Shakespeare et compagnie…

Les jours qui viennent de passer ont eu raison de mes petits rituels. Et ce n’est pas sans peine que j’ai enclenché le frein d’urgence hier au milieu de la nuit. STOOOOOOOOP ! Crissements des orteils, les yeux plus bas que bouche, un palpitant au rythme lent et inquiétant, les crocs dehors, la tête idiote… bon, j’arrête là, non ?!
Donc… Repos. Calme. Reprendre les choses au début, une par une. Caaaaaalmement.
Ouf ! Ca y est. Et me voilà à nouveau avec les amandiers en fleur dans mon jardin. A respirer l’air, à rêver loin et large, posément.

Le coup de feu est passé. Nous avons été là. Trois jours intenses et nécessaires. Maintenant, il faut reprendre du champ et réfléchir et penser la stratégie. Revoir les cartes, se mettre dans la tête de tous ceux qui sont autour, sortir les pierres du sac et les poser l’une après l’autre.

Et si je n’ai pas écrit hier (enfin si j’ai écrit, mais… pas raconté) c’est que mardi soir, je suis allé à Draguignan retrouver quelques frères de théâtre que Paul Golub (un metteur en scène, un ancien du Soleil aussi) a réuni dans sa mise en scène de « La Puce à l’Oreille » de Feydeau. Et c’était bien. Enfin, Feydeau… non, mais cette distribution, ces acteurs au plaisir non feint, non dissimulé, nous ont offert deux heures et demi de pur plaisir. Tous. Avec des personnages clairs et un jeu maîtrisé (parfois un poil trop). De vrais beaux acteurs de théâtre ! Après… après je suis resté là-bas et j’ai profité de ces amis le temps d’une trop courte nuit, avant qu’ils ne redécollent pour Paris. Martial, Rainer, Brontis et Paul que j’ai découvert un peu plus et qui est un garçon assez délicieux, en fait.

Et puis, il y a eu ces trois jours qui m’ont tant occupé, une rampe de lancement à construire à la hâte pour un rêve que je fais depuis des années et qui semble prêt à voir le jour. Je reste encore vague et je m’en excuse, mais d’ici peu, je vous dirai tout et j’aurai alors besoin de vous tous et de votre foi, de votre imaginaire, de votre ferveur. Et il nous faudra être nombreux pour réaliser ce pari fou et génial.

Ah oui ! Le titre… Ca c’est parce que avant hier, nous avons eu le bonheur de découvrir une toile du plus gand auteur de théâtre de toute notre courte histoire. Il est ici âgé de 46 ans. C’est la seule toile existante et certifiée de son vivant. Je voulais vous le présenter. Pour ceux qui n’auraient pas eu le temps de le voir ou de le savoir. Voilà la vraie tête de Shakespeare. Il est si beau, si là… vous ne trouvez pas ?!


Allez, jeunes gens, je vous laisse. Je vais reprendre le cours de mon ruisseau et vous retrouve ce soir, peut-être.

A vite.

non… en fait !

Non, en fait, ce soir, je n’arrive pas !
Trop de choses à gérer, à penser, à faire. Hier à Draguignan, ce matin ici. En trois jours, la face du monde a changé… c’est beaucoup pour mes petites épaules. Ca concocte et demain ou vendredi, ça aura un peu décanté.

Allez au repos les loulous.

Sinon, je vais faire des bêtises et là… je n’ai vraiment pas le droit ! pfffffffiou

J’aaaaaaarrrrrriiiiiiivvvvvveeeeeee

Allez !
Encore deux heures et c’est promis je viens ici vous retrouver un peu et vous expliquer mon silence du jour….

A tout !

