On the Hikari… direction Kyôto

Je rentre dans cet immeuble et aperçoit sur la gauche une salle pleine de tatamis… ce doit être ici !

Il est 10 h 47 chez vous et ici, 17h46. Dans moins de deux heures maintenant, je serai à Kyôto, première base de mon voyage. Je dis “base”, parce que dans un premier temps, je n’y serai pas beaucoup. Etonnamment , je ne suis pas trop fatigué. Pourtant le passage éclair à Tôkyô n’a pas été de tout repos. En effet, après avoir choisi la gare de Tôkyô (c’est un quartier de Tôkyô) pour laisser mes bagages à la consigne – j’aurais préféré aller à Shinjuku, mais le départ du Shinkansen pour Kyôto se faisant à la gare de Tôkyô et mon premier rendez-vous avec Maître Udaka étant à Ganda, à une station de Tôkyô, je préfère m’arrêter ici – je fais une petite toilette dans les toilettes publiques qui n’ont rien à envier à nos plus belles salles de bain privées et hop ! je laisse mes bagages à la consigne. Attention, il faut prendre de sacrés repères. Ces gares sont des villes à elles toutes seules, un peu d’inattention et ce sera le cauchemar pour retrouver sa consigne au milieu des centaines d’autres qu’on peut trouver aux quatre coins de la gare. Donc… après avoir laissé mes bagages à la consigne automatique (un coup de Suica card, carte de métro Tôkyôïte qui sert à tout et qui a un numéro propre assurant à votre consigne de ne pouvoir être ouverte par uen autre carte que la vôtre), je file à Harajuku pour acheter un téléphone cellulaire histoire de prendre contact avec Rebecca Ogamo, l’assistante du maître qui attend de savoir à quelle heure j’arriverai en gare de Kyôto ce soir. Je vais au plus grand magasin de la Softbank (genre de Orange japonais) et commande un prépaid. Je m’en tire pour 11 000 yens avec 3000 yens de communication et une adresse mail attachée au téléphone (pratique pour relever ses mails quand on sait qu’ici le wifi est assez rare). La fille qui me sert est très sympathique, mais lente à en mourir et me voilà obligé de courir toute la ville pour arriver à l’heure à mon premier rendez-vous avec Maître Udaka. L’adresse 1-1-3 Uchikanda. Si si, c’est comme ça ici et avec un an de non exercice, je peux vous dire que c’est un sacré challenge. Il s’agit en fait de quartiers, puis de pâtés de maison, puis de maison dans ce pâté… le bordel ! Heureusement, les japonais sont toujours aussi serviables et je finis par arriver à bon port et à l’heure. Je rentre dans cet immeuble et aperçoit sur la gauche une salle pleine de tatamis… ce doit être ici ! Je rentre et oui, c’est bien là. Je me déchausse et pose mes souliers dans un casier prévu à cet effet et découvre une salle pleine de tatamis avec de grandes bâches bleues sur lesquelles sont installés des présentoirs en bois. Les gens commencent à arriver et me parlent… en japonais ! Heureusement, dans le lot, il y en a qui parlent quelques mots d’anglais. “Non, non, je ne suis pas journaliste. Je suis acteur et je viens suivre un stage avec Maître Udaka”. Et le voilà justement le Maître Udaka. Il me toise. Sympathiquement, mais sûrement. Il est très grand et a fière allure. On voit le samurai ou le seigneur de guerre au premier coup d’oeil. Il a quelque chose de très doux et de posé, mais en même temps il tient la distance. C’est un maître ! Les élèves eux sont curieux et viennent me voir. Chacun me montre son travail, son masque, où il en est par rapport à son voisin. Untel est plus avancé, l’autre débute. Maître Udaka fait le tour de tout le monde et dit à chacun quelques mots. Sa voix…. sa voix est très profonde, grave et chaleureuse. Une voix incroyable. Ouah! Moi qui voulais un maître et bien me voilà servi.

Ko-Omote, la plus jeune femme (excepté Magojiro, création de la famille Kongo). A gauche, une ébauche du Maître.

