Il me suffit de trouver un peu de distance et les mots reviennent. Toujours. Alors, écrire ? Pour qui ? Il me semble loin l’Alexandre de 2005. Pourtant cela n’est qu’un chemin. Jamais interrompu. Et il me semble qu’aux vues de la gravité de notre situation, avancer dans son coin, sans partage -si ce n’est avec son cercle intime- devient presque criminel.
Bien sûr, pour espérer avancer, il faut sortir du chemin de celui qui veut aider, qui veut convaincre, qui veut montrer la route. Car celui qui veut montrer ne chemine pas. Il est trop occupé à attendre les autres, à construire un discours, un personnage qui fasse le lien entre son monde et le théâtre dans lequel nous vivons tous. Pensant que la seule façon d’aider passe par tendre la main en arrière. Mais il me semble que cela est vain. C’est le résultat d’une éducation qui fait tout pour nous éloigner de notre œuvre. Il ne s’agit pas d’être berger. Non. Car l’être humain n’est pas destiné à devenir un mouton. Même si il a depuis longtemps été habitué à fonctionner comme tel. Non, je pense que l’aide vient de ceux qui ouvrent la route. De ces quelques êtres bien accompagnés, à l’éducation multiple. et qui, jour après jour, fortifient leur être, ne pouvant faire autrement que de se savoir responsables de tout ce qu’il se passe ici. Pas dans une dimension coupable. La culpabilité là encore est une habilité fixée par nos paires si loin dans notre chair. Qui peut s’aimer s’il se sent coupable ? Non, la culpabilité est une arme dressée contre l’être depuis la nuit des temps qu’il faut savoir extraire, cracher. Rien n’est irrémédiable ! Et chaque erreur est une victoire qui peut ouvrir la route ! L’on doit se relever, redresser le regard et assumer les larmes d’horreur qui peuvent couler. Puis bâtir à nouveau. Du nouveau. Amener la paix par la force de notre foi en la vie, en nous, en l’amour. Amener notre être à la fierté, à la grandeur, à l’immensité. Alors, nous ouvrons une brèche. Laissant un signe à ceux qui se sentent eux aussi dépassés par leur besoin de liberté, de compréhension, d’élévation. C’est le seul moyen de donner la chance à chacun d’entre nous de devenir un homme.
Et une fois cette route prise, il me paraît impossible de faire machine arrière. Alors, ce ne sont pas quelques pièges grossiers, portés par une poignée d’êtres à l’égo suranné qui pourront arrêter l’homme enfin debout. Parce que si nous y pensons bien, que nous importe notre trois pièces, notre réfrigérateur, notre bon petit lit chaud, quand nous comprenons que la prison est ici ?! Et qu’elle nous arrache chaque nuit, dans notre sommeil, une étincelle de vie ? Ont-ils l’air malheureux ces moines qui vivent avec trois habits et un bol pour faire l’aumône ? Je vous le dis, ils le sont bien moins que la plupart d’entre nous. Et la richesse, quoi qu’ils vous affirment, n’y change rien. Et d’être adulé comme le sont les stars et les hommes politiques, non plus. Et la justification de l’existence par ce travail derrière lequel on court… non plus !
Un dessin gravé sur le mur d’un abri. Un chant partagé, un poème gravé dans le bois où chaque lettre devient un être à part entière. Le respect de la vie sous toutes ses formes. L’émerveillement de l’enfant. La joie du partage. La richesse d’un échange sincère et grave. Oui, tout cela fait que nous pouvons nous réjouir d’avoir choisi cette planète et ces corps pour nous incarner. Car, à y bien regarder, comme Bouddha le dit, il n’est aucune place dans tout l’univers qui ne vaille celle de l’homme. Et je le dis à tous ceux qui attendent la venue de « sauveurs » venus d’autres planètes, d’autres dimensions, l’humain à en lui un champ des possibles si vaste que chacun d’entre nous pourrait être bien plus grand que le plus grand d’entre eux. Mais là encore, il est plus accessible de rester l’enfant qui attend la solution des parents. Et qui garde la bouche ouverte en pleurant, ne pouvant comprendre comment il a pu ne pas être encore exaucé par cette mère nourricière.
Regardez-vous. Contemplez votre vie. Les gens qui vous entourent, votre réalité. Tout cela n’est que le miroir de votre être profond. N’ayez pas honte. N’ayez pas peur. Accueillez cela. Vous êtes vivants. Et quoi qu’on vous dise, à chaque souffle, vous avez le pouvoir de tout changer. Tout. Vous avez le pouvoir de devenir ce que vous désirez être au plus profond de vous. Alors, retournez à votre centre. Lâchez les drogues multiples qui vous éloignent de vos travaux importants : ordinateurs, télé, téléphone, films, livres, etc. Pas longtemps. Mais ne serait-ce que dix minutes par jour. Posez-vous en vous-même et laissez l’être dedans vous dire ce qu’il a à dire sans jugement, sans contrôle. Alors, d’ici quelques pas, vous entrapercevrez un chemin. N’y courez pas ! Ne cherchez pas de résultat. Il n’y en a pas. C’est juste vous. Il n’y a qu’une route et qui demande d’être là à chaque instant. Juste là. Posé. Contemplatif. Calme. Aimant.
Alors vous rencontrerez le courage. Alors vous rencontrerez l’éveil. Pas celui de la dimension bouddhique -quoi que ce n’est pas un hasard si c’est ce mot qui a été choisi pour traduire l’accès à la vacuité-, mais le contraire de la fatigue. Car la fatigue est une maladie de l’âme. Épuisée d’être sans cesse ballotée en tous sens. Épuisée de ses cris que vous n’entendez pas. Épuisée de toutes ces petites choses que vous remettez à demain. Épuisée de ces mots qui traversent vos lèvres sans votre accord. Épuisée de cet amour immense que vous vous refusez. Épuisée de ces concepts que vous utilisez sans jamais les avoir remis en cause, réfléchis, puis choisis. Épuisée de ne pouvoir lutter contre toutes ces choses que vous laissez vous rendre si lâches. Épuisée de vous courir derrière. Tout le temps. Tous les jours. À chaque seconde. Nous avons tellement de choses à faire si nous voulons que notre monde avance et survive. Tellement de choix complexes à faire. Tellement de mauvaises habitudes inculquées à dénouer, puis libérer. Tellement de vie à inventer, à créer. Tellement de bonheur à vivre !
J’ai confiance en vous. J’ai confiance en nous. Et je sais que beaucoup sont sur le chemin. Mais attention, il ne s’agit pas de rêver ces mots, il s’agit de les mettre en vie. Et pour cela, il faut absolument sortir de la globalité pour commencer par le plus petit rien. Celui qui vous semble tellement futile. C’est lui qui sera toujours votre meilleur allié.
Courage ;))