Et un petit poème à accrocher au mur de ses yeux. En attendant 😉

Prière aux vivants pour leur pardonner d’être vivants

 » Vous qui passez

bien habillés de tous vos muscles

un vêtement qui vous va bien

qui vous va mal

qui vous va à peu près

vous qui passez

animés d’une vie tumultueuse aux artères

et bien collée au squelette

d’un pas alerte sportif lourdaud

rieurs renfrognés, vous êtes beaux

si quelconques

si quelconquement tout le monde

tellement beaux d’être quelconques

diversement

avec cette vie qui vous empêche

de sentir votre buste qui suit la jambe

votre main au chapeau

votre main sur le coeur

la rotule qui roule doucement au genou

comment vous pardonner d’être vivants…

Vous qui passez

bien habillés de tous vos muscles

comment vous pardonner

ils sont morts tous

Vous passez et vous buvez aux terrasses

vous êtes heureux elle vous aime

mauvaise humeur souci d’argent

comment comment

vous pardonner d’être vivants

comment comment

vous ferez-vous pardonner

par ceux-là qui sont morts

pour que vous passiez

bien habillés de tous vos muscles

que vous buviez aux terrasses

que vous soyez plus jeunes chaque printemps

Je vous en supplie

faites quelque chose

apprenez un pas

une danse

quelque chose qui vous justifie

qui vous donne le droit

d’être habillés de votre peau de votre poil

apprenez à marcher et à rire

parce que ce serait trop bête

à la fin

que tant soient morts

et que vous viviez

sans rien faire de votre vie.

Je reviens

d’au-delà de la connaissance

il faut maintenant désapprendre

je vois bien qu’autrement

je ne pourrais plus vivre.

Et puis

mieux vaut ne pas y croire

à ces histoires

de revenants

plus jamais vous ne dormirez

si jamais vous les croyez

ces spectres revenants

ces revenants

qui reviennent

sans pouvoir même

expliquer comment. « 

Charlotte DELBO

Passage éclair…

J’aime cet endroit ! Chaque jour que j’y passe, un peu plus…
Je crois que je commence à comprendre pourquoi il y a onze ans, je décidais de quitter Paris, la Capitale pour venir faire du théâtre, ici.
Non, non. Ce n’est pas le soleil, ni le temps délicieux (ça je l’ai découvert en route), mais plutôt un besoin de prendre de la distance pour mettre au monde mon théâtre.

Aujourd’hui, je crois que j’ai suffisamment cheminé pour pouvoir reprendre, avec ceux que j’ai quitté alors, le dialogue et les échanges.

Je profite des fleurs d’amandiers qui sont encore debout et fait un rêve qui va rester un secret encore quelques temps. Un rêve pour nous tous, ici. Un rêve de théâtre. Un rêve qui fera que plus jamais le théâtre ici ne sera, cet art de l’excuse, ce flamboiement éclair de la honte, mais un arbre avec de vraies racines. Profondes. Je fais ce rêve depuis longtemps, mais voilà que les signes de la mise en route commencent doucement à arriver.

J’ai besoin de rester calme, concentré, encore plus concentré. Et de faire comme la fourmi qui baisse les yeux sur son ouvrage. Je le sens bien, le moment doit être comme cela. Il le faudrait. Mais dormir devient difficile et je sens bien que mes muscles ne me laissent pas au repos. Il faut parfois se battre contre soi-même. Se battre contre le trop plein d’énergie. Contre le tonnerre qui gronde et frappe dedans. Pour ne pas effrayer. Pour ne pas blesser ceux dehors. Leur laisser le temps de comprendre, d’entendre.

Hier, j’ai fait mes courses sur Internet. Beaucoup de livres sur le Nô (des introuvables) et sur le théâtre de Charlotte Delbo (des introuvables aussi). C’est ce qui est génial avec internet. C’est ça qui est dangereux aussi. Tout est là pour celui qui sait chercher. Tout ? Trop ? Non, pas trop, mais pour certains la possibilité de répondre à des questions qu’avant ils se posaient pendant des années avant de pouvoir y répondre. Le temps de la recherche, le temps de la question sont importants. Et même si ils peuvent être compressés, il ne faut pas oublier que c’est important. Et le prendre. Oui, prendre le temps. Toujours. D’y croire. De réaliser son édifice pierre après pierre. Pour que le jour où un problème se présente, on puisse y faire face. Connaissant chaque pierre, chaque parcelle de ce qui fonde notre maison.