Quand tout le monde est arrivé, le maître s’installe au fond de la salle sur une partie où les tatamis sont surélevés d’une cinquantaine de centimètres (comme dans les salles d’audience des chateaux féodaux) et commence à se concentrer. Tout le monde l’imite, sauf dans ses premiers mouvements qu’il fait caché dans son kimono. On ne voit pas ce que font ses mains. C’est sûrement l’enseignement zen ésotérique et secret qui ne se donne pas. Ensuite, tous en seiza, nous méditons une quinzaine de minutes. Puis nous finissons par un échauffement assez simple, fondé sur la respiration. Entre le zen et le yoga. Après son signal, tout le monde s’arrête et commence à travailler à son masque. Maître Udaka leur a donné à chacun des gabarits en carton. Ils taillent, sculptent et reviennent sans cesse à ses gabarits pour voir s’ils sont loin ou pas du dessin à faire apparaître. Maître Udaka passe de l’un à l’autre, reste avec chacun un long moment. Il prend l’ébauche de masque, les ciseaux et aide, rattrape ou finit de donner la vie au masque. Quand il attaque cette phase là (sur les quelques masques les plus avancés) c’est un concert de “Wouah ! Oh! Ah !”. Chacun y va de son petit cri et félicite l’élève qui a fait le masque. Sur une table, deux élèves en sont à la peinture. Il s’agit d’encres de chine frottées dans l’eau. Là aussi, Maître Udaka vient. C’est lui qui fait le mélange. Sans dire un mot, il passe son mélange d’un bol à l’autre, rajoute un peu d’eau, un peu de noir, un peu de marron, passe son jus dans un tamis, le re-sépare , etc. C’est très méticuleux, l’atmosphère e.st à la concentration. Il est 15h30, cela fait deux heures et demi que je suis là au fond, assis en seiza quand Maître Udaka m’appelle enfin. Je viens à côté de lui qui continue à travailler, à surveiller les travaux de ses élèves. “Pourquoi voulez-vous faire du Nô avec moi ?” Oufffff ! Ca y est, c’est l’interro et je sens que la fatigue me rend fébrile. Je ne sais plus un mot d’anglais, mais il le faut, je me lance. “Et bien voilà, il y a 16 ans maintenant, j’ai vu Matsukada avec le Iemoto Kanze et il s’est passé quelque chose d’extraordinaire “surnatural”, je me suis vu avec les esprits de ma famille, les morts. Depuis, je n’ai de cesse de vouloir comprendre ce qu’il s’est passé et d’enrichir mon théâtre de cette dimension qui n’appartient pas du tout à notre théâtre.” Vas-y dire ça ! Maître Udaka rit de me voir peiner avec les mots et ne montre à aucun moment de l’intérêt ou de la sympathie. Mais je tiens bon. Puis il me dit : “nous nous verrons à Kyôto”. Ca y est, c’est fini. Il repart voir un autre élève. J’en profite pour lui demander de prendre congé, afin de ne pas rater mon train. Il rit à nouveau : “mais ne m’avez-vous pas dit qu’il était à 17h ?”. “Si ! Si… mais moi, pour retourner là-bas, trouver ma consigne, prendre le train, il me faut bien ce temps… et puis, je n’ai pas mangé depuis l’avion à 6h00 ce matin… mais je ne dis rien, je m’excuse juste et m’éclipse.

le maître s’installe au fond de la salle sur une partie où les tatamis sont surélevés d’une cinquantaine de centimètres…

J’ai compris aujourd’hui que les masques aussi étaient fait en Hinoki (Cyprès japonais) et qu’ils les laissaient grandir au moins 250 ans avant de couper les tronçons qui servent à faire les masques. Puis ils passent une vingtaine d’années dans l’eau et je ne sais plus trop quoi d’autre. Bref, le bois à 300 ans quand il est touché par les couteaux du sculpteur. C’est pour cela que l’esprit est déjà là et qu’il faut y faire attention. Ne pas le brusquer, ne pas le faire partir, disparaître. Voilà. Du coup, j’en ai pris quelques copeaux. Ils sont souples et humides, rien à voir avec nos copeaux de chêne des masques d’Etienne Champion.

Dans la gare de Tokyo – « Smocking Area »

Il est 11h28 chez vous et 18h27 ici. Je n’ai pas mangé, j’ai le dos en compote d’avoir passé ces quelques heures en seiza et là dans le train à écrire. Alors, j’arrête. Et je vais regarder dehors à quoi ressemble ce Japon que je traverse depuis une heure sans avoir levé le nez.

