de Kotsuzumi – tambour d’épaule… le maître comme tous maître de Nô connaît tous les arts du Nô, même si sa place est celle du Shite. Le cours dure un bon moment. Le maître chante et frappe de son éventail les temps du Teiko et du Otsuzumi – tambour posé au sol et tambour de hanche. De temps en temps, il s’arrête, reprend Rebecca, puis repart. Il n’y a jamais de longues explications. On fait, on refait, on rerefait. On regarde, on écoute, on observe. C’est ça, la technique d’apprentissage.

Puis, c’est mon tour. Comme la veille, nous faisons les exercices de chant, puis chantons… mais sans le maître. Il y a la fille allemande, un autre élève allemand qui débute et moi. Le maître nous laisse faire deux ou trois fois seuls, puis vient et chante avec nous. Quand chacun à chanter le rôle du Shite seul, nous passons au Shimai.

Le maître décompose la fin du Shimai, puis demande à Rebecca et à la jeune fille allemande de le remplacer. Nous travaillons comme les ombres de ces deux shite qui connaissent cette danse parfaitement. Nous déroulons la danse une bonne dizaine de fois. Profitant d’être sans le maître pour repasser juste des endroits, une fois, deux fois, trois fois… jusqu’à ce que ça rentre ! Puis nous dansons la danse complète avec le chant. Du début à la fin. Un bon nombre de fois. Quand c’est l’étudiant allemand qui danse, je rejoins la jeune allemande au choeur et inversement. Il est sept heures – le maître s’est absenté, il est allé chez le médecin – nous avons dansé deux heures et j’ai le sentiment d’avoir bien avancé. Nous prenons le chemin du retour toujours sur nos montures que nous laissons nous perdre – Kyôto étant une ville construite autour de rues agencées en parallèles et perpendiculaires, se perdre n’est jamais très périlleux – au gré des rues que nous croisons. Du coup, nous rencontrons un temple à la nuit tombée dans un parc et quelques autres merveilles et dépaysageries.

Le « Café », autre vue… au milieu toujours les poissons

Il est 20h00, nous arrivons à peine. Ce soir, nous irons manger dans ce café que j’ai découvert en revenant de la maison imaginaire de Zeami l’autre soir. Et nous avons bien fait ! Le cadre était vraiment charmant, nos hôtesses – une femme et sa vieille mère – adorables et le repas – accompagné de café… et oui, c’est un café – à la hauteur. En plus, il y a ce magnifique bassin au centre du café avec tous ces poissons qui s’ébattent, nous accompagnant dans notre repas de jolis bruits d’eau. C’est Rose qui se plairait ici…

« C’est Rose qui se plairait ici… »

C’est drôle le nombre de restaurants comme celui-ci. Il semble n’y avoir jamais personne et pourtant il est onze heures et la boutique est encore ouverte. Avec dans la soirée quatre clients : deux filles venues manger une glace et boire un café et nous qui avons mangé. Je me demande comment ils survivent… là quelque chose m’échappe. Mais les deux femmes n’ont pas l’air inquiet et commencent tranquillement à faire leur ménage pour nous faire comprendre qu’il est l’heure de quitter la place.

Interneto et dodo.

P.S. Désolé pour l’absence d’images, mais au Shikibutai, il n’est pas bon ton de faire des photos à tout bout de champs surtout quand on est dessus.