Allez, bonne journée à vous.

Et promis, je parlerai bientôt !

Ah ! Oui ! Le nouveau site du studio commence à voir le jour. Allez y faire un tour et aidez-nous à le peaufiner. Il est en cours de construction. Nous sommes dedans, nous avons peut-être oublié quelque chose ou brouiller les pistes ? Les idées et commentaires sont les bienvenus. http://lestudiodusoleil.fr (page accessible sur le site de l’école aussi http://studiodusoleil.ouvaton.org, partie compagnie)

Oriza Hirata et Ariane Mnouchkine… Beau Week-End !


Les amandiers sont en fleurs, le ciel : bleu pur, le café : puissant, j’entends les pattes d’écureuils scratcher dans les arbres en réponse aux appels des oiseaux… oui, c’est ça ! je suis rentré chez moi !!!

Et c’est avec un plaisir non feint que je déguste mon café en venant vous trouver dans ce jardin sans frontières et qui a partagé avec moi bien plus que je ne pourrais écrire.

Ce week-end fut chargé, ouvrant des portes inespérées entre mes rêves et la réalité, donnant à ces multiples combats un peu de plus de sens, un peu plus de fond.

D’abord Ariane et son anniversaire. Soixante-dix ans et une fête qui, comme elle, s’est épurée avec le temps, s’est simplifiée, adoucie, calmée. Pour finalement devenir ce joli rendez-vous où seuls quelques intimes (enfin deux cents personnes tout de même !) étaient présentes. Il y avait Guy Claude François, ce décorateur et scénographe de génie qui a accompagné sa vie depuis plus loin que remonte ma mémoire et qui, lui aussi, plus le temps passe, est beau et doux, simple et sincère, délicieux. Il y avait Tamani, la femme qui venait nous accompagner dans nos maquillages, elle qui a maquillé les plus grands, encore plus petite, encore plus vieille et en même temps toujours plus vive et drôle. Il y avait Erhard Stiefel, ce génie, ce « Trésor Vivant » (titre décerné par les japonais à quelques élus), fidèle à lui-même, toujours aussi beau et énigmatique, lui qui, malgré son grand âge, ressemblera toujours à un jeune romantique. Il y avait Gérard Hardy, un jeune homme de soixante-quatorse ans, toujours en tournée, toujours sur la scène et qui a cette douceur et ce plaisir de vivre (je lui dois un merci attentif et particulier. Il m’a donné la référence d’un livre qui va bien m’aider dans mes travaux en ce moment : Au Bord de l’Eau. Qui raconte l’histoire d’une troupe de théâtre à travers l’histoire de chaque membre qui la compose). Il y avait Georges Bigot, cet acteur qui peut être si superbe, héros de mon enfance, Richard 2 incroyable, Norodom criant de vérité. Il y avait François, dont je ne sais plus le nom, et qui de ses mains sait fabriquer tout et n’importe quoi, un peu comme un magicien. Il y avait Brontis Jodorowsky, Miriam Azencot, Martial Jacques, Christophe Rauck, Juliette Plumcoq Mech, compagnons de mon époque et que j’ai eu plaisir à revoir après tout ce temps. Et puis tous les membres de la troupe, de maintenant. Qui entourent ma Belle Ariane de mille soins, de tant d’amour et qui lui permettent aussi ce calme, cette douceur. Il y avait les proches d’Ariane. Sa famille, ses amis, dont le plus connu Patrice Chereau. Et c’était beau ! Simple et beau. Avec des surprises offertes à l’aide de nos nouvelles technologies. Sur grand écran, des gens du monde entier ont défilé grâce à Skype, pour ne pas le nommer. Amis d’Australie, du Brésil, des Etats-Unis, de France… mais aussi, astronautes en apesanteur, Charlie Chaplin (si, si), le président Obama (bon… ceux-là c’était pas en vrai de vrai, mais en vrai quand même!!!!). Bref, un moment de magie délicieux. Ah oui ! Merci à Jean-Jacques, aux Afghans et à Céraphin qui nous ont concocté un repas digne des plus grands avec un dessert incroyable arrivé sur un char et représentant un immense soleil que nous avons avalé gouluement ! Ouf… voilà, j’ai fini la soirée du samedi… il vous reste un peu de temps ou d’envie d’aller plus loin ?!