A demain

Arrivée à Narita


Ca y est !

Il est deux heures du matin chez nous et ici pas loin de 9 heures. Je retrouve les habitudes. Première cigarette après onze heures de vol dans cette cabine où je fumais déjà ma première cigarette nippone, il y a plus d’un an lors de mon premier voyage. Il y a là quelques français et je goûte cette langue pour la dernière fois avant longtemps. Après, il s’agit d’aller échanger mon reçu de Railpass contre un “Japan Railpass “ en bonne et dû forme. C’est Narita, il y a beaucoup de monde qui attend au guichet de la JR, me faisant rater mon premier Narita Express pour Tokyo. Que m’importe… J’ai le sourire de celui qui se sait arrivé et qui ne peut plus reculer, ce qui adviendra adviendra. C’est bon de se retrouver ici, enfin. Je laisse filer entre mes dents ce nom : Mototsugu et je sens bien qu’il est heureux d’être de retour chez lui.


Ah si ! Une chose me fait râler… je viens de me rendre compte que j’aurais dû faire le change ici. J’ai perdu sur les 3000 euros changé, à peu près 45 000 yens, soit presque 500 euros. C’est une grosse somme, vraiment. Ici, le yen s’échange à 130 y contre 1 euro, en France… entre 110 et 120 yens contre un euro.

Le programme de ce matin… trouver un comptoir Softbank pour acheter un portable local, un “prépayé” qui permet d’acheter des recharges. Puis trouver un appareil qui me permette de faire des photos et de filmer. J’aurais dû avoir mon nouvel iphone qui se serait chargé de tout cela, mais il n’est pas arrivé. Ca ne sera pas une mince affaire de trouver du matériel compatible mac. Surtout ici au pays de Sony !

Donc… premier arrêt à Shinjuku où je mettrai ma valise dans une consigne, puis direction Harajuku pour trouver le téléphone. Suivant ce qu’il permet de faire, soit je vais à Nakano pour acheter un appareil me permettant de filmer et de faire des photos, soit je me promène en attendant le premier rendez-vous avec Maître Udaka. Je le retrouve à 13h à l’Uchikanda Shukaishitsu, station Otemachi pour suivre sa classe de “carving mask” et le rencontrer. Puis je pars à Kyôto où je suis attendu ce soir par Ogamo Rebecca Toole, l’assistante américaine de Maître Udaka. Une grosse journée… heureusement que je suis “de la nuit”, du coup le décalage horaire dans ce sens-là ne me coûte pas trop. Nous verrons ce soir dans quel état j’erre. A suivre…

A la rencontre de Nobuko Albery, J-6

Cela fait un moment que je ne suis pas venu ici. Les mois de juin s’accumulent et se ressemblent, me prenant chaque fois tout le temps et l’énergie dont je dispose, pour me laisser exsangue et l’âme un peu perdue.
Pourtant, il s’y sera passé des choses cette année.

Premier texte non-nô sur la scène de nô avec cette troupe de jeunes que je voudrais pouvoir retrouver la saison prochaine.

Rencontre avec Nobuko Albery et son mari, deux êtres d’une rare finesse et d’une grande culture, avec lesquels je voudrais pouvoir passer encore mille et une soirées à refaire le monde.

Résultat de mon dossier pour la Villa Kujoyama… négatif ! Cuisant baiser de l’échec et remise en question d’un programme sur deux ans. Alors, respirer… simplement respirer et reprendre le chemin là où il est, pas là où l’on aurait cru qu’il aurait pu être. Pas à pas.

De la technique, tant de technique. Beaucoup d’heures, quelques sous. Nécessaires ! Et pourtant si blessant… me rappelant sans cesse mon incapacité à vivre de la mise en scène, de l’écriture et du jeu.

Et puis ce départ qui approche. Là, juste là. Si coûteux, si flou. J’ai peur, un peu. J’ai hâte, un peu. J’y vais, bientôt.

Voilà, un résumé.

