Etaient présents : Aude, Céline, Fleur, Jeanne, Sidney, Antoine-Baptiste, Gaël, Alexandre et leur professeur de théâtre et/ou de français Anne R.
Anne à qui j’ai demandé cette semaine de bien vouloir faire le compte-rendu, elle qui nous suit les mercredi, avec son regard généreux et son sourire qui semble en savoir bien plus qu’elle ne le montre et qui connait si bien cette petite bande.
Place au maître (à la maîtresse, je veux dire… mais maîtresse pour un professeur, ça peut être mal pris) …
» Alexandre l’a décidé, suite à la séance du mercredi 8 avril : aujourd’hui, c’est le regard extérieur qui a la parole. Le regard qui n’a rien vu des maquillages, qui n’a rien vu des costumes, qui n’a rien vu des premières approches, des premiers balbutiements sur le plateau. Regard un peu déniaisé tout de même par une séance en salle Gérard Philipe la semaine précédente, où Mototsugu avait crié son mécontentement face à l’incapacité de la bande des sept à entrer dans le jeu, à se faire plaisir et, partant, à faire plaisir aux autres. J’avais alors découvert que derrière Alexandre se cachait un dragon non moins redoutable que la dragonne en chef, Ariane Mnouchkine, chez qui il a été formé. Sans cesse, au cours de cette séance, s’étaient superposées à l’image et aux paroles d’Alexandre, celles d’Ariane dans le documentaire Au soleil même la nuit, consacré aux répétitions du Tartuffe.
La séance, cette fois, démarre sous des augures bien différents. Alexandre est bien Alexandre, il sort de chez son ostéopathe, il donne l’impression de flotter un peu, pas de dragon en vue. Chacun entre à sa façon dans le monde du théâtre : concentration immobile, assouplissement, échauffement tonique, et c’est parti… Mise en route de la parole : il s’agit pour Alexandre de rappeler les objectifs, les échéances, la nécessité pour soi-même et les autres de se fixer un contrat…et de s’y tenir. Puis la parole est donnée à la petite bande. Sans doute, comme chez Ariane, chacun s’est-il déjà essayé à différents rôles et a-t-il découvert qu’il était meilleur dans un rôle qui ne lui était, a priori, pas destiné. Alors, maintenant, qui se voit en qui et en qui voit-il les autres ?Tout, ou à peu près, paraît possible. Mais point de Dom Juan à l’horizon… Le rôle doit leur sembler écrasant. Antoine-Baptiste, sans doute, voudrait bien, mais n’est-ce pas un peu prétentieux ? Et puis, il le sait, il est soumis à d’autres contraintes. Céline, elle, est dans l’entre – deux, elle garde une certaine distance dans l’engagement parce que, justement, les engagements, pour elle, sont multiples. Aude et Jeanne se voient et sont vues davantage en Sganarelle et Elvire. Gaël, Sidney et Fleur, se sentent plus fragiles. Bon, Alexandre a noté… la seule certitude semble être Elisabeth en Commandeur dansant. Quant à Dom Juan, ce ne sera peut-être pas un élève…
Tous sur le plateau ! Bref rappel des principes de base du nô, bref essai de pas glissé sur la moquette râpeuse de la salle 137, et en place ! Acte I, fin de la scène 1 et début de la scène 2. Jeanne-Sganarelle assise en avant-scène, Céline-Dom Juan à jardin, attendant de faire son entrée, et l’orchestre à cour, sous la houlette d’Antoine-Baptiste. Des tâtonnements, un certain manque de tenue… Puis le chœur se forme derrière Céline et là, tout d’un coup, il se passe quelque chose : voix du coryphée et voix chorale se répondent, la parole se pose sur le murmure du chœur, nous donnant à entendre la profession de foi du libertin : « Tout le plaisir de l’amour est dans le changement ». A peine le temps de goûter à cette beauté inattendue, à cette musique suspendue dans les airs, et c’est l’heure. La semaine prochaine, je prendrai à nouveau le train Dom Juan en marche, il aura sans doute bien avancé. Où en sera le grand seigneur méchant homme ? En train de promettre le mariage à Charlotte ? De donner un soufflet à Pierrot ? Qui arrêtera celui qui se prend pour Alexandre – le conquérant, bien sûr – ?