Alors pour ceux qui en ont le courage… le dimanche ! (Mais d’abord, je vais me resservir un café et faire un bisou à mon amoureuse)

Donc, le dimanche. Grâce à Yumie, la japonaise qui traduit tous mes dossiers et mails à l’attention des japonais, nous avons obtenu un rendez-vous avec Oriza Hirata, metteur en scène japonais qui est au Japon, ce que Ariane Mnouckine et Peter Brook sont à la France.

C’est donc à 14h45 (les japonais sont très à cheval sur les horaires) que nous sommes arrivés dans le Hall de l’Hôtel Mercure de la Gare Saint-Lazare où nous avions rendez-vous à 15h. Après une course éfrénée d’Elise pour trouver une borne qui fait les cartes de visite (les japonais sont très à cheval sur les cartes de visite ;-)) d’où elle revient sans et pour ma part, une recherche rapide sur internet pour voir des images du Monsieur et sa biographie (vive l’Iphone !!!), Orizo arrive accompagné de sa traductrice. C’est un petit homme vif, au visage espiègle et malin qui inspire tout de suite confiance et respect. Nous nous installons et je lui explique mon projet Kujoyama dans les moindres détails. De temps à autre, je me tais pour laisser la traductrice faire son oeuvre. Elise, elle, profite de ces moments pour me donner quelques conseils d’approche. Lui se tait. Il écoute. Une fois le tout exposé, il entre en scène. Il me dit que, si mon projet lui semble intéressant, mon approche est nulle. (Ouah ! Un japonais franc… celui-là il va falloir que je le soigne de toute mon âme pour ne pas perdre sa confiance et ses faveurs) Et m’expose la « stratégie » à suivre. Il emploiera ce mot. Il m’expose le mode de subventions au Japon et comment s’assurer d’avoir les meilleurs pour la réalisation de ce projet. Il me dit que si nous oeuvrons comme il le dit, il organisera avec moi les « workshops » (stages) avec les meilleurs acteurs de Tokyo, de Kyoto et d’Osaka pour qu’ils découvrent mon travail sur la scène et que, naturellement, suite à ces travaux, les plus intéressés se réunissent pour mettre à exécution mon projet. Il me dit aussi qu’il me faudra organiser des « workshops » avec des metteurs en scène. Lui s’occupe de trouver les lieux, de payer les acteurs et les metteurs en scène pendant les temps des « workshops » et de suivre l’équipe qui montera mon projet pour l’obtention des subventions, afin de réaliser tout cela pour la saison 2011, 2012. Moi, en attendant, je dois trouver des co-producteurs ici sur le sol français.

Pour « Les Démons du Nô »… et oui, ils sont deux maintenant ! Il me fait comprendre que si jamais Ariane prend la mise en scène de ce projet, il nous invitera pour le festival de Tokyo (à l’auttomne). Je lui rétorque que faire se déplacer le Théâtre du Soleil coûte très cher. Il me dit : « l’Argent n’est pas un problème ».

Une heure et demie sont passées quand nous le quittons. Je garderai longtemps gravé le sourire et l’oeil malicieux de cet homme et sa simplicité, et sa sincérité. Wouah! Je viens de faire un pas de géant, je crois. Mais, il faut tenir la bride. Si Cultures France ne retient pas mon projet, tout cela tombe à l’eau. Donc, on garde son calme. On est serein, mais on garde son calme (tu parles !!!! ;-))

Voilà.

Maintenant, il me faut redescendre sur terre et continuer à travailler, patiemment, méthodiquement, pour rendre tout cela possible.

A vite.