Leçon de Dario Fo – un zanni (valet souvent joué avec le masque Arlequin, Brighella ou Polichinelle)

En cherchant une image d’un masque de Pantalone de qualité, je me suis promené un peu… évidemment, la balade est parti de Amleto Sartori, en passant par Georgio Strehler, Jacques Lecocq, Erhard Stiefel et l’incroyable Dario Fo. J’ai du coup ramené une petite vidéo de ce monsieur, très grand acteur de masque qui nous partage là une petite histoire d’Arlequin devant un public universitaire médusé. Pour les jeunes acteurs, Dario Fo est une mine d’or, étant qu’il a été beaucoup filmé. Ca donne une idée de là où le jeu s’amorce ! Et ça nourrit, je pense, l’imaginaire vocal, musical et gestuel…

Ouvrez grands vos yeux et allez voir sur Youtube les autres vidéos montrant le grand Mr Fo !

L’illusion Comique de Corneille – Scène du Bac – Mélissa

Masque de Pantalone fait par Amleto Sartori

Le 11 juin 2009.

Travail avec Alexandre à ma demande sur L’ Illusion Comique de Corneille pour ma scène du bac : scène 1 de l’acte IV. Isabelle.

« 11 heures…

Quelques pas les pieds nus, quelques roulades au sol, et une première rencontre avec l’espace, le lieu, la forme, l’odeur, l’ambiance…Je dis bonjour, du mieux que je peux, à cette journée qui s’annonce, un peu dans la peur, mais surtout dans l’ouverture, vers du nouveau.

Alexandre commence par me parler un peu globalement du théâtre, son importance, sa conception qu’il met en parallèle avec celle du théâtre des Ateliers, sa manière de travailler, et d’être face au travail. Le plus important : s’amuser, trouver du plaisir, ne pas se mettre en danger en confondant le personnage que l’on joue avec son âme propre, ne pas lui faire du mal. Raconter une histoire, de cœurs à cœurs, d’enfants à enfants. Alors moi je prends, j’intègre comme je peux, j’ai des images qui me viennent, j’écoute, je coule.

Sa proposition pour ma scène est donc la suivante : dans un premier temps tenter de définir le mieux possible un cadre autour de ce texte que nous avons. Quel temps fait-il, où je suis, le « qui je suis » ne viendra pas tout de suite car Alexandre me dit qu’il ne veut pas m’enfermer d’emblée dans un personnage dans lequel je n’aurais pas, ou plus, de place, d’invention. Laissons donc le temps s’en charger, si personnage il doit y avoir, personnage il y aura..

Le plus important ici est bien de faire parler la petite fille de trois ans et demi assise à côté de moi, car c’est elle et elle seule qui a la possibilité d’aller toucher les autres petits enfants, assis aux côtés de chacun des spectateurs. Alors après avoir dit bonjour à ce lieu, je dis bonjour à la petite fille. Elle a l’air fâché pour l’instant.

La première proposition qu’Alexandre me fait, après avoir lu et relu le monologue d’Isabelle, est d’écrire une lettre à mon père. Je suis une petite fille aux environ de 10 ans, je sors énervée d’une engueulade avec lui et je rentre dans ma chambre en colère. Je tente. J’essaye de réfléchir le moins possible, d’y aller sans me regarder. Comme souvent, je suis partie dans l’excès et me suis fait mal à la gorge. De plus, on ne comprend pas tout ce que je dis. Alexandre me dit de faire attention à la crédibilité que peut avoir l’écriture de la lettre : si j’écris sur du papier froissé, quel sens cela a ? Tout comme si je jette la première page de ma lettre et que je continue sur une autre, ça n’est pas très compréhensible. Puis une dernière chose intéressante : je dois faire attention à ne pas faire peur au petit Alexandre de trois ans et demi. Lorsque je me suis énervée, j’ai tapé mes pieds au sol d’une manière assez violente, forte. Lui, il a eu mal pour moi, il a eu peur, il s’est enfui. Tandis que si j’avais crié un bon coup, ou fait un geste plus significatif comme claquer la porte derrière moi, sauter, il aurait compris que j’étais juste en colère.

