Excusez-moi ces trois jours d’interruption, mais l’amour à ses raisons que la raison ignore ! Comme le dirait Jean Baptiste Poquelin alias Molière…
Le samedi fut ici dédié à cette arrivée. Ménage, courants d’air, pomponage et compagnie sous une pluie torrentielle s’étant mise à tomber en même temps qu’Elise arrivait sur le sol japonais. “Voici la Déesse de la fertilité qui arrive” semblait dire le ciel. Puis elle arriva et même je la trouvai sans trop de complications à la Kyôto Station – gare japonaise, donc immense et labyrinthique.
Après un bref arrêt à la Takaya, nous allâmes directement voir l’Exhibition de costumes et de masques Kongo au Kongo Kaikan. Je découvre ce théâtre pour la première fois et lui trouve – Elise dira de même – un cachet vraiment authentique. Malheureusement, les appareils photos sont interdits ! Dans la salle du Butai, nous croisons Rebecca que je m’empresse de présenter à Elisabeth. Nous profitons de ses connaissances pour regarder les kimonos attentivement. En fait, dans les motifs rehaussés des kimonos et des éventails, rien n’est posé au hasard. Tout à un sens lié au personnage, à la saison où la pièce joue, à son humeur, son histoire… le tout traduit par des symboles. Animaux et végétaux pour les femmes et souvent géométriques pour les hommes. Cette visite devient, du coup, passionnante. Il faut savoir que les costumes de Nô comme nous les connaissons aujourd’hui sont arrivés à l’époque Edo sous l’impulsion du Général Hideyoshi. Avant, dans le théâtre Nô, le costume était sobre – ils s’habillaient comme dans la vie, à quelques détails près.
Les costumes et les masques de la famille Kongo sont somptueux. Des pièces rares et des masques datant pour la plupart de la période Muromachi ou période des Ashikaga, c’est-à-dire la période où vécurent les premiers Kanze : Zeami et Kanami. Ils sont assez semblables à ceux utilisés aujourd’hui et servent souvent de matrices aux masques qui ont été créés ensuite. Les noms des masques, tels que nous les connaissons, ont, par contre, été arrêtés à la période Edo, soit 200 ans plus tard. La collection des Kongo est une collection vraiment intéressante, du fait qu’ils ont été les Sensei de la famille Impériale pendant une époque et se sont donc vus offrir des cadeaux d’une valeur inestimable – Kimonos, éventails, masques.
Voilà. Il est 17 heures, nous rentrons à la maison. Elise est cuite. Le décalage horaire a, chez elle, l’effet inverse de chez moi… elle a besoin de dormir. Je la laisse et pars à la recherche d’un loueur de vélos. Mais c’est peine perdue. Apparemment, il faut se rendre dans les Hôtels ou les Guest-House pour en trouver. Par contre, je croise une vieille maison ouverte que j’avais déjà rencontrée quand je cherchais le Kanze Inari. Je rentre… Je tombe sous le charme. Dans mon histoire, Zeami vivra ici. C’est exactement comme j’imagine sa maison. Je prends des photos pour pouvoir les étaler devant mon ordi quand il s’agira de reprendre l’écriture de la pièce et rentre à la maison.
Le dimanche sera une journée douce et tranquille pour qu’Elise puisse arriver posément. Je la laisse à la maison et retourne au Kongo Kaikan pour voir la nouvelle “Exhibition”. Mais, ils ont juste changé les kimonos. Repayer 1000 yens pour voir dix nouveaux kimonos me laisse un petit goût amère, mais enfin, cela fait partie des choses à faire quand on est un disciple et donc, je m’exécute. Je ne reste pas longtemps aujourd’hui. Je fais un rapide tour des kimonos, vais saluer Rebecca qui doit être là pendant toute la durée de l’Exhibition – c’est à dire deux jours – avec les deux fils du maître pour représenter les Udaka. Le maître lui ne viendra pas. Aucun membre de l’école de l’âge du maître n’y est d’ailleurs. Ce sont les jeunes, accompagné du Iemoto qui assurent l’événement. Passation des responsabilités oblige.
Je n’ai toujours pas vu le Daigo Ji, l’endroit où est la tombe de Zeami et je propose à Elise cette balade. Il nous faudra juste trouver ce second vélo qui manque. Elise a passé quelques coups de fils ce matin et a trouvé une boutique qui loue des bicyclettes à trois rues de la maison. Nous y allons, mais c’est l’heure du déjeuner. Qu’importe, nous avons du temps et nous arrêtons pour manger un bout. Superbe petit restaurant très typique et sympathique où la nourriture est bonne et peu chère juste à côté d’un petit temple très joli où nous avons aussi le temps de nous poser à l’ombre des Gingko. Puis nous allons à la boutique. “Do you rent bicycles ?” “Yes ! Of course… 8000 yens for two weeks !” Pour 10 000 yens, tu achètes un vélo. Donc, on s’excuse, on repart et s’arrêtent chez le vendeur de vélo qui fait l’angle avec la Imadegawa Dori et le vélo, on l’achète. Un blanc vélo tout joli et pas cher. Pour moi, c’est pratique, étant donné que, quoi qu’il se passe, j’ai décidé au moins de rester jusqu’à la fin de mon droit de séjour, début octobre. Le temps de voir venir… “Joyeux anniversaire !” Oui, le vélo est le cadeau d’Elise pour mon anniversaire qui arrive du coup, comme souvent, avec quelques jours d’avance.
Puis nous allons au Daigo Ji. Enfin… nous y allons est un bien grand mot. C’est bien plus loin que je ne l’imaginais et il faut traverser les collines qui encerclent Kyôto. Nous arriverons finalement assez proches du Daigo Ji, mais nous abandonnons lâchement. Il est 17h30, le temple est du coup fermé et il va falloir repasser les collines en sens inverse. En tout quelques sept heures de vélo dans l’après-midi. De quoi nous rompre pour quelques jours…. Mais que nenni ! Demain, Elise me propose la ville de Nara. Ancienne capitale de l’époque qui porte son nom : Nara : 649-794. En plus, ville où Zeami a passé une bonne partie de son enfance et même de sa vie. Ok doki, c’est parti.