Etrange humain…

Sous un ciel gris et bas, je retrouve ma ville.

Je retrouve… Je ne sais pas si aujourd’hui encore, je suis capable de « retrouver » ma ville. De « retrouver » le théâtre d’ici et ces gens qui le font. Je ne sais pas. Si j’ai encore envie de « retrouver »…

Comme un enfant qui préfère rester loin de cette réalité qu’il découvre et qui ne colle pas ! Comment peut-il « retrouver » celui qu’il appelait « père » quand ce dernier a fini de perdre les dernières écailles de sa peinture cloquée, quand ce que l’enfant découvre avec ses nouveaux yeux de quelques centimètres plus grand que lui, est la bêtise et la laideur !

Et ce rythlme qui aveugle, et ce bruit qui endort, et toutes leurs armes qui brouillent les visages, maintenant qu’il est loin, maintenant qu’il se réveille au chant des oiseaux, maintenant qu’il découvre dans le silence ce petit enfant qui avance et lui demande son chemin avec les mots simples de ceux qui n’ont rien à prouver, comment peut-il revenir et « retrouver ».

Et lui-même ! Lui qui là-bas est devenu un homme, ici aussi on lui demande de se « retrouver ». De remettre ce même costume Kenzo. Noir le costume ! C’est qu’il fait partie des gens du théâtre quand même ! Ce costume qu’il a déchiré le premier jour, à la première heure en arrivant ici, en essayant de se faire un feu pour réchauffer ce corps qui ne connaissait pas le froid.

Alors, on se réveille un samedi matin sous une chape de bêton et la tête pâteuse comme quelqu’un qui aurait noyé ses nerfs au whysky … et on a honte. Honte de voir qu’ici, on serait capable de « retrouver » ce dont la vie nous a défait, quoi qu’il en coûte. Oui, ce matin j’ai honte !

Parce que je n’ai pas su leur dire : « Pourquoi me parles-tu de demain, d’hier, d’après, d’avant. C’est ici que nous sommes. Juste là. N’avons-nous donc plus rien à nous dire ? » Parce que j’ai vendu l’âme de mon jeune guerrier à ceux-là qui ne sauront jamais l’entendre tant qu’ils ne l’auront pas vu sur la scène du Théâtre de l’Odéon. Parce que je me suis justifié, le coeur battant, blessé par des mots et des idées que je ne connais plus. Alors oui, j’ai honte !… enfin, non, ce n’est pas vrai. Je n’ai pas honte, mais j’ai dans le coeur cette tâche empreinte de gravité.

Alors ce matin, en attendant qu’ils se lèvent, je me remémore qui je suis. Je ramasse mes morceaux balancés là par terre, je les remets droits, leur enlève les traces de gerbe et de crachat et frotte. Et je les regarde. Chacun après l’autre. Je prends le temps de les retrouver. Et je demande pardon. Oui, pardon à chacun.

Le chemin est long qui mène à être au dehors ce qu’on souhaite être au dedans. Mais il se fait. Il suffit de reprendre la marche. De relever le nez et de regarder tout autour les milliers d’horizons encore ouverts et qui appellent. De remplir sa gourde d’eau fraiche et de reprendre le chemin.

Un jour, un jour, nous ne retrouverons vraiment. Parce qu’alors, je n’aurais plus besoin de vous dire, vous expliquer. De me dire, de m’expliquer… Nous nous retrouverons autour de cette table et nos yeux se raconteront des histoires que les langues ne savent plus dire. Et nos chairs vibreront ensemble. Juste ensemble, là.

Bonne journée les loups ! et vous aussi mes agneaux…

Vous me manquez !

Biennale de Nîmes, Hannya et autres histoires….

Moi qui voulais profiter de cette matinée pour faire la grasse ! L’horloge interne souvent si défaillante, m’a mis sur pied comme chaque jour ! « Laisse-moi tranquille ! Je n’écrirai pas aujourd’hui !  » Mais rien à faire. Il faut se lever…

Peut-être aussi, les histoires de la Biennale de Nîmes n’y sont pas pour rien… et d’ailleurs avant que de venir vous retrouver, j’ai déjà passé cinq coup de fil, envoyé trois mails pour essayer de débloquer la situation.