Après ces quelques remarques, c’est reparti, mais cette fois (dans l’idée de départ) j’écris ma lettre à Clindor, mon amoureux. J’essaye d’être plus précise avec le papier, je n’écris pas tout de suite, je le déchire après qu’Alex m’ait dit d’imaginer qu’il représentait mon père. Je le mange, l’éparpille, le jette. Je n’ai pas senti l’écriture venir, alors j’ai dessiné les mots, j’ai dessiné ma tendresse à Clindor. Dans la haine pour mon père, le souffle m’est venu, le jeu aussi, je me suis plus amusée, j’ai joué avec ces petits bouts de papiers, avec mon « père » en mille morceaux. Les retours d’Alexandre sur ce passage furent variés : tandis que je trouvais vers la fin un jeu intéressant, je me suis perdue dans la globalité de mon adresse, de mes gestes et de tous ces petits papiers. Ou bien je n’en prends qu’un seul et je lui parle, ou bien je les rassemble tous, ou bien encore j’en fais des marionnettes. Mais je ne peux pas parler à un, puis à un autre, puis encore à un autre…c’est trop confus, on ne me suit pas.

Autrement, Alexandre me dit de faire attention aux liaisons et à la mélodie qu’elles imposent d’elles-mêmes, à la rythmique du texte et de mes gestes. S’il est difficile pour moi de crier sans me faire mal, pourquoi pas imaginer une colère muette, blanche, sans voix qui en sort…plus les minutes passent, plus j’apprends, et plus j’apprends, plus je me remplis..

Dernière proposition d’Alexandre avant qu’on ne mange : je n’écris plus mais je parle à mon doudou le serpent. Il est mon confident et lui parler me permet de me poser dans ma voix, de mieux comprendre ce que je dis, de l’adresser à du concret, et surtout de me laisser traverser par le texte de Corneille, y apporter mes propres images. Et encore je pense que ce n’est que le commencement . J’ai tout de même écrit à Clindor en prenant mon temps cette fois, mais j’ai tellement déconnecté avec la réalité que je ne me souviens plus de ce que j’ai fait exactement dans ce moment là, ni de ce qui a pu en ressortir. Un jeu avec le serpent s’est ensuite fait de lui-même face à la porte de ma chambre, et c’est de par sa bouche que j’ai adressé ma colère au paternel.

Il est 13 heures, nous allons manger. Je suis un peu sonnée, la vie active me paraît loin, seul le présent garde une place. Plus de passé, plus de futur, le temps d’un retour à l’essentiel.

Nous revenons, il est deux heures moins le quart. On fait un autre essai avec le jeune serpent qui m’attend, tel un orphelin abandonné et triste. C’est là que j’apprends qu’il n’a pas de nom, alors je compatis. Mais là je suis perdue. Je le dis, mon ventre est noué, c’est difficile de repartir et de franchir cette porte. Je crois que je pense trop. Ma seule et unique porte de secours fut ma confiance en Alexandre. Je n’aurais pas pu autrement, il me demande de ne pas oublier ma petite fille. Il me donne deux consignes de plus que tout à l’heure : j’ai devant moi mille personnes, mon adresse doit aller plus loin, maintenant que le texte m’a traversé. Et mes postures doivent être plus frontales, plus décidées, plus dessinées. Au milieu de ce travail, il m’interrompt et me demande d’aller ouvrir une fenêtre de ma chambre et de parler à Clindor, qui est dans la prison d’à côté. Je crie, je lui parle, bon.

J’applique les consignes, me dit-il après, mais je reste trop à l’extérieur à défaut de raisonner plus dans mon intérieur. Il est vrai qu’il n’est pas facile pour moi d’adresser au lointain tout en restant en connexion interne. Je me suis moins sentie partir que tout à l’heure.

Après un petit temps de réflexion, de pirouettes dans les pensées et de cacahuètes dans les idées, premier exercice du MASQUE. J’ai choisi de travailler avec Pantalone.

Que dire de tout ça, si ce n’est que cette première approche avec le travail masqué fut remplie de joie, de plaisir, de liberté. Elle m’a permis à aller à des endroits inconnus jusqu’à lors, je n’étais plus moi, quelqu’un d’autre y était rentré, et même s’il restait mon « essence » de vie, mon âme, c’est cet « autre » qui m’a permis de voyager dans des contrées lointaines, dans une forêt maudite, dans le cœur d’une vieille sorcière sans amie et toute pleine de solitude.