Laquelle, me direz-vous ?! Et bien voilà…

Le Théâtre du Nîmes organise (et je l’ai appris avant hier) du 24 au 28 mars, une biennale de la jeune création japonaise : Musique, danse, théâtre, arts plastiques. Alors, innocemment, quand j’apprends cela, après ma journée d’écriture, je me rue sur mon mail et j’écris à la direction que je veux absolument pouvoir être là. Rencontrer ces artistes, voir leurs spectacles et avancer ainsi sur mon projet Kujoyama. Je leur envoie mes dossiers : Projets, Presse, Photos, etc. et leur demande s’ils peuvent m’offrir le pass (150 euros tarif plein/86 pour les chômeurs), s’ils peuvent me trouver un endroit où dormir (même un placard à balai) et s’ils peuvent me permettre de vivre cette aventure de l’intérieur pour que j’ai une chance de rencontrer les artistes. Avec ce que je viens de vivre, avec la rencontre puissante et douce de ces jeunes autour de Dom Juan, avec le stage au Théâtre du Soleil, c’est très sûr de moi que j’attends une réponse positive, du genre : « Mais bien sûr ! Nous sommes très touchés qu’un artiste français de la région désire venir rencontrer nos artistes et partager ce moment unique avec nous. C’est, en secret, notre but, etc. » Mais que nenni ! Nous ne sommes pas des mécènes, me dit-on ! Et votre outrecuidance passe les bornes ! Loin de juste ne pas réussir à les toucher, je les énerve ! On s’explique au téléphone, on se comprend mieux. Mais il n’empêche qu’ils ne peuvent pas m’aider, si ce n’est en me facilitant la rencontre avec les artistes, ce qui est déjà énorme.

Du coup, c’est 800 euros que je dois trouver, là, comme ça ! Et 800 euros, je ne les ai pas. Oui, je suis intermittent. Mais les six derniers mois m’ont coûté cher. Le temps d’écriture des dossiers (Picasso, Kujoyama, Dom Juan), les impressions multiples et variées, les voyages à Paris, les envois, le temps passé sur Dom Juan, les coups de téléphone pour mettre tout ça en place, ma résidence d’écriture… tout ça, personne ne le paye pour moi. Et c’est une grande part de mes assedic qui se dilapide là ! C’est normal, me direz-vous et je suis d’accord. Entièrement d’accord, c’est à mon sens, exactement le pourquoi des assédic, en tout cas ce qu’il devrait être pour tout un chacun. Mais là, même en raclant les fonds de tiroirs, je ne peux pas m’offrir cette semaine ! C’est ainsi.

Cela explique peut-être pourquoi ce matin au lieu de dormir, j’ai appelé Jean Florès, le Directeur du Théâtre de Grasse qui accompagne mon travail depuis un bout de temps pour lui demander ces sous. J’ai appelé aussi Michèle Couetmeur et Thierry Roche, responsables à Aix et dans la CPA au niveau culturel et en lien avec moi sur le projet Kujoyama pour leur demander ces sous. Parce que je n’ai pas beaucoup de temps pour me retourner. Une dizaine de jours tout au plus. Et sans cela, sans une aide extérieure, je râterai ce moment. Moment unique si l’on y pense. Ce n’est pas tous les jours qu’autant de jeunes artistes japonais sont réunis ensembles sur le sol français. Mais bon ! Si cela ne doit pas être, cela ne sera pas. Et cela aura raison de ne pas être. C’est toujours ce que je me dis et c’est un très bon moyen d’apprendre à construire aussi avec les impossibilités.

Voilà…

Ah oui ! Hannya ! Pourquoi Hannya ? Parce que ce masque m’a tenu compagnie toute la semaine, posé face à moi, impassible, calme et que j’ai appris à la regarder, à voir sous ses traits les traits d’une femme blessée, battue, mais qui n’a pas lâché. Elle aussi est devenue une intime ! Et je voulais la saluer ici et lui dire merci de sa patience et de son regard qui m’a tant soutenu.

A plus !

P.S. Avez-vous vu avec quelle ferveur elle me regarde ! Je crois qu’elle est tombée amoureuse 😉

Ah ! Oui, aujourd’hui je pars à Paris et je n’aurai sûrement pas de connexion pendant ces deux jours… donc vacances de blog. C’est le moment d’en profiter pour venir vous y retrouver et discuter un peu. Quand le chat n’est pas là, les souris dansent dit-on, non ?!

1+2+3+4+5 = 28

Ca y est !
Le premier voyage au monastère s’achève au bas de la seconde scène. Cinq jours de travail, vingt-huit pages bien remplies, promettant de longs voyages solitaires au côté de tous ces personnages qui ont un peu pris vie.
Il y a Kiyotsugu (Kanami), Ogamé (acteur comique et nounou de Zeami, le seul à savoir lire et écrire excepté le Maître et Fujiwaka), Fujiwaka (Zeami de 12 ans), Tamana(la mère de Zeami et femme de Kanami), il y a Otozuru (la danseuse Kuse), Meïsho (le joueur de flûte souvent saoul), Ippen, Fuzen et Jumon (les joueurs de tambours), Hachi (l’intendant de cette maisonnée), Daïjo (le Supérieur du Temple Jozen… un sale enfoiré !!!), il y a Toyodayo (l’acteur Shite, celui qui jouent les rôles principaux au côté du maître, grand conciliateur) et Kumazen (le waki, le second rôle, un vrai bougon!), un messager du Temple (qui vient chercher Fujiwaka, mais je ne vous dirai pas pourquoi…) et les danseuses de Kuse : j’ai nommé Matsujo, Wakatsuru, Chiyo. Voilà !

Une sacrée brochette de personnalités qui vont et viennent. De belles rencontres, des larmes aussi. Des pertes. Des trouvailles. Une jolie route qui s’ouvre et promet d’être longue. Mais le temps est mon ami et je n’ai pas envie de me presser, de les presser. Ils faut que je les apprivoise, les appelle, les rêve.

Allez, bonne soirée à tous.

Moi je vais manger !

4eme jour… n’importe quoi 5eme jour !!!

Allez, c’est reparti…
Ce matin, j’ai du retard à rattraper. Le bain d’hier soir aura été salvateur. Du temps, l’ami. Tout cela prendra du temps. Alors rester calme et continuer à cheminer aux côtés de ces personnages si attachants et si vrais. Ils feront ce que je ne sais pas faire. J’en suis sûr.

A ce soir !

Deux petites pages !!! Rude journée

Rude journée ! !!
Oui, c’est exactement cela, une rude journée…
Pourquoi ?
Plein de raisons, je suppose.

D’abord, j’ai commencé ce matin avec une heure de retard. J’ai traîné, répondu aux mails, plus fumé, plus bu de cafés, pris plus de temps sous la douche, pris plus de temps pour m’habiller.

Ensuite, il y a ce foutu relâchement. Après un début qui est venu facilement, assez facilement et le sentiment tout à coup que ça y est, ça va s’écrire, c’est sûr ! Du coup, on se couche plus tard, on fait moins attention, on regarde de beaux films… on se disperse !

Aussi, le moment. Dans la pièce, je veux dire ! Un moment charnière et délicat. Quand Kanami, le père de Zeami découvre la musique Kuse (Kusemai) qui va littéralement transformé son théâtre et le faire devenir celui qu’on connaît aujourd’hui. Faut-il montrer ce moment ? Le cacher ? N’est-ce pas une pente vers le folklorique ? Comment rester universel ici aussi et laisser le champ ouvert aux metteurs en scène qui auront envie de raconter cette histoire. Parce qu’il me semble évident, chaque jour un peu plus, que ce que j’ai la chance de rencontrer ici, c’est l’histoire universelle de l’artiste. Celui qui coûte que coûte ne lâche pas ce en quoi il croit et qui finit par imposer sa vision quand quelques minutes avant personne n’aurait pu imaginer cela possible. Je ne parle pas là de vouloir être original ! Etre original n’est pas une préoccupation artistique ! Je parle ici de l’honnêteté ! De l’honnêteté d’un homme qui sait que pour dire ce qu’il a à dire, ce qu’il a, ce qui existe ne suffit pas, ne marche pas. Il voudrait, il essaye, de toute son âme. Mais ce qu’il a en lui le pousse et il ne peut faire autrement que de l’écouter.

Au fil des pages qui naissent sous ma plume, je me rends compte combien ce père, le père de Zeami est un réel et immense artiste. Un homme d’une grande noblesse d’esprit et de coeur. Et qui a la tête de 31 personnes a quand même pris le risque de tout perdre, de se tromper, de subir l’échec. Il n’a pas cherché à étonner, non. Il n’a pas su faire avec ce qu’on lui offrait, c’est très différent !

Il a assumé de nourrir sa troupe d’un bol de millet par jour (on ne donnerait même pas ça à un animal), montrant l’exemple et ne cherchant jamais à jouir du privilège de son poste, il s’est infligé une discipline de fer, a résisté à tous ceux qui voyaient en lui un génie et qui le poussaient à profiter de ce qu’il avait déjà réussi à faire, jusqu’au jour où il a trouvé. Oui, trouvé ! Dans la pire musique d’époque, lui qui faisait du Sarugaku, des spectacles qu’on offrait aux dieux et qui, même s’ils ne payaient guère, étaient respectés, je disais, il a trouvé dans la musique Kuse faite par des parias, des prostituées, ce qu’il cherchait. Lui, le grand Maître Kanze est devenu l’élève de cette prostituée et a appris comme le ferait un enfant tout ce qu’il pouvait apprendre d’elle, la considérant comme son réel maître. Sous les critiques et les rires moqueurs, malgré les colères des membres de sa troupe, malgré les mises en garde de sa femme, malgré lui-même sûrement ! Et pendant des années, il a mis au point ce nouveau Sarugaku, se justifiant face à ces acteurs pour qu’ils acceptent d’essayer ce qu’ils leur proposaient, affrontant leur colère et leurs quolibets. Et au final, il a eu raison de tenir ferme. Il a mis au monde un art nouveau, passant d’oeuvre votive à l’oeuvre théâtrale, alui permettant d’écrire des intrigues, de créer des personnages aux âfres infernaux. Lui qui aurait pu être un maître respecté de Sarugaku et jouir d’une vie tranquille, lui qui a assumé d’être rabaissé par tous ceux qui l’entouraient, lui qui malgré les doutes a su embarquer trente en une personne sans les nourrir convenablement et en finissant par leur offrir un projet qu’ils jugeaient fou et sénile, lui ! Il est devenu le premier Maître de Sarugaku à obtenir du Shôgun d’alors le titre de Compagnon des Arts du Shôgun, le fameux titre « ami » pour devenir le célèbre Kan(Ze)Ami, père du Nô contemporain !

Avec une telle histoire à raconter… comprenez-vous que plus j’avance, plus je me rends compte de ce qu’il a fait, plus la route me semble escarpée et ambitieuse. Je voudrais… je voudrais arriver à ce que les jeunes d’aujourd’hui trouve en cet homme unique la force qu’il leur manque pour faire leur pas, l’exemplarité qu’il leur manque pour devenir adultes. Puissent les Dieux m’entendre et m’aider dans cette tâche titanesque.

J’ai les épaules tant nouées que je pense que cette soirée se finira dans un bain brûlant !

Bonne nuit à tous.

Oups… j’oubliais ! Il y a eu une bonne nouvelle aujourd’hui ! Ce week-end, je rencontre à Paris, Oriza Hirata, célèbre metteur en scène japonais qui travaille beaucoup avec la France pour lui parler du projet Kujoyama. Bonne nouvelle, non ?!