De l’intérieur, c’était merveilleux. J’ai fait un très beau voyage. J’ai pu avoir une vision des « traditions » du travail du masque, Alexandre me posait des questions, je devais attendre 3 secondes avant de répondre, et dire merci à chaque fois qu’il rigolait. Je n’ai même pas eu le temps de penser, à partir du moment où Pantalone fut sur mon visage, je me suis envolée dans les nuages d’une autre vie. Etre quelqu’un d’autre libère énormément, et c’est par la voix de cette sorcière sans nom lettré, que j’ai pu revisiter le texte de Corneille. Alexandre m’a demandé de le lire en racontant une histoire à une foule de spectateurs. Ma voix, mes rires, mes gestes, mes sentiments, tout venait de soi-même ! Parfois, je m’arrêtais pour dire à Alexandre combien je trouvais ça triste. La Mélissa, je ne sais ce qu’elle pensait et je m’en fiche, mais cette sorcière, son émotion, je la sentais si fort dans moi… elle n’avait pourtant jamais fait de théâtre de sa vie, mais je crois que c’est une tragédienne née.

Je garderai de ce moment un souvenir très fort de sens et de découverte…le lien avec le reste du monde avait perdu de ses barrières, la liberté d’être…simplement la liberté d’être. Le retour à la réalité après, fut beaucoup moins évident, je me retourne, j’enlève le masque, la sorcière s’envole au loin, et je me retrouve là, seule, je n’ose plus parler car j’ai peur de la voix qui va en sortir. J’avais tissé un lien avec Alexandre qu’il fallait assumer autre dans la réalité aussi, et ce n’est pas en deux minutes que cela peut se faire.

Le plus étrange restera cette sensation d’être quelqu’un d’autre, vraiment quelqu’un d’autre.

Même si je n’ai à aucun moment eu peur de perdre la « vraie Mélissa », je demeurais très loin d’elle, très très loin…et je trouve cela merveilleux. Encore merci. Belle vie. »

Mélissa.

La Provence – Article sur Dom Juan au Théâtre Nô d’Aix-en-Provence


LA PROVENCE – 12 JUIN 2009

 » THÉÂTRE : « Dom Juan »

DANS L’ESPRIT DU NÔ …

Un grand classique de Molière revisité par des apprentis acteurs.

À l’occasion du Printemps du Japon en pays d’Aix, les élèves du lycée Cézanne ont présenté au théâtre Nô, la pièce de théâtre Dom Juan. À la mise en scène, on a pu retrouver Alexandre Ferran, directeur artistique du Studio du Soleil. Et pour se jouer dans cet espace singulier où les règles de jeu sont différentes de celles du théâtre occidental, cette version est partie du présupposé suivant: Don Juan est déjà mort. Néanmoins, le texte n’a pas été changé pour autant et a été joué dans son intégralité.

Par ailleurs, les personnages étaient habillés de kimono fastes et superbes et ont emprunté les codes de déplacement et de gestuelles propres au Japon traditionnel.

Le professionnalisme des comédiens en herbe, soutenus par Alexandre Ferran et la chorégraphe Élisabeth Ciccoli, a donné à cette pièce un aspect japonisant et a permis de clôturer en beauté le festival. « 

G.F.

Départ pour Kyôto le 10 juillet… enfin : apprendre quelques bases du Nô

Et oui, le départ est fixé, les billets trouvés et l’aventure qui s’apprête à voir le jour sera une importante. Depuis 1994, date où j’ai découvert le Nô avec le Iemoto (maître) Kanze à la Villette en compagnie d’Erhard Stiefel, je n’ai eu de cesse de lire, étudier, chercher, mettre en jeu tout ce que je pouvais sur ce sujet.

L’année dernière, pour la première fois, j’ai pu aller au Japon grâce à la Maison du Japon en Méditerranée, ce qui a déclenché une petite cascade d’événements, dont l’un des plus importants : ce rendez-vous du mois de juillet avec Maître Udaka (représentant de la branche Kongo). Au programme : Shimai (danse à l’éventail), chant, cours de flûte, facture de masque, accompagnement lors des spectacles (en coulisses… si, si.) Et puis, visite de Kyôto sur les traces de Zeami et de Kanami pour avancer à la rédaction des « Démons du Nô ». Pour couronner le tout, nous rejoindrons, le 10 août, Maître Nomura Mansaku (Trésor Vivant), maître de Kyôgen, pour un stage de 10 jours à Tôkyô.

Bien sûr, cela n’est pas gratuit et j’ai de grandes difficultés à réunir les fonds pour le départ, ayant été laissé de côté par l’AFDAS (organisme qui paye les formations des gens du spectacle) qui, après m’avoir fait longtemps espérer, m’a fait dire qu’ils ne pouvaient prendre en charge un stage à l’étranger : « vous comprenez… on ne sait pas si vous suivrez bien le stage et si vous n’irez pas plutôt à la plage !  » D’une, il n’y a pas de plage à Kyôto et de deux, organiser un stage comme celui-là (je suis l’unique stagiaire et ai participé à l’élaboration du programme avec les japonais, ce qui n’a pas été simple) quand on sait ce que je fais depuis des années autour du Nô, du Théâtre Nô d’Aix-en-Provence et ce qui pourrait découler de ce voyage (pièce de théâtre sur Zeami et Kanami, Villa Kujoyama, Stages avec les acteurs japonais autour des adaptations des textes de Nô pour du théâtre contemporain), c’est tout simplement d’un mauvais goût certain que d’aller se réfugier derrière ce prétexte fallacieux.

C’est pour cette raison que j’ai lancé un SOS sur la toile : « A la recherche de 4000 euros pour apprendre le Nô », me permettant de payer les deux stages, la vie sur place et les déplacements (j’ai perdu mon statut d’intermittent le mois dernier en travaillant sur le Dom Juan et ne peux donc compter sur les assedic pour amortir ces frais)

Je ne sais pas encore ce que je ferai en échange… je cherche et suis ouvert aux idées. Ce qui est sûr, c’est que je ferai un maximum de photos, de vidéos et de prise audio + un journal écrit de ce qui sera abordé sur place. Peut-être alors un blog privé pour ceux qui ont participé ou encore un journal PDF (possiblement imprimé si tout le monde rajoute quelques euros ;-), mais nous verrons cela au retour…)

Je peux aussi, en échange d’une somme plus conséquente, venir à mon retour du Japon, assuré une conférence sur ce que j’ai appris ou sur ce voyage.

Vendre des dessins, des photos… je ne sais pas moi…

Vous avez des idées ?

En tout cas si vous souhaitez m’aider, vous le pouvez en mettant 10 euros sur mon compte paypal (si 400 personnes le font, je pourrai faire ce voyage) ou en vendant une photo, un dessin ou quoi que ce soit d’autre pour cette cause… individuelle, mais qui a su profiter à quelques personnes ces dernières années.

Merci d’avance !

Alexandre

Photos de Dom Juan au Théâtre Nô – Représentation du 6 juin – Festival Le Printemps du Japon


Les photos de Drichos du Dom Juan sont sur l’album Picasa… si vous n’avez pas pu venir, allez y faire un tour, ça donne une idée… pour ceux qui y ont été, ça réinvite au voyage… l’espace d’un instant.

Bonne balade (cliquez sur l’image ou le titre du post pour aller sur l’album)

EDIT : J’ai retiré les photos de l’album PICASA, à cause du téléchargement non modifiable. Pour voir les photos pour l’instant, il faut se rendre sur le site de DRICHOS : http://www.drichos.com

Dom Juan dans le cadre du Festival  » Le Printemps du Japon »

Ca y est ! La billetterie est ouverte. Vous pouvez d’ors et déjà vous procurer les billets pour la représentation de Dom Juan du 6 juin au Théâtre Nô d’Aix en Provence sur le site de la Fnac.

Si vous souhaitez plus d’informations ou partager cet événement sur votre facebook, allez faire un tour sur le site de l’Agenda Culturel.

J’espère que vous serez nombreux et que nous pourrons nous rencontrer après le spectacle.

A très vite.

Magojiro et empêchements…

Entouré de silence, comme si tout était en suspension !

J’attends tellement de mots et d’actes, tellement. Il faut croire que ce n’est pas le moment. Il faut croire que quelque chose ici bas empêche la vague de déferler. Le Yi King, mon ami de toujours me parle des « ennemis », de ceux qui sur la terre, ont croisé ma route et m’en gardent rancoeur. Ils doivent être nombreux. Je ne sais pas combien, mais ils doivent être nombreux.

Ceux qu’on laisse sur sa route un jour de colère et qu’on ne revoit jamais. Ceux avec lesquels on a essayer de bâtir des mondes et qu’on laisse, du jour au lendemain. Ceux qu’on a blessé, rendu jaloux, perdu. Ceux qu’on a mal aimé. Ceux qu’on a pas regardé, ceux pour lesquels on a pas pris le temps, ceux qu’on a oublié, un instant, une journée, une vie… Ceux dont on s’est servi, qu’on a trompés, puis laissés, bafoués, malmenés…

Et comme dans le théâtre Nô, il se peut que ces esprits blessés, ne puissent pas lâcher cet être qui, pour nous, s’est depuis longtemps transformé et que leur colère, leur rancoeur, leur blessure créée une scission complexe et frictionnelle entre le nous de maintenant et ce qu’il a été, avant.

Je ne dis pas que ce sont ces autres qui font ça. Mais peut-être le nous d’aujourd’hui qui se souvient du nous d’hier et qui est encombré de n’avoir pas pu demander pardon à ceux qu’il a blessé et qu’il n’a plus revu. Et qui n’a pas dire merci à ceux qui ont enduré ces passages comme on subit la chaleur cuisante du soleil, puis la violence de la pluie et la boue, du froid pour faire germer cet arbre sans jamais avoir pu en goûter un des fruits.

Comment faire alors pour me libérer de cela ? Comment faire pour guérir ces plaies ouvertes qui retiennent en arrière ? Et même comment mesurer le mal qu’on a fait ?

Alors je pose une liste ici de ceux à qui je dois tant et à qui j’ai fait si mal, enfin, à qui je crois avoir fait si mal.

D’abord, pardon à Aydé, femme de ma première vie que j’ai aimé si fort et si mal, oui si mal. Pardon à Elsa, que je retrouve si belle quand je ferme les yeux et que je n’ai pas su aimer comme elle l’attendait. Pardon autour d’elles, à la mère d’Aydé que j’ai combattu si sauvagement, à son frère que j’aimais bien, à Vincent, Jenny et la maman d’Elsa. A sa grand-mère et son grand-père aussi, avec lesquels j’ai passé de si beaux moments. A Julia, ma petite puce. A Claude, ce cousin qui m’a tant donné et qui n’a plus eu de mes nouvelles du jour au lendemain.

A Mathilde et Juliette, à Alexandra, à Anne, à Julie, à Stéphane, à Christophe, à Duccio, à Cécile, à Léonie, à Patrick et Sylvie et à tous ceux à qui je pense devoir des excuses. Je suis désolé. Sincèrement désolé.

J’entends certains qui vivent avec moi aujourd’hui me dire : « mais pourquoi ne sommes-nous pas cités? » Justement parce que nous vivons pas loin, que nous nous rencontrons encore et que nous pouvons, à chaque instant, faire ces traversées que je ne pourrais plus faire avec ceux-ci, eux qui ont tant compté et que je ne vois plus.

Ah oui… j’oubliais ! « Magojiro » en titre pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, je viens de faire l’acquisition de mon premier masque de Nô : « Magojiro ». C’est le premier masque que Erhard nous avait présenté en 1994 au Théâtre du Soleil, lors d’une journée où à cinq ou six, il nous avait fait travailler. En nous présentant ce masque, il nous avait raconté l’histoire d’un jeune sculpteur qui avait une femme magnifique. Ils étaient très amoureux. Quand il sculptait, elle n’était jamais loin et avait pour lui mille soins. Mais cet ydille ne devait pas durer. En effet, la femme mourut d’une maladie fulgurante(comme souvent à l’époque). Elle n’avait pas encore 20 ans. Fou de chagrin, le facteur de masques demanda à sa famille et à la famille de la femme de le laisser seul avec elle, une dernière nuit. Ils n’eurent pas le coeur de refuser. Mais le lendemain matin, la porte était toujours close. Ils eurent peur que le jeune homme n’est mis fin à ses jours et entrèrent. Là, ils ne virent pas le jeune homme, mais au centre de la pièce, au milieu de copeaux de bois, la jeune femme allongée semblait avoir retrouvé la vie. Ils se précipitèrent pour l’embrasser, mais arrivés devant elle, ils se rendirent compte que ce n’était pas son visage qui semblait animé, mais qu’elle portait un masque . Oui, cette nuit de recueillement que le jeune facteur de masques avait demandé, il l’avait passé à sculpté le visage de sa femme. Elle demeurerait ainsi pour toujours comme à la veille de sa mort. Pour des siècles et des siècles. Elle s’appelait « Magojiro ».

Magojiro (celui-là est vraiment à moi !!!) – Photo Vincent